Blessed In Sin - Eritis Sicut Dii
Chronique
Blessed In Sin Eritis Sicut Dii
Et voici avec un peu de retard la chronique de BLESSED IN SIN. L’erreur de ne pas en parler aurait été fatale tant ce groupe fait partie de l’histoire du black français. Il vient de Toulon, de cette fameuse scène qui a marqué le monde de l’extrême, plus par ses frasques que par sa musique selon certains. Et si les acteurs de l’époque sont toujours actifs, c’est au compte goutte qu’ils nous honorent de leurs albums désormais. C’est donc un retour important pour nos pionniers hexagonaux, et en particulier pour BLESSED IN SIN dont le dernier album remontait à 2001. Et pour fêter l’événement, petit bonus pour les jeunes ou pour ceux qui auraient des trous de mémoire, je vais faire une première partie récapitulative sur la scène toulonnaise. Ceux qui s’en foutent n’auront qu’à passer directement à la chronique de l’album, partie 2.
Partie 1 : Historique
Pour bien comprendre je vais présenter la scène de Toulon en commençant par le groupe que tout le monde connaît, KRISTALLNACHT, qui s’appelait à l’origine FUNERAL. Formé en 1994 il n’aura pas sorti grand-chose, mais on y trouvait les personnages principaux de notre histoire. Il y avait d’abord Hades (aka LF, aka Lenrauth), Krof (aka Lord Diabolus, aka Bird), et les deux « décérébrés », BlackChrist et Xaphan, qui furent jugés et condamnés pour avoir exhumé un cadavre dans un cimetière en 1996. Les journaux en ont bien entendu parlé, s’abreuvant de ce « rituel opéré par un groupe sataniste derrière lequel se cachait une organisation néo-nazie ». C’est d’ailleurs la même année que le nom du groupe fut changé. KRISTALLNACHT devenait déjà culte pour ses faits divers, puis ce fut sa musique qui reçut de bons accueils. D’autres « noms » de la scène black y participèrent par la suite, dont Rost (aka Belial, aka Hayras), Malkira (CHEMIN DE HAINE) ou Hylgaryss (DARK SANCTUARY).
Mais parallèlement à ce groupe, d’autres ont formé la légende de Toulon. Tout d’abord BLESSED IN SIN, qui nous intéresse aujourd’hui, formé dès 1993 par Black Christ et son frère, Overlord Nasty Metatheos. SEIGNEUR VOLAND aussi, dans lequel on retrouve Xaphan, LF et Rost. Mais la scène de Toulon, ce sont aussi d’autres groupes créés ou façonnés par tout ce beau monde. J’essaie de synthétiser en gardant les personnages principaux :
Xaphan : FUNERAL, KRISTALLNACHT, SEIGNEUR VOLAND, ENFEUS LODGE, FINIS GLORIA DEI.
BlackChrist : FUNERAL, KRISTALLNACHT, BLESSED IN SIN, FINIS GLORIA DEI.
LF : FUNERAL, KRISTALLNACHT, SEIGNEUR VOLAND, DESOLATION TRIUMPHALIS, FINIS GLORIA DEI.
Rost : KRISTALLNACHT, SEIGNEUR VOLAND, BLESSED IN SIN, HAYRAS, FINIS GLORIA DEI.
Overlord Nasty Metatheos : BLESSED IN SIN, REGNANT AND THRALL, POGROM.
C’est un résumé succinct et incomplet mais qui permet de resituer un peu l’action.
Partie 2 : Nouvel album de BLESSED IN SIN
Et voici donc un nouvel album de BLESSED IN SIN, l’un des plus anciens groupes de black, non seulement de Toulon mais aussi de France puisqu’il a été créé en 93. Après la confidentialité et les demos, un premier album avait vu le jour en 2000, enchaîné par un deuxième l’année suivante, Par le Sang du Christ. Puis le groupe se retrouva la discrétion et c’est uniquement en vinyl limité à 500 copies que fut proposé en 2004 un EP au titre très poétique : Honor The Anus of Mary. La pochette est culte, tout comme le fait que les 69 premières copies étaient numérotées du sang de BlackChrist et de son frère. Enfin rassurez-vous ça ne les a pas tué et ils sont de retour 9 ans après, le premier aux guitares et à l’écriture et le deuxième au micro. Et le groupe est complété par le fidèle Belial aux claviers (aussi chez ENFEUS LODGE) et pour la première fois Rost à la basse. Ils proposent enfin du matériel « inédit », mais pas nécessairement neuf, et surtout dans un esprit à l’ancienne et apparemment farfelu.
C’est à l’ancienne parce que les 78 minutes (!!!) nous replongent directement entre 10 et 15 ans en arrière. Les claviers et parties au piano sont joués comme on l’aimait, avant la surenchère du son et les bagarres du meilleur orchestre qui ont rendu le black sympho pénible. Ces éléments ne se mettent pas devant les autres instruments mais au même niveau, et ça, rares sont les jeunes formations à savoir le faire. Le groupe n’hésite pas non plus à faire appel à des chants féminins, avec des timbres différents. Sur le titre « Hierophant », le chant de mademoiselle Helea fait penser à l’album Enter de WITHIN TEMPTATION lorsque le groupe n’était pas encore 100% gothique, sur « Henochiel » celui d’Artemesia se rapproche plutôt d’Audrey Sylvain (PESTE NOIRE). Les vocaux masculins aussi ne restent pas monotones, et ils passent d’un chant torturé à des passages déclamés avec une voix trafiquée, semblable à celle d’ASYNDESS... En fait, BLESSED IN SIN se fout totalement de 2013. Et si cee côté « rétro » est si réussi, c’est tout simplement parce que la plupart des morceaux ont été écrits aux alentours de l’an 2000. Plusieurs périodes se retrouvent ainsi côtes à côtes ,et c’est ce qui explique aussi les quelques illogismes tel que la langue française sur certains titres, anglaise sur les autres.
« Farfelu » maintenant... En fait c’est une remarque que je fais principalement à cause des nombreux intermèdes qui donneront l’impression à toute personne normalement constituée que le groupe est très haut perché, dans un trip impressionnant. Tout de même, sur 17 morceaux, il y a beaucoup d’introductions ou autres pauses, souvent accompagnées de discours, monologues et dialogues semblant reproduire des rituels d’initiation... On pense fortement à ARYOS, pour le meilleur ou pour le pire...
Extraits :
« Je Jure » : Je jure que je ne refuserai aucun secret à quiconque aura pour garant l’un de mes frères, membre de ce couvent.
« Gardien (Part 1) »
Gardien : D’où viens-tu ?
Néophyte : Du Nord, du lieu où règnent les Ténèbres.
Gardien : Où vas-tu ?
Néophyte : Je voyage à la recherche de la lumière.
Gardien : Quel est ton mot de passe ?
Néophyte : La perfection dans l’apprentissage et la connaissance.
Gardien : Moi, Gardien de la Tour du guet du Nord, je te défends d’entrer.
Et des titres de ce style, il y en a 8. Certains vont vraiment penser que BLESSED OF SIN sont des mabouls... En fait, ils sont tout simplement comme les trois autres dissidents du black metal ayant sorti un album en 2013 : PESTE NOIRE, PENSEES NOCTURNES et CRISTALYS. Ces quatre formations malaxent le black metal pour en sortir quelque chose de personnel. Et alors que certains crient au scandale, trop obnubilés par certains codes qui étriquent ce style musical, BLESSED IN SIN lui redonne en fait ses vraies valeurs. Le black n’a pas de limites et peut être agrémenté de tout élément, de tout thème et de tout sentiment.
Et il suffira sinon de se concentrer sur les autres titres, ces excellents morceaux de black mélodique, sympho dans l'ancienne conception du terme, arrosés de claviers mais à bon escient et efficacement. La grande époque semble revivre quand on écoute ces « Children of Tiamat », « Uba Gub Babilim » ou « Opus Alchymicum », après lequel on a envie de crier « Le Serpent est Mon prophète ! ». « Et Le Fruit Du Jardin Pourrit » est un peu en dessous, avec son côté CRISTALYS mais une fois apprivoisé il s’écoute avec plaisir. En tous cas, difficile de croire que cet album fait plus de 70 minutes tant il passe vite.
Par contre, que les choses soient claires. Comme les groupes « originaux » cités plus haut, il divisera les opinions. Vous adorerez ou détesterez. Les nostalgiques comme moi ont plus de chances d’accrocher que les jeunes qui vont sûrement rire à gorge déployée sur les trois quarts de la galette... Dommage juste qu'il y ait un peu trop d'intermèdes space...
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