On n'y croyait plus! Il aura fallu attendre huit ans pour connaître enfin le successeur de
Cadaver Art. Une attente d'autant plus longue que ce dernier, sorti en 2005 chez Unique Leader, montrait des signes inquiétants de faiblesse après une discographie sans faille. Non, Mortal Decay ne pouvait pas terminer là-dessus! Le maître à penser John Hartman a donc réuni son compère Joe Gordon à la deuxième guitare et le batteur originel Anthony Ipri pour essayer de redorer le blason du groupe. Fini Unique Leader, sans doute trop occupé à signer des groupes de deathcore, Mortal Decay rejoint Comatose Music. Et c'est finalement en cette fin novembre que débarque le nouvel album de la formation du New Jersey, le quatrième.
Pour tout vous avouer, je ne m'attendais pas à un retour réussi. En effet, rien ne plaidait en la faveur d'un bon album. Il y avait d'abord ce nouveau logo certes plus death metal que celui utilisé pour
Cadaver Art mais très banal et loin du logo génial des débuts, puis la pochette photoshopée archétype du mauvais goût du brutal death US moderne, même si MDK n'a de toute façon jamais été très doué pour les artworks (à part celui du premier opus si on a quelques penchants misogynes). L'annonce de l'arrivée de Danny Nelson de Malignancy au chant, qui semblait éloigné du profil adéquat, ne m'emballait pas non plus des masses, surtout après un
Eugenics assez fade.
Finalement, ce
The Blueprint For Blood Spatter s'avère une vraie bonne surprise. Bien sûr, rien qui ne change quoique ce soit au monde du death metal, ni n'égale la qualité de
Sickening Erotic Fanaticism et
Forensic ou le caractère culte des démos. Mais ce nouveau full-length fait oublier le moyen
Cadaver Art et se place même parmi les meilleures sorties brutal death de l'année (pas très dur diront les mauvais langues) aux côtés de Defeated Sanity, Wormed, Necrotic Disgorgement, Suffocation et Deeds Of Flesh. Car Mortal Decay a retrouvé sa personnalité, ce qui faisait le charme de son back catalogue et qui manquait cruellement à un
Cadaver Art sonnant comme un album de brutal death lambda. Et Mortal Decay est tout sauf un groupe de brutal death lambda, même si sa popularité en France frise le zéro. La musique de Mortal Decay trouve ses fondations dans ce son typique de la côté est des États-Unis cher à Suffocation. Un son que les Américains ont su personnaliser grâce à un riffing original, un groove de tous les instants et un apport de technicité et de passages aventureux. Tous ces ingrédients et bien d'autres encore, on les retrouve sur
The Blueprint For Blood Spatter qui se pose même comme l'album le plus varié du quintette. Rares sont les groupes de brutal death avec un talent d'écriture suffisant pour donner à chaque composition sa propre existence. Les neuf titres de
The Blueprint For Blood Spatter sont ainsi tous différents et donc discernables. "Anatomy Turned Chaotic Puzzle" qui mettra tout le monde d'accord dès le début. "Ocular Haze" et son démarrage mélodique intéressant. "Mourning Euphoria" qui fait tchouka-tchouka après du groove rapide efficace à mort. "Chloroform Induced Trance" et son break à 1'58 presque jazzy avec le couple basse-batterie qui se fait plaisir avant que la guitare se fasse menaçante. "Nocuous Compulsions" ouvert par un riff surprenant au parfum black metal. "Deviant" ou le bourrinage jubilatoire à tous les étages. "Jugular Gurgle" l'une des meilleures pistes qui collectionne tout ce qu'on aime chez MDK en enchaînant blast, groove, lead mélodique aérienne et riff "j'ai envie de tout péter tellement c'est con" sur un "intimate killings" qu'on ne manquera pas de scander à chaque réécoute une fois le timecode à 2'27 entré en mémoire, avant de balancer un solo exquis sur une rasade de blasts. "Altruistic Masochism" qui démarre tranquillement avant de se lâcher dans un style "calme avant la tempête" qui fait toujours de l'effet. On tombe inévitablement sur quelques couacs, quelques riffs ou passages peu marquants, ("Blueprint" récupère le titre de piste la plus anecdotique du lot par exemple), mais il y a suffisamment de bonnes idées pour qu'on ne s'ennuie pas. Et la courte durée, un peu plus d'une demi-heure, n'en est pas la raison principale.
Non, la raison principale, c'est déjà la qualité des riffs qui, tout en étant brutaux, offrent toujours une certaine forme de mélodie, que MDK fasse dans le technique, le brutal de base ou même le slammy grassouillet. Je le dis et le redis, sans bons riffs, pas de bons albums. Mortal Decay fait partie de cette vieille génération qui l'avait mieux compris que la nouvelle, souvent plus occupée à faire dans le gros son ou à bosser les designs de t-shirts. La formation a juste emprunté cette mode tenace de plastifier le son de batterie. Par chance, on a tellement l'habitude que ça ne nuit pas trop à l'écoute. D'autant que Anthony Ipri livre une performance de choix entre groove de psychopathe et blast-beats jouissifs. On croise même quelques gravity ("Chloroform Induced Trance", "Nocuous Compulsions"). Outre la paire Hartman/Gordon très à l'aise et un Anthony Ipri en forme qu'on est bien content de retrouver (sans faire injure à DiPinto que j'aime beaucoup aussi même si plus limité), le "nouveau venu" (2007 tout de même!) à la basse Monty Mukerji, désormais lui aussi dans Malignancy, fait également du bon boulot en prenant une part active au groove et à la lourdeur des morceaux tout en partant souvent en expédition solitaire.
Et le Danny alors, comment il s'en sort au micro? Pour ma part, je reste mitigé sur sa performance. D'un côté il fait de gros efforts pour sonner plus brutal, guttural et puissant que dans Malignancy où il ne fait souvent que ronchonner, de l'autre, je trouve qu'il manque toujours de présence vocale, de charisme. Bref, je reste un inconditionnel de John Paoline, LA voix de Mortal Decay, celle qui permettait au groupe de se détacher encore davantage du reste du troupeau. On aimait ou pas son timbre ultra guttural toujours mixé très en avant mais le bonhomme donnait aux anciens titres une ambiance sadique et dérangée qui collait bien aux thèmes. Nelson n'apporte lui rien de spécial. Ses shrieks sont même plutôt pénibles. Seul l'ex-Deathrune Kelly Izquierdo s'en était bien sorti sur
Sickening Erotic Fanaticism en remplacement de l'Antti Boman du brutal death US.
Des vocaux passe-partout et un son de batterie synthétique, voilà ce qu'on peut reprocher à
The Blueprint For Blood Spatter qui sinon s'en sort avec les honneurs. Sans atteindre le niveau de ses deux excellents premiers albums, Mortal Decay signe là un retour réussi. Le combo a su retrouver un peu de la magie d'antan pour nous convaincre qu'il n'était pas revenu faire de la figuration. Un constat établi dès l'énorme "Anatomy Turned Chaotic Puzzle" en ouverture dont l'introduction froide comme une morgue en pleine nuit élève la défiguration au rang d'art et qui enverra un afflux sanguin important vers mon entrejambe lorsqu'à un bass drop inattendu succédera un riff chargé sur du bon gros blast-beat. Du blast de bœuf, du groove, de la maîtrise technique, de la mélodie, ce nouveau MDK a tout ce qu'il faut pour plaire aux amateurs de son américain. On espère surtout, qu'outre les fans déjà conquis qui se raviront de ce comeback abouti, le combo se fasse de nouveaux adeptes. Ce ne serait qu'un juste retour des choses pour une formation ô combien talentueuse qui n'a pourtant jamais eu la reconnaissance qu'elle aurait méritée. Profitez donc du "Holy Shit Holiday Special" de Comatose Music pour vous procurer la bête. Au pire, si vous n'aimez pas ou que son écoute est incompatible avec votre vie de couple, vous pourrez toujours vous en débarrasser sur la plage de Berck-sur-Mer à la marée montante!
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo