Amon - Liar In Wait
Chronique
Amon Liar In Wait
Si impensable que cela puisse paraître, il m'arrive de me planter. Pour tout vous avouer, ce Amon, je n'y croyais pas du tout.
Petit rappel historique. En 2004, Eric et Brian Hoffman se font éjecter de Deicide par Glen Benton. Tandis que celui-ci continue son chemin sous cette appellation avec plus (The Stench Of Redemption) ou moins (Till Death Do Us Part) de succès, les frangins guitaristes vont de leur côté ressusciter en 2007 l'entité Amon, première incarnation de Deicide invoquée dès 1987 et qui avait sorti deux démos avant de se voir imposer un changement de patronyme par le label de l'époque, Roadrunner Records. Mais si Deicide enchaîne les albums, il faudra attendre cinq ans et 2012 pour que les Hoffman pondent enfin un disque avec Amon, dont le nom Liar In Wait rappellera de bons souvenirs aux amateurs de death suédois d'homme. Mais cet album, je n'ai jamais fait l'effort de l'écouter. Pourquoi? Parce qu'à force d'annoncer sa sortie sans que rien ne se passe, on a fini par se lasser et oublier. Ensuite, parce que l'opus, une surprenante auto-production de la part de musiciens si connus (volonté de leur part ou choix par défaut?), n'était pas aisé à trouver. Enfin et surtout, parce que j'avais de gros aprioris et pensais qu'il s'agissait probablement d'une bouse sans intérêt vu le peu d'enthousiasme rencontré. Mais on m'a récemment poussé à tenter tout de même l'aventure (Merci Jan de Lavadome!). Ça tombe bien, des labels s'intéressent enfin à Amon puisque une réédition de Liar In Wait est prévue à la fin du mois en vinyle sur FDA Rekotz (d'où MP3 promos pour bibi) et Possession Productions qui sortira aussi une version digi-CD. Le tout auréolé d'une nouvelle pochette aussi moche que l'originale et orné du même logo enfantin ridicule. L'occasion tout de même de vérifier si les Hoffman n'étaient pas encore rouillés ou si j'avais eu raison de ne pas perdre mon temps.
La réponse ne se fera pas attendre, même s'il faut se méfier des débuts tonitruants (pas vrai Warfather?!). Sans être l'album du siècle, Liar In Wait botte des culs à la chaîne. Il m'a même impressionné, et ce dès le démarrage canon sans pitié appelé "Among Us". Je ne m'attendais pas en effet à une telle brutalité, une telle intensité de la part de ces vétérans qui n'ont rien à envier aux jeunes formations. Même techniquement, le duo fraternel n'a pas hésité à hausser son niveau de jeu, bien épaulés par deux autres musiciens talentueux, le batteur fou Mike Petrak (ex-Leprosy et Success Will Write Apocalypse Across The Sky) et le plus connu frontman Jesse Jolly alias Jechael (ex-Diabolic et Blastmasters) et sa basse 7-cordes. Si Deicide continue de faire du old-school, Amon a lui préféré prendre une direction plus moderne tout en gardant la filiation. En gros, Amon, c'est du Deicide puissance 10, plus brutal, plus rapide et plus technique. C'est bien simple, le combo bourrine quasiment de A à Z, noyant l'auditeur sous une pluie incessante de riffs bouillonnants (c'est sombre, méchant et ça tricote pas mal!) et de blast-beats mitraillettes (il y a même pas mal de gravity!). Le chanteur n'épargne rien ni personne non plus, lui qui vomit sa haine à travers un timbre puissant au débit éreintant et la superposition efficace et fréquente de growls et de shrieks, comme on en a l'habitude chez le désormais ennemi. Bref, du brutal death floridien implacable en forme de chaos contrôlé en constante effervescence.
Pas d'intro, pas d'interlude, pas d'outro, les Américains dézinguent à tout va. Le quatuor de Tampa relâche juste un peu la pression sur quelques riffs mid-tempos plus gras et simples et surtout sur de très bons solos mélodiques posés qu'on retrouve sur presque tous les milieux de morceau. Des variations qui permettent de souffler et d'ajouter une corde plus sensible à l'arc ultra tendu de la formation. Cependant, cela ne suffit pas à éviter une certaine monotonie. Amon cherche tellement à en foutre plein les oreilles et à nous coller au mur qu'il en oublie souvent le groove et l'accroche, surtout quand la qualité du riffing, très correct dans l'ensemble, baisse un peu. Du coup, difficile de ne pas décrocher sur les trois derniers titres à partir de "Sentience And Sapience". Le son de batterie synthétique et les blasts mitraillettes vite soûlants n'aidant pas non plus à apporter de la nuance.
Monolithique, répétitif, redondant. Voilà ce qu'on peut reprocher à Liar In Wait qui, il est vrai, ne varie pas des masses et tombe un peu dans l'excès. C'est le revers de la médaille d'une telle démonstration de force. Mais c'est aussi ce qui m'a plu chez Amon. Les frères Hoffman ont repris ce qu'ils avaient appris chez Deicide tout en se montrant ambitieux en cherchant à repousser leurs limites. En résulte un album certes peu diversifié mais d'une rare intensité qui a quelque chose de jouissif. Moi qui n'en attendais rien, j'ai été plutôt bluffé. Et comparé aux dernières productions en dents de scie de Deicide, il est clair qu'Amon met la bande de Benton à l'amende.
| Keyser 19 Janvier 2014 - 2193 lectures |
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