[ A propos de cette chronique ] Nombreux sont ces groupes proches de l'inconnu qui font leur petit bonhomme de chemin dans la vaste scène Black Metal. Alors que beaucoup de groupes moyens ou même faibles se taillent une réputation usurpée, d'autres, comme FLAME OF WAR, choisissent délibérément de rester dans l'ombre. Pas de Myspace, pas de facebook, rien de toutes ces germes de pourritures permettant à n'importe quel clampin sans talent de se faire connaître sans trop de problème. Njord, armé aujourd'hui de son acolyte batteur P. (aussi cogneur chez l'excellent DARK FURY), ne mange à l'évidence pas de ce pain là depuis qu'il a commencé dès 2004 à cultiver ce goût de l'Underground resté cher à une frange de puristes dont il fait évidemment partie. Perfectionniste, l'homme habitait de son grand talent de compositeur ses premières sorties, très peu distribuées et très peu exposées dans les serpents médiatiques qui hantent le Black Metal. Un premier album passé totalement inaperçu,
The Flames are Rising (2007), précédait le magnifique
Europa ; Or, The Spirit Among The Ruins, sorti un an après. Ce Black Metal atmosphérique assez proche d'un BURZUM par moments et presque entièrement consacré aux ambiances à l'image de ces accords finement lâchés dans un ensemble nuageux et aérien était maîtrisé à la perfection... Remettant le couvert avec
Transcendance en 2009, qui poussait le vice encore plus loin avec ses 3 morceaux de 20 minutes ultra contemplatifs qui instaurait un climat glacial magistral, c'est trois ans après que le combo polonais nous offre cette nouvelle offrande, sortie en mars de cette année. Néanmoins, le constat est là : qui a entendu parler de FLAME OF WAR en 2012 ? A l'évidence personne, si ce n'est quelques fanatiques amoureux de la scène polonaise gracieusement nourris par les sorties de l'illustre label Lower Silesian Stronghold, qui nous avait notamment offert le monstrueux
W.A.R. de DARK FURY en février, distribué dans nos contrées par Hass Weg Productions.
Pourtant, tous les ingrédients sont réunis dans ce
Long Live Death! pour que FLAME OF WAR dépasse de la tête et des épaules le statut de groupe obscur injustement méconnu. Un son tout à fait honnête issu des studios Metalzone et Möbushallen, caractéristique des productions de Lower Silesian Stronghold qui sont très homogènes à ce niveau, alimente la verve nouvelle des Polonais, qui ont quelque peu changé de formule pour ce nouvel opus. Exit les longs passages atmosphériques, ce souffle de grâce qui planait au-dessus de leurs précédentes sorties, place à l'urgence ! Njord, fort de son expérience au sein de DARK FURY, dresse un tableau intensément noir de la civilisation, distillant ses paroles revendicatrices au sein de riffs tantôt alambiqués et profondément tristes, tantôt plus rentre-dedans et martials, dans lesquels se superposent deux voire trois guitares pour une inspiration intacte, voire même sublimée par cette rage épique bercée par une batterie bien puissante et efficace au son là encore bien caractéristique des sorties du label polonais, avec cet équilibre pertinent entre tous les contenants de l'instrument, pour un son bien propre tout en restant naturel et pêchu, parallèle à la guitare. D'une manière générale, nos deux hommes font montre d'une conviction inébranlable lorsque leurs assauts résonnent dans les platines. On reconnaîtra bien la patte du compositeur lorsque ces riffs très travaillés envahissent le cœur de l'auditeur, soumis à ces gammes tantôt dissonantes et complexes, tantôt plus simplistes et surtout changeant : à l'évidence, Njord est un excellent guitariste qui sait bien varier son jeu. Utilisant avec parcimonie le tapping pour souligner un riff et le rendre encore plus épique ou distillant ses soli salvateurs dans les moments les plus décisifs, Njord fait de
Long Live Death!, dans son registre, une petite perle pleine de variété.
En effet, le rythme change quasiment constamment dans un même morceau. P. alterne blast binaire, ternaire et parties plus lourdes, suivant à merveille la force des riffs du compositeur : on sent que les deux hommes sont habitués à jouer ensemble, puisqu'ils jouent déjà au sein de DARK FURY. Mariage parfait entre riffing complexe hérité des deux sorties précédentes et hargne bien plus directe, à l'image d'un très bon morceau comme « The Fates And The Usurper » symbolisant bien cette osmose entre les deux partis pris, ce
Long Live Death! se reconvertit dans une formule qui lui va à merveille. On pourrait lui reprocher d'être beaucoup moins versé dans les ambiances qu'auparavant, comme pouvaient l'être un
Europa ; Or, The Spirit Among The Ruins ou un
Transcendance car ici seuls quelques accords parsemés ici et là maintiennent cette tension et cette attente qu'on connaissait chez FLAME OF WAR, mais cette « perte » est pour moi largement compensée par la qualité des riffs que nous sert Njord, qui permettra tout de même de retrouver ces sensations avec le trop court « The Pulse of The Void », plus proche des précédents disques, le bon « Mare Tenebrarum » ou l'excellentissime « The Iron Age of Europa », une des grandes réussites de ce disque. Cette dernière piste le clôt de la meilleure des manières puisqu'il en constitue carrément l'apogée : 17 minutes d'un Black Metal pur, changeant et aéré, dont on ne voit pas passer une seule seconde, un morceau qui joue sur des guitares à la fois incisives et aérienne avec toujours cette faculté à composer une ligne mélodique très poignante sur un rythme soutenu ou plus martial. Les grands progrès de FLAME OF WAR se ressentent même à tous les niveaux, puisque la voix déchirée de Njord n'a jamais sonnée aussi bien, gommant totalement cet excès de reverb qu'on pouvait regretter sur les précédents disques. Notre homme lui donne beaucoup plus d'importance, alors qu'elle était reléguée au second plan auparavant. Tantôt criarde et arrachée, tantôt caverneuse, ses lamentations restent profondes et témoignent d'une grande sincérité implantée par intraveineuse dans une musique qu'il vit de tout son être, un Black Metal racé, fragile et touchant que l'on sent composé et joué avec son sang qui éclabousse cette nostalgie perçante et poignante présente sur tout ce
Long Live Death!. Un disque qui ne tombe jamais dans la facilité, à l'image d'un bon album de LUTOMYSL par exemple. Et la comparaison ne s'arrête pas là... Bref, vous l'aurez compris bande de chafouins, sans parler de découverte puisque je connaissais déjà bien le talent de ce groupe, ce dernier opus s'impose comme un réel coup de cœur qui trustera à coup sûr les premières places d'un classement final certes encore flou mais dans lequel FLAME OF WAR a d'ores et déjà arraché sa place avec perte et fracas, expliquant ce 8,5 totalement légitime pour un groupe qui mérite vraiment de sortir de son anonymat, après toutes ces années passées à jouer un Black Metal d'extrême qualité sans être réellement entendu.
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