Mordicus - Dances From Left

Après la Suède, la Finlande, l'autre pays du Death Metal. Aussi, chaque jour qui passe amène son lot de découvertes en provenance de la grande Scandinavie avec, comme souvent, d'excellentes surprises qui pourtant ne datent pas d'hier. Le groupe qui nous intéresse aujourd'hui se nomme Mordicus et semble avoir cessé toute activité un peu après le bug/bogue de l'an 2000. Formé à Joensuu onze ans plus tôt (en 1989 donc), le groupe possède une discographie relativement fournie en démos et en EPs (neuf au total) mais ne compte à son actif qu'un seul et unique album. Ce dernier, paru en 1993, s'intitule Dances From Left et voit le jour sur un "célèbre" label Français, l'excellent et regretté Thrash Records. Pour la petite histoire, sachez tout de même qu'un deuxième album intitulé Disintegration Groove enregistré en 1999 existe mais que celui-ci n'a jamais vu le jour, faute de label sérieux.

Inutile de vous dire que la version originale de ce premier album est aujourd'hui totalement introuvable et qu'elle s'échange de toute façon à prix d'or. Il faudra donc compter sur la réédition sortie chez Temple Of Darkness Records en 2008 et qui comporte au passage quelques bonus. Ainsi, en plus des dix titres de Dances From Left on retrouve une partie de la démo Wrathorn ainsi que l'intégralité du EP Threeway Dissection. Pourquoi une partie seulement de la démo Wrathorn? Et bien tout simplement parce que les autres titres figurent déjà au tracklisting de l'album à l'exception cependant de "Eternia / Solarwind" qui brille ici par son absence. Pourquoi? Je n'en sais rien. Que ce soit dans le livret ou dans les interviews trouvées sur Internet au sujet de cette réédition, rien ne semble filtrer.

Sorti en 1993, Dances From Left s'émancipe quelque peu des standards finlandais en matière de Death Metal pour finalement s'orienter vers des sonorités plus proches de ce que l'on pouvait retrouver à l'époque en Suède voir en Angleterre. Cela commence par une production et un son de guitare relativement rugueux rappelant évidemment les célèbres Sunlight studios. Une filiation discrète mais néanmoins évidente qui plonge immédiatement l'auditeur en terrain connu. D'un point de vue purement rythmique, Mordicus semble également s'inspirer davantage de la scène Suèdoise que Finlandaise. Aussi, les compositions de Dances From Left ne manquent ni d'énergie ni de groove, allant souvent à l'essentiel (tchouka-tchouka, riffs simples) avec au passage un feeling rock'n'roll pas désagréable. Et si la musique de Mordicus rappelle ce qui se passait à l'époque en Finlande mais surtout en Suède, il ne faut pas non plus oublier l'Angleterre dans l'équation. En effet, impossible de ne pas évoquer le nom de Carcass à l'écoute de ce premier album. Que ce soit dans l'utilisation (de façon plutôt sporadique) d'un double chant (l'excellent "Eternia" par exemple mais aussi "Unholy Wrath" ou encore "A Thorn In Holy Flesh"...) ou dans ces multiples soli et leads mélodiques, nombreux sont les éléments qui renvoient à la bande de Jeff Walker et Bill Steer. Vous l'aurez compris, avec sa musique Mordicus essaie de brasser large. Alors que l'on pourrait penser que celle-ci manque d'originalité, force est de constater que le groupe a su apporter avec Dances From Left un vent de fraîcheur sur une scène ayant tendance à se mordre la queue. Dommage que cet album soit ainsi passé presque totalement inaperçu car il regorge pourtant de bonnes idées et surtout ne donne jamais l'impression d'être une pâle copie de ces influences dont il s'inspire. Car malgré l’évidence de ces dernières, chaque titre propose quelque chose de neuf et d'innovant (pour l'époque, le style...): "Cybernetic Summer", un titre instrumental et en partie acoustique en plein milieu de l'album, "Unholy Wrath" et ses plans rythmiques saccadés à 4:37 que n'aurait pas renié Meshuggah au début de sa carrière, "Cosmocrators Of Tartaros" et ce passage légèrement jazzy à 2:07, "Oceans", sa pédale wah-wah et ses cris samplés en guise d'accompagnement, "Flames Beneath My Sleep" un autre titre instrumental et entièrement acoustique, "A Thorn In Holy Flesh" et ses plans multiples... Bref, il y a bien plus à assimiler sur cet album qu'il n'y paraît au premier abord. D'ailleurs, emballé moyennement lors de mon achat, Dances From Left a fini par prendre rapidement sa place au fur et à mesure de mes écoutes. Écoutes qui ont révélé tout le potentiel de ce groupe peut-être légèrement en avance sur son temps.

Sur cette réédition figure également une partie de la démo intitulée Wrathorn ainsi que l'intégralité du EP Threeway Dissection parus tous les deux en 1992. C'est donc trois titres de Wrathorn que l'on retrouve juste après "Dances From Left. Évidemment, la production n'est pas tout à fait la même que pour Dances From Left mais demeure malgré tout d'excellent facture. Les guitares sont donc effectivement moins abrasives alors que la musique est davantage marquée par l'influence des premiers Carcass. Moins originale, moins innovante, elle offre malgré tout son lot de bons moments grâce à une qualité de riff constamment au rendez-vous et une atmosphère evil largement palpable.

Avec Threeway Dissection, paru quelques mois auparavant (mai 1992), les quelques différences évoquées dans le paragraphe précédent sont encore plus marquées. Malgré un aspect mélodique relativement prononcé (soli, passages plus en retenus...), l'influence Carcass se fait encore davantage sentir notamment parce que les vocaux font ici preuve de beaucoup moins de finesse. On se retrouve ainsi avec un chant guttural particulièrement profond et un autre plus nasillard, totalement dans l'esprit Carcass. En matière de riff, rien à redire, c'est toujours très efficace avec encore une fois une production de qualité qui permet, même vingt ans après, de rendre l'écoute toujours particulièrement agréable.

Pépite oubliée et surtout largement sous-estimée, Dances From Left est un album de Death Metal scandinave que tout amateur qui se respecte se doit de connaître. Malgré des influences évidentes, le groupe a rapidement su s'en extirper pour proposer avec son premier album une musique originale réunissant le meilleur de l'époque. Dances From Left est un album intéressant à bien des niveaux et même s'il ne s'assimile pas en une seule écoute, mérite pour le moins que l'on s'y intéresse avec énormément d'attention. Mélodie, agressivité, feeling, énergie, originalité... Beaucoup d'éléments qui devraient déjà vous avoir convaincu de partir en quête de ce Saint Graal. A découvrir de toute urgence.

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