"Arme ton âme. Notre grande guerre est spirituelle."
Les groupes de Black Metal moderne ne puisent plus (uniquement) leurs inspirations dans le folklore sataniste, le houblon, le Reich ou les longues balades dans les forêts enneigées. De plus en plus de formations tentent de s'affirmer dans un univers à part entière, empruntant des références plus artistiques que grotesques ou caricaturales, à la fois pour attirer le chaland en mal de nouvelles sensations, et pour apporter une bouffée d'air frais à un genre définitivement trop stagnant pour être réellement transcendant. La formation dont je m'apprête à parler puise ses inspirations dans la beauté martiale, l'art par la désolation, le sublime par la mort. Le futurisme, courant pictural italien, glorifiait dans ses oeuvres la vitesse et la guerre, deux composantes essentielles de l'univers d'Absentia Lunae. Trop souvent, et injustement résumé à un all-star band, le combo est composé de membres d'Arcana Coelestia (MZ), Melencolia Estatica (Climaxia) ou encore Tenebrae in Perpetuum (Ildanach), un bagage musical conséquent qui ne peut que rassurer le néophyte sur la qualité du produit fini. Et en ayant pris connaissance de la présence de Blastphemer (Belphegor) derrière les fûts, on ne peut que plisser les yeux, serrer les fesses en attendant son châtiment.
Auteurs d'un assez bon "In Vmbrarvm Imperii Gloria", sorti en 2006, qui proposait un Black Metal aussi véloce que mélancolique avec quelques incursions dans des terres plus "surprenantes" (le titre "Memneso On", presque jazzy), les italiens remirent le couvert au cours de l'année 2009 avec "Historia Nobis Assentietvr", toujours chez ATMF, écurie italienne dont les poulains n'ont plus grand chose à prouver aux amateurs - entre autres, peut-on citer Janus et Disiplin parmi les plus prestigieux.
Absentia Lunae, c'est un peu la rencontre improbable, mais Ô combien efficace, d'Infernal War et d'Arditi. Comme si Boccioni et Marinetti s'étaient mis au solfège plutôt qu'à la peinture et aux manifestes. Infernal War, car "Historia Nobis Assentietvr" (ne me demandez pas la traduction, j'ai abandonné depuis longtemps l'envie de m'attaquer au latin de cuisine), c'est avant tout une machine de guerre bien huilée, un
Ariete implacable qui écrase l'auditeur sous des rafales de blast-beats complètement hallucinants, sans faiblir tout au long des sept titres de l'album. Au détriment du reste des instruments, malheureusement : "Historia Nobis Assentietvr" a été enregistré et mixé avec des moufles. Le son est parfois cacophonique, l'auditeur se perd dans un brouillard de guerre (flagrant sur "Sentenza al Criterio"), étouffant jusqu'aux (trop) discrètes instrumentations ambiantes de MZ, qui aurait définitivement mérité une place plus importante dans les compositions d'Absentia Lunae. Le claviériste nous gratifie d'envolées absolument superbes, notes cristallines qui viennent rythmer un break dantesque sur "L'immutabile Richiamo ed il suo Cruento Incontro" ou pures parties martiales comme sur l'introduction "Neuropa Calling". Quel dommage d'avoir relégué ce qui donne tout le sel de la musique du combo à un rôle de figuration...
Du reste, cette production approximative ne masque pas l'organe du véritable chef-d'orchestre du combo italien, Ildanach, en première ligne. Ce dernier débite des phases vocales d'une haine inouïe, tantôt petit Mussolini, tantôt plus religieux lorsqu'il s'aventure dans les chants clairs. Le jeu de guitare ne cherche pas à réinventer l'eau chaude, ni à proposer le riff ultime sur lequel les nuques se déboîtent, Climaxia se contentant d'ajouter encore plus de poids aux compositions déjà pachydermiques d'Absentia Lunae. La demoiselle, derrière ses six cordes, se permet bien plus d'envolées atmosphériques dans son side-project Melencolia Estatica, dont je reparlerai sous peu. Sephrenel, musicien de session gérant la basse, s'autorise déjà plus de "fantaisie", son instrument résonne délicieusement et se pose comme atout mélodique plutôt que rythmique, suffisamment rare pour mériter d'être souligné. L'ambiance déployée par le groupe est impressionnante. Toujours dans la violence, en ajoutant des plans mélancoliques et martiaux (les roulements de caisse claire, véritables marches militaires), Absentia Lunae transporte l'auditeur sur le champ de bataille, l'invite à marcher sur Rome au milieu des chemises noires et à distribuer les pruneaux à la cantonnade.
"Historia Nobis Assentietvr" m'avait proprement soufflé à sa sortie, et son effet ne s'est pas amoindri au fil du temps. Handicapé par un son faiblard, quelques longueurs dispensables et une batterie omniprésente, qui l'empêchent d'accéder au statut de "disque ultime", il n'en est pas moi un brûlot assez essentiel pour les amateurs qui aiment leur Black Metal aussi véloce que froid. J'attends avec impatience la sortie de
"Vorwärts !", prévue pour ce mois-ci.
(Je me dois par contre d'ajouter un bémol, anecdotique pour certains, mais déstabilisant de mon côté : est-il normal que l'introduction de " L'Urlo ed il suo Illuminante Eco" soit exactement la même que celle de "Hell's Ambassador" de Belphegor, sur leur excellent "Pestapokalypse IV" ? Partager les musiciens est communément admis, mais pousser le concept jusqu'à partager les schémas rythmiques et les riffs me laisse un peu sceptique.)
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène