Murmur - Murmur
Chronique
Murmur Murmur
A la vue de cet énigmatique et astral artwork réalisé par Matthias Vogels, un des membres fondateurs du groupe, nombre d'entre vous se seront laissés tenter par cette chronique en songeant au Last Patrol de Monster Magnet avant de grimacer à la vue de l'étiquette « black metal expérimental » pendant que d'autres se lamentent encore espérant ardemment un nouvel album de Murmuüre. Pourtant ce dernier-né des Américains, sorti en début d'année, a de quoi contenter tous les amateurs et amatrices de rock ou de noise black et pas qu'eux d'ailleurs.
Car il est loin le temps de Mainling the Lugubrious avec sa pochette « Never stop the madness de l'espace » pourtant accrocheuse, déversant un black metal low tempo très psychédélique suintant la dépression et la fin du monde, sorte de Nachtmystium-like qui se révélera malheureusement beaucoup moins inspiré, redondant, en un mot : passable. Les quatre années séparant ces deux opus auront été salvatrices et constructives pour Murmur avec une signature chez Season Of Mist dans la foulée ainsi que des changements de line-up notables marquant l'arrivée de Charlie Werber au poste de batteur, qui officie également au sein de Gruzzlemug (tout comme Shane Prendiville) et Lovely Little Girl, mais aussi d'Axel Perkolup (Lovely Little Girl) à la basse. Autant dire qu'ils se retrouvent ici entre amis, signifiant de même ˗ par ce choix de recruter des musiciens non issus de la scène metal ˗ une grande soif de nouveauté couplée à une envie croissante de se défaire de ses racines, comme ils le démontraient déjà en 2011 sur le split partagé avec Nachtmystium.
En effet le groupe continue sur sa lancée prenant même un virage à 180°C, ouvrant bien grand les vannes de la créativité afin de laisser déferler une musique aux influences multiples, plus complexe et personnelle. Un album éponyme symbole de renaissance qui se révèle être le pendant black metal du dernier opus de Morbus Chron Sweven, risquant d'en dérouter plus d'un(e) pour ne pas dire perdre. Pourtant les Américains y mettent les formes, allant crescendo par l’intermédiaire d'un « Water from Water » offrant un beau parallèle à leur première offrande, avec son introduction instrumentale très ritualiste, cette douce odeur de mysticisme toujours plus présente ainsi que l'alternance entre passages violents aux forts relents black, renforcés par une voix aussi possédée que criarde (que l'on ne retrouvera que sur « King in Yellow »), et passages atmosphériques/noise hallucinés. Cependant la noirceur, toujours présente, est quelque peu estompée prenant des tons moins « graves » couplée à des sonorités beaucoup plus rock prog ainsi qu'un côté jazzy, dans la structure mais aussi le jeu de Charlie Werber à la batterie, le tout sonnant comme un appel à l'élévation spirituelle.
Un sentiment confirmé par le second titre « Bull of Crete », parfaite illustration et mise en musique de l'artwork, sur lequel Murmur prend l'auditorat à contre-pied avec l 'apparition du chant clair , un black metal faisant office de second rôle ˗ voir figurant ˗ et des plans toujours très tortueux. Beaucoup de choses viennent à l'esprit comme le merveilleux Riitiir d'Enslaved (par ses chœurs et ses envolées), Ihsahn (post-Angl) mais encore Yakuza, formation elle aussi originaire de Chicago (Way of the Dead surtout), Chambers, les Divinités grecques, les psychotropes... la liste est longue. Néanmoins une évidence prend forme au fil de l'écoute, ça transpire le King Crimson, les Américains se fendant même d'une reprise ˗ très réussie ˗ avec « Lark's Tongues in Aspic, Part II » (titre bonus présent dans la version digipack), exercice auquel s'était déjà essayé Dream Theater, plus brute et virile que l'originale.
Vous vous laissez emporter par ces brumeuses plages sonores psychédéliques, traversant le Sahara sur la massive et obscure « Al-Malik » au doux parfum d'Orient qui vous malmène avec ses riffs de guitares épileptiques avant de faire escale en Amérique Latine avec la belle « Recuerdos » qui distille de douces mélodies acoustiques et sur laquelle plane l'ombre des Pink Floyd tout comme sur l'excellent « When Blood Leaves ». Un voyage qui vous mènera toujours plus loin et toujours plus haut, parmi les astres illuminant le ciel, accompagné par l'ode faite à « Zeta II Reticuli », qui malgré un titre intrigant et une introduction instrumentale vaporeuse appelant au rêve, va faire place à une musique déchaînée et insaisissable, avec une batterie allant à mille à l'heure couplée aux guitares dissonantes, une véritable fusion voire même un Magma (pouet).
Autant vous dire qu'il faudra faire preuve d'ouverture d'esprit et de patience afin d'entrer pleinement dans cet album et d'en saisir toutes les subtilités, une persévérance qui en vaut toutefois la peine au vu de la qualité proposée avec une production claire et puissante, des musiciens en très grande forme mais aussi des sonorités très novatrices. Une œuvre atypique en somme qui, il est vrai, risque de paraître trop hermétique, pompeuse et « casse-tête » pour une partie du public (les goûts et les couleurs).
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