Utumno - Across The Horizon

Utumno (Udûn en sindarin) est une forteresse dans le légendaire de l'écrivain britannique J. R. R. Tolkien, apparaissant notamment dans Le Silmarillion. Utumno est le premier bastion de Melkor en Terre du Milieu. Sise dans le grand nord de la Terre du Milieu, c'est dans cette forteresse souterraine que Melkor rassembla tous ses serviteurs, balrogs, loup-garous, et bien d'autres encore. Il y mit au point des plans de guerre contre les Valar. Ceux-ci attaquèrent la place forte de Melkor au cours de la Guerre des Puissances et rasèrent la forteresse après un siège qui dura plusieurs siècles, mais les Valar négligèrent de fouiller entièrement les souterrains d'Utumno, si bien que beaucoup des serviteurs de Melkor restèrent libres tandis que leur maître était emmené captif en Valinor.
Ça c'est pour le folklore et surtout planter le décor, ravivant au passage la mémoire de ceux qui, comme moi, n'ont pas relu Le Silmarillion depuis des lustres. Et si la référence vous semble cliché, attendez de voir le reste. Formé à Västerås (Suède) en 1990 sur les cendres de Carnal Redemption, le groupe sort la même année une première démo intitulée Twisted Emptiness. L'année suivante, après un léger remaniement de line-up, Utumno enchaine avec un EP deux titres intitulé The Light Of Day avant de sortir en 1993 la pièce maîtresse de sa discographie, le EP Across The Horizon, enregistré aux Sunlight Studios par un certain Tomas Skogsberg. Quand à l'artwork, il est signé M. Kristian Wåhlin aka Necrolord. Cliché, vous avez dit cliché?

Faisant parti de ces seconds couteaux issus de la scène suédoise du début des années 90, Utumno n'a finalement jamais intéressé grand monde. Arrivé un peu après la bataille, les cinq suédois n'ont jamais eu le succès de leurs aînés et ont ainsi très vite baisser les armes, décidant de splitter après la sortie de ce EP six titres. Le groupe serait alors totalement tombé dans l'oublie si ce regain d'intérêt concernant le Death Metal scandinave n'avait pas suscité quelques vocations chez certains labels, comme celle de rééditer l'intégralité du catalogue Death Metal Suédois compris entre 1988 et 1993. Un scandale pour certain, une aubaine pour d'autres. Quoi qu'il en soit, Utumno joui en quelque sorte d'une seconde vie grâce à Vic Records qui en 2010 a ainsi réédité le EP Across The Horizon accompagné pour l'occasion des deux titres figurants sur The Light Of Day. Bien que considéré comme un groupe de seconde zone, Utumno n'en est pas moins digne d'intérêt. Au contraire, j'aurai même tendance à penser que les suédois ont été sous-estimés et que le groupe aurait pu faire de très bonnes choses s'il n'avait pas décidé de mettre la clef sous la porte. Mais comme dirait MC Jean Gabin: "...et si, avec des scies, malheureusement j'coupe du bois"... Aujourd'hui, il ne nous reste donc grosso modo que les six titres de ce EP pour apprécier tout le potentiel d'Utumno. Un potentiel mis au profit d'un Death Metal qu'on ne qualifiait pas à l'époque de "Old School" mais qui évidemment vingt ans plus tard en a tous les traits distinctifs. Enregistré aux Sunlight Studios sous la houlette du fameux Tomas Skogsberg, Across The Horizons se voit d'entrée de jeu servit par une production aux petits oignons grâce à laquelle les guitares ronronnent de ce son si caractéristique sans pour autant sacrifier à un semblant de personnalité. Bien sûre, l'affiliation est ici évidente mais elle aurait pu être nettement plus grossière. Ainsi on pénètre l'univers d'Utumno en entrant directement dans le vif du sujet avec probablement leur meilleur titre à ce jour, l'excellent "The Light Of Day". Un titre efficace et doté d'un véritable groove, aux riffs francs et agressifs dont les quelques leads sinistres vous hérisseront le poil. Utumno, un groupe de seconde zone? J'en veux bien d'autres de cette trempe. La suite, peut-être un poils moins marquante (au moins dans un premier temps), n'en est pas moins convaincante pour autant. Moins axé sur un riffing immédiat qu'il est souvent plus facile de mémoriser, Utumno opte pour des constructions légèrement plus originales. Et malgré une batterie qui n'a de cesse de cavaler, les riffs donnent souvent la fausse impression d'être moins percutants. Au final, quelques écoutes attentives permettent de comprendre qu'il y a une réelle recherche derrière tout cela. Un désir de construire des atmosphères et des ambiances en offrant un certaine diversité dans les riffs proposés, les changements réguliers de rythmes et la juxtaposition de passages tantôt mélodiques (clavier, leads, soli, chant presque clair) tantôt agressifs (growl rugueux, riffs sournois et rapides, tchouka-tchouka, blasts...). Une richesse qui fait d'Utumno un groupe définitivement intéressant et finalement plutôt à part si on le replace dans le contexte de l'époque.
A ce disque vient, dans le cadre de cette réédition, s'ajouter les deux titres du EP The Light Of Day. Comme vous pouvez le constater en jetant un coup d'oeil au tracklisting (ci-contre), on retrouve les titres "Saviour Reborn" et "In Misery I Dwell" dans des versions sensiblement différentes. On constate alors que la production n'était pas aussi bonne. Enregistré pourtant aux Sunlight Studios, le son de l'ensemble est moins propre et surtout moins percutant avec une légère sensation d'étouffement. Le chant est également différent, légèrement plus profond et guttural. Au final ces deux titres sont donc intéressants mais principalement pour l'aspect purement discographique. Rien de plus.

Est-ce qu'Utumno apporte aujourd'hui quelque chose de plus à la scène Death Metal? Est-ce que son influence a été un jour significative? Est-ce un groupe essentiel à (re)découvrir? La réponse à ces trois questions est et restera probablement toujours non. Pour autant, il ne faut pas qu'à cause de cela vous passiez à côté de ce groupe qui a tout de même plus à offrir qu'un simple Death Metal Old School à la sauce scandinave. Comme évoqué plus haut, Utumno n'est pas ce groupe de seconde zone qu'il semble être. Si le groupe avait pu sortir un album, il est probable que son potentiel aurait pu être révélé à la face des ignorants mais malheureusement ce ne fut pas le cas. Tant pis, les plus intelligents feront l'effort de se lancer dans l'écoute de cette réédition alors que les autres continueront de se complaire dans leur ignorance.

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