Cold Cell - The Greater Evil
Chronique
Cold Cell The Greater Evil
Même si elle reste encore discrète jusqu’à nos oreilles la scène Helvétique ne cesse pourtant de gagner en crédibilité ses dernières années en voyant l’émergence de nombre de formations intéressantes, qui évoluent dans des styles très différents les uns des autres. Ayant vu le jour à Bâle il y’a pratiquement dix ans COLD CELL aura mis du temps avant de prendre véritablement son envol aujourd’hui, malgré déjà trois albums au compteur et possédant en son sein des musiciens expérimentés et reconnus (où l’on trouve notamment le batteur de SCHAMMASCH et un ancien de DARKESTRAH), qui permettent à l’entité d’afficher un concept et une musique particulièrement denses et crépusculaires. Car si le quintet pratique sur le papier du Black Metal celui-ci se montre bien plus varié et créatif qu’on ne pourrait le penser, car loin d’être d’une violence débridée son écriture repose majoritairement sur une rythmique plutôt posée et hypnotique mettant ainsi en exergue les textes et les ambiances, qui lorgnent autant vers une recherche intérieure de l’inconscient et subconscient, que vers le spirituel et les expériences de mort imminente.
Si tout cela peut sembler difficile à être cohérent les Suisses y sont pourtant parvenus facilement avec une grande justesse en mélangeant habilement des passages déchaînés avec d’autres plus conceptuels et rampants, faisant ainsi de ce quatrième opus une œuvre imbriquée et complexe mais au fil conducteur identique sur la durée, donnant de fait l’impression d’écouter à peu près la même chose de la première à la dernière seconde. Portée par des compos longues le rendu va être difficile d’accès au départ tant on va avoir la sensation légitime d’avoir affaire pratiquement tout du long à un seul et unique titre, tant les sept plages présentes peuvent facilement s’enchaîner et se mélanger les unes avec les autres, un choix réussi la majeure partie du temps même si cela créé de fait quelques longueurs évitables. Débutant par une douce voix susurrée et des arpèges d’une grande tristesse « Scapegoat Season » va en presque huit minutes donner le ton de ce que sera tout cette galette (notamment via des parties martiales et tribales récurrentes qui vont renforcer l’aspect cosmique et psychologique de l’ensemble). Distillant les blasts et passages enlevés au compte-gouttes ici l’accent est mis sur les atmosphères aériennes et éthérées d’où émerge ce côté religieux porté par les moments tribaux proférés par le batteur, amenant autant de douceur que de noirceur à un rendu froid et inquiétant. D’ailleurs plus on va avancer dans l’écoute et plus les angoisses et le questionnement personnel vont s’accentueur, d’abord avec l’hypnotique et coupant « Those » ou encore via le désespoir total entrevu sur le spatial et furieux « Open Wound », qui laisse l’occasion aux guitares de dévoiler leurs voiles musicaux et au chant de montrer ses différentes tessitures.
Si le combo montre qu’il est tout aussi efficace en simplifiant un peu son écriture (comme sur le très bon et varié « Arnoured In Pride »), il sait conserver cette force de frappe en poussant plus loin la diversification et les variations rythmiques à l’instar de l’excellent « Greatest Of All Species ». Oscillant entre le néant cosmique et messe noire intrigante l’entité livre ici de longues plages instrumentales qui permettent d’embarquer l’auditeur plus loin dans le concept, où l’on retrouve des plans écrasants où l’on se surprend presque à remuer la tête et d’autres où la folie est à son paroxysme, car la doublette de fin approche et avec elle un voyage presque vers l’au-delà. On parlait effectivement plus haut de la globalité des visions et sensations consécutives à une mort clinique ou à un coma avancé (où l’on a l’impression d’une décorporation plus ou moins partielle), et sur ce point-là « Back Into The Ocean » et « No Escape » y arrivent relativement facilement. Ajoutant des passages apaisants et limite Progressif sur le premier (qui reste bien calé en mode pépère) et bouillonnants sur le second (plus agressif et enlevé) la sensation d’aller autre part y est plus présente que jamais entre les cris désespérés, le calme de l’espace infini et les éruptions monstrueuses pour que ça ne soit pas linéaire et de tout repos.
Du coup il est évident qu’appréhender un tel disque n’est pas chose aisée, il va falloir en effet beaucoup de temps, de patience et d’attention pour bien en saisir la subtilité malgré un classicisme de façade et une sobriété qui s’estompe progressivement. Si on aurait aimé qu’il y’ait plus de passages qui se détachent du reste (vu que ça reste quand même relativement identique sur la longueur), il faut néanmoins noter que cette expérience sensorielle est particulièrement agréable et qu’elle nous embarque vers des contrées lointaines et gelées, où la neige, la glace et la peur s’imbriquent dans le même moule. Si ça ne marquera pas 2021 de son empreinte il faut quand même saluer la prise de risques de la bande, qui continue depuis ses débuts dans sa voie au-delà des modes et de la facilité, tout en s’améliorant progressivement (elle semble loin l’époque de
« Lowlife » chroniqué ici par mon collègue Sakrifiss), et rien que pour cela elle mérite d’être mise sur le devant de la scène. Même si comme pour ses précédentes galettes il manque encore quelque chose à sa musique (ça se réduit cependant au fur et à mesure) pour captiver un auditoire plus large qu’actuellement, qui restera pour l’instant encore cantonné à un parterre d’initiés élitistes.
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo