Sick Sinus Syndrome - Rotten to the Core
Chronique
Sick Sinus Syndrome Rotten to the Core
La légendaire doublette "Reek of Putrefaction" et "Symphonies of Sickness" continue d'inspirer les amateurs de tripaille et autres apprentis chirurgiens. Il suffit de faire un tour sur Bandcamp et de regarder ce qui se met en boîte encore très régulièrement sous l'étiquette "Goregrind" pour s'en assurer. Même après trois décennies, nombre de groupes suivent le sillon tracé par Carcass, que ce soit en continuant ce qu'ils ont commencé en 1988 et 1989... Ou pour leur rendre hommage en reprenant leur recette, à la lettre près.
Celui qui veut jouer du Goregrind s'inscrit, consciemment ou non, dans l'une des deux grandes écoles du genre. Au choix ! Allez-vous donner dans l'efficacité, le groove teinté de thématiques cradingues, à la manière des Dead Infection, des Jig-Ai et autres General Surgery ? Ou préférerez-vous les enseignements autrement plus techniques de l'école de l'ambiance, celle-là même dont les professeurs savent distiller la peur et les odeurs de cadavre au sein de leurs compositions, entre Gored, Sublime Cadaveric Decomposition (pré-"Inventory of Fixtures") et Lymphatic Phlegm ? Finesse du scalpel qui glisse dans les chairs, ou essai marqué par l'insertion brutale du spéculum - tout un programme.
Sick Sinus Syndrome a choisi son maillot. Le groupe Tchèque préfère donner pleine bourre dans le tabassage et les parties presque dansantes, légèrement rehaussées d'ambiances putrides, pour la caution. Mieux, ce "Rotten to the Core" sonne comme un véritable plaisir coupable tant les clins d’œils sont appuyés, et les covers jouées avec conviction. Il suffira de se pencher sur les trois gaziers derrière l'objet pour comprendre le pourquoi du comment. Sick Sinus Syndrome est une petite brochette de stars à lui tout-seul : Hary à la basse (ex-Pathologist), Jurgen à la batterie (ex-Ahumado Granujo, Ingrowing, mercenaire récent chez Insistent), et l'inénarrable Bilos au combo guitare / voix (Malignant Tumour, Rubufaso Mukufo, Meat Spreader). De vrais vétérans de la scène Grindcore (et Metal, au sens large) de la République Tchèque - Autant dire que les mecs ne sont pas venus pour trier les lentilles.
Le ton est donné d'emblée, dès l'introduction, qui repompe l'ouverture et les claviers caractéristiques de "Reek of Putrefaction" : On ne va absolument rien révolutionner, ni prétendre chambouler les canons d'un style tout entier - d'autres s'en sont chargé pour nous. Par contre, soyez rassurés, ça va chier, et correctement.
24 titres, 4 covers pour à peine 27 minutes de gerboulade produites par les infatigables Bizarre Leprous, à destination des fins gourmets. Trois cuillères à soupe de fond de siphon d'évier, un bon litron de vase avalé à même la mare, un paquet de dragées Fuca pour faire passer le tout... La totale. Une production parfaite, juste milieu entre la lisibilité de ces soli de guitare à peine accordées et la boue de ces parties blastées dont les semelles collent au fond de la fosse septique; Des compositions simples, décérébrées, toujours construites autour du plan qui fera s'échauffer le pit ("Deep Scalpel Slash", "Torrid Bones Offal"), de la ligne de gratte qui donnera lieu à un étalage de mongoleries au prochain Obscene Extreme ("Body Tissue Decomposition", "Saw Into Cranium").Sick Sinus Syndrome ne prend absolument aucun risque, vitesse de croisière sur l'autoroute du blast beat, certains titres en seraient presque interchangeables tant le rendu lors des parties menées au triple galop est similaire. Efficace, oui, on ne dira pas le contraire... Mais pas certain que les curieux tiennent plus de deux écoutes successives ! Après tout, à vos risques et périls, la pochette étant suffisamment explicite pour qu'on ne puisse pas prétendre à de la publicité mensongère.
Finalement, même si le groupe excelle en matière de marteau-pilon, il faut reconnaître que les titres les plus réussis et équilibrés de ce "Rotten to the Core", ce sont les reprises ! "Oxidised Razor Masticator" conserve la furie adolescente des Liverpuldiens, "Flying Shit in the Outer Space" transcende le groove complètement débile de Dead Infection, "Carcass Dismemberment" rend plus lisible encore l'écriture de Pathologist (groupe auquel j'ai toujours reproché la production approximative), et "Vulva Fermentation" me rappelle, non sans peine, que nous vivons dans un monde où Regurgitate a splitté en 2009.
Point de mauvaise foi de ma part : malgré une formule vomie des dizaines et des dizaines de fois, même couleur et mêmes morceaux à la surface de la bile (rien qu'au sein de la prolifique scène Grindcore Tchèque), "Rotten to the Core" reste un plaisir à chaque écoute. Même pas honteux, d'ailleurs, tant le groove graisseux lubrifie la mécanique et donne le sourire. Chipant des influences à droite à gauche, des plans qu'on connaît mais qu'on aurait du mal à identifier, Sick Sinus Syndrome expulse un premier disque plus-que-convaincant pour les amateurs de Goregrind qui en fout partout. C'est pas le disque de l'année, hein. Mais le sentiment dans l'assiette, ça fait quand même la différence.
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