On n'y croyait plus! Et pourtant si, Guttural Secrete a enfin donné une suite à son premier full-length
Reek Of Pubescent Despoilment sorti en 2006 sur feu-Unmatched Brutality Records et qui en avait mis plus d'un K.O. Sept ans après, le trio Blue/Fitz/Randy, toujours debout malgré les aléas de la vie d'un groupe, s'est donné les moyens de revenir sur le devant de la scène en signant chez Brutal Bands pour la sortie il y a déjà quelques mois d'un
Nourishing The Spoil très attendu. Le combo de Las Vegas allait-il pouvoir retrouver son niveau après cette longue absence et faire mieux que les déjà fort goûtus
Artistic Creation With Cranial Stumps et
Reek Of Pubescent Despoilment?
Le délai de parution de la chronique devrait vous donner un premier élément de réponse. Acheté à sa sortie, le disque m'a en effet donné du fil à retordre comme jamais. Longtemps ai-je hésité. Coup de génie? Arnaque totale? Je ne sais d'ailleurs toujours pas quoi en penser tout à fait. La raison principale? Après plus d'une vingtaine d'écoutes, je n'ai toujours rien retenu de ce
Nourishing The Spoil!
Deviendrais-je trop vieux pour ces conneries? Je ne pense pas. Je n'espère pas. Juste que Guttural Secrete est allé très loin en poussant le vice dans ses derniers retranchements. Certes on reconnaît tout de suite la patte du groupe. Que ce soit au niveau du visuel avec cette pochette de psychopathe (malheureusement trop photoshoppée pour un quelconque semblant de réalisme) ou du concept mysogino-gore assez jouissif (elles l'ont bien cherché ces salopes après tout, non?) conduisant le groupe à sampler dès l'ouverture sur "Inhaling Corpulency" le film
Eye For An Eye (
"She was seventeen years old. She was 5’2, she had brown eyes. Her name was Julie... she was my daughter." "She was a great fuck.") ou à introduire le réenregistrement de "Coprophilic Asphyxia" par un poétique
"I like to butt fuck fine ladies, will I chokehold a bitch, well maybe" tiré de la série Kenny Powers. Et bien sûr, au niveau de la musique surtout. Ce brutal death typiquement américain entre frénésie et groove slammy. Mais Guttural Secrete a décidé d'avoir sur
Nourishing The Spoil une approche jusqu'au-boutiste compliquée à digérer. Plus chaotique, plus intense, plus rapide, plus technique, plus synthétique. Cinquante riffs par morceau qui ne se répètent qu'un court instant voire plus jamais (est-ce encore des riffs dans ce cas?), accompagnés de changements de rythme toutes les trois secondes et de plusieurs dizaines d'harmoniques sifflées stridentes vite soûlantes. Plus blast-beats et autres gravity à tire-larigot. Guttural Secrete, c'est désormais Malignancy puissance 10!
L'écoute de ce nouvel opus est éreintante, une véritable épreuve de force dont vous sortez lessivés sans avoir compris grand chose. Ça part dans tous les sens. On ne sait jamais d'où ça va venir et où ça va aller. Le groupe semble avoir balancé en vrac toutes ses idées et empilé les riffs sans réel fil conducteur. Le chaos ambiant est maîtrisé, les mecs ayant un niveau technique suffisant, mais je me demande comment ils peuvent se rappeler leurs "compositions" pour les jouer en live. Quel est l'intérêt au final? D'un côté, on a l'impression de toujours écouter un nouvel album, bon signe pour sa longévité, et de l'autre, cela signifie que rien n'attire l'attention. Du moins pas grand chose. Car dans cette déferlante de blastouille anarchique, de mini-riffs et d'harmoniques sifflées, Guttural Secrete a tout de même placé quelques rochers pour nous accrocher. Malgré la production ultra clinique et le style de jeu épileptique, les Américains n'ont en effet pas complètement perdu leur sens du groove. Ce qui permet à
Nourishing The Spoil de se montrer de temps en temps un peu plus respirable et accrocheur. Ce sont d'ailleurs ces passages au groove slammisant que je préfère puisque ce sont les seuls dont on peut se souvenir ("Inhaling Corpulency" à 1'55, "Serrated Impurities" à 2'25, "Deadened Prior To Coitus" à 2'40, "Truncation In Detail" à 2'40, "Voyeuristic Engagement" à 1'57 et 4'04, etc.). La nouvelle version de "Coprophilic Asphyxia" en constitue la preuve la plus évidente puisque ce titre de
Reek Of Pubescent Despoilment est le meilleur de
Nourishing The Spoil.
Tout ce qui est bon sur celui-ci serait-il alors des restes du passé? Oui, la plupart du temps. Le trio du Nevada s'en tire toutefois très bien sur quelques nouveaux aspects comme l'apport bienvenu et réussi de dissonances. Pas autant que chez Wormed car leur utilisation reste très sporadique mais il n'empêche que c'est une bonne idée bien intégrée ("Stainless Conception" à 2'08 sur une grosse tranche de gras, "Nourishing The Spoil" à 2'23, "Voyeuristic Engagement" à 2'53, "Clotting The Vacant Stare" à partir de 2'24...). Plus surprenant (quoique la formation nous avait fait le coup avec le superbe instrumental "Adulteration"), l'introduction toute douce (mais menaçante) en arpèges de "Deadened Prior To Coitus" qui contraste avec la violence environnante. Cette sympathique ouverture, rare moment de répit, illustre bien la célèbre expression de calme avant la tempête. S'ensuit ainsi un hurlement de femme et le retour à la sauvagerie. Difficile donc de traiter le guitariste de fainéant tant il semble s'être creusé les méninges pour pondre tout ça (en vérité, tout le monde a participé à l'écriture). C'est également Randall Thompson qui a enregistré les parties de basse (tenue en live par Bruno Macias Quzada). Du bon travail avec des lignes sautillantes même si on peine à entendre l'instrument dans ce brouhaha.
Mais vous savez ce qui contribue le plus au groove de l'album et en constitue donc la meilleure facette? Jeremiah Jensen, dit Blue. Je lui offre même son propre paragraphe tant le chant du frontman est génial. Il s'agit de growls et de gutturals bien glaireux pas forcément novateurs dans leur intonation mais orignaux dans leur utilisation rythmique et dynamique puisque les obscénités vocales du bonhomme sonnent presque comme un instrument à part entière. Absolument jouissif, si toutefois on aime les borborygmes incompréhensibles! Blue s'impose dès lors comme l'un des tous meilleurs chanteurs actuels de brutal death.
Dommage que la musique ne soit pas tout à fait à la hauteur. Trop de chaos, trop de riffs, trop de changements de rythme, trop d'harmonique sifflées, trop de tout! Du coup, on ne retient pas grand chose de ce
Nourishing The Spoil tant attendu, si ce ne sont les moments les plus groovy, quelques séquences "originales" ou donc le chant stratosphérique de Blue Jensen. Alors oui, ce maelstrom de riffs et de blasts aussi brutal qu'incompréhensible a quelque chose de jubilatoire. Et nul doute que beaucoup y trouveront là de quoi assouvir leurs pulsions bestiales. Mais pour moi,
Nourishing The Spoil est tout de même une petite déception au final et je garde une nette préférence pour
Reek Of Pubescent Despoilment et
Artistic Creation With Cranial Stumps. Moi qui voyais en Guttural Secrete un des seuls à pouvoir rivaliser avec les Allemands de Defeated Sanity... il n'y a même pas eu de combat! Difficile néanmoins de se montrer trop sévère envers ce nouvel album. Non seulement
Nourishing The Spoil n'est pas mauvais mais surtout, Guttural Secrete ne le mérite pas. Voilà un groupe qui a su se démarquer des autres (malgré la grosse influence de Malignancy ici), imposer son style et apporter sa pierre à l'édifice. Un groupe qui fait du bien au brutal death. Et ça, c'est tellement rare que je ne pouvais décemment pas leur infliger une mauvaise note malgré mes sentiments mitigés.
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