Castevet - Summer Fences
Chronique
Castevet Summer Fences
Le screamo, c'est être jeune, avoir des rêves et être en colère mais pas trop. Fumer dans sa chambre et boire des bières avec du sirop dedans. C'est crier et faire l'amour. Et c'est surtout être beau, fantasmer son adolescence tout en la vivant. Être un peu triste sur des sujets qui pourtant sont plutôt anecdotiques. Non pas forcément être malheureux, juste un peu déprimé mais rien de bien méchant. Tout ce qui compte est dans ce côté presque faux de la tristesse du propos et c'est pour ça que je me suis toujours plus retrouvé dans Castevet que dans Mihai Edrisch, même si ça n'a au demeurant, rien à voir, je vous l'accorde. Tout ça doit être doux, lisse et juste la voix du chanteur doit montrer un peu de colère sur des instrumentales douceâtres. Enfin, tout du moins c'est comme ça que je le conçois et que finalement, je peux le vivre pleinement.
Castevet (attention, pas celui de chez Profund Lore) a donc choisi de faire cohabiter American Football et Empire ! Empire ! avec la voix du Hardcore. Soit, me direz-vous mais s'il faut effectivement être un peu magicien sur les bords pour faire cohabiter le post-rock, le math-rock, l'émo et le hardcore, « Summer Fences » s'en tire avec les honneurs. De part sa densité, son émotion et surtout son incroyable capacité à dépeindre un paysage avec une précision dantesque, l'album provoque larmes, joies et autres insouciances morales. Déconnectée, décomplexée tout en étant profondément attirante, la musique du groupe semble tout prendre de loin avec cependant une proximité qui aura de quoi émouvoir n'importe quel être doté d'un semblant de cœur.
Côté cour ou côté jardin ? Avec la formation de Chicago, on hésite toujours entre les deux : entre cette violence urbaine et ce calme forestier. Entre ces visions de colère et ces apaisements duvetés, il y a donc l'humain : le sentiment. On imagine facilement « Summer Fences » comme la B.O d'une vie de teenagers, portée par ses aventures amoureuses, par ses fêtes où l'on écoute Arctic Monkeys, par ses moments de doutes, par cette odeur de houblon éventé, par ses questions métaphysiques en devenir. Par tout ce qui formera plus tard les adultes que nous sommes. L'âge instable ou tout semble pouvoir être remis en question en une fraction de seconde, c'est ça que nous ressentons dans des titres comme « I Know What A Lion Is » ou « Between Berwyn and Bryn Mwar ». La non-stabilité de l'esprit retranscrite en tant que balance oscillant dangereusement d'un style musical à l'autre.
Cette précieuse palette d'émotions que tous les vrais colériques du monde ne pourront jamais vraiment approcher, Castevet semble l'avoir conçue dans la profondeur de ses compositions. Absolument majestueuses, elle rentrent au plus profond de l'être qui les écoutent (« Stranger, You Know »). Si dures sont les lois de l'humanité, si doux seront les trous noirs de l'esprit : voilà où en vient l'opus. Dans ce Metropolis mondial, « Summer Fences » semble offrir une sorte de réponse par l'émotion. Soyez émus et vous serez sauvez de cette tristesse omniprésente, comme un immense filigrane musical jamais laissé-pour-compte au cours des sept monstres qui composent l'album.
Alors, peut-être que ce genre que je définis comme screamo n'est pas vraiment du screamo et au final, je ne pourrais que vous donner raison. Pour être franc, je m'en fous complètement parce que jamais un type beuglant sur des guitares claires ne m'aurait autant fait vibrer. C'est cette clarté qui offre à l'auditeur toute cette richesse. CSTVT (renommé comme tel depuis 2010, sûrement pour éviter la confusion avec l'autre) a posé avec ce « Summer Fences » une pièce mythique qui aura touché du doigt la grâce immortelle d'un American Football. Prouvant que l'émo peut aussi être la plus belle musique au monde, l'album aux paroles très hors-sujet (comme d'habitude) aura synthétisé toutes les beautés que peuvent offrir les couleurs, les visions et les aura couplées avec une rage imprégnée d'une demi-mesure si touchant qu'elle en deviendrait divine. Comme si rien n'était fait mais que tout était senti.
« Summer Fences » est un monument de sensibilité qui pourra faire pleurer les torses-poilus en manque de nostalgie. La manière est forte comme Miss France portant ses couilles d'adolescente déçue, trompée et pourtant follement mélancolique. L'adiposité semble surfaite, au moins autant que l'agressivité et pourtant l'album est plus lourd et plus rageur que beaucoup d'autres. Le poids des sentiments transpire ici, à chaque note et à chaque soupir poussé. Respirer le vent à peu près autant que le gaz d'échappement.
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