Projet ukrainien fondé en 2018 par un certain Crying Orc plus connu dans le civil sous le nom de Dmytro Eugenovich Marchenko (ex-Cuckoo’s Nest), Këkht Aräkh a sorti son premier album intitulé
Night & Love sur le label finlandais Livor Mortis (Carved Cross, Celestial Key, Fallen Forest, Lampir, Moraš, Nächtlich...). Une parution qui remonte maintenant à plus de deux ans et demi et à laquelle à déjà succédé l’année dernière, toujours sous les pâles couleurs de Livor Mortis, un deuxième essai longue durée baptisé
Pale Swordsman. Mais avant de nous y intéresser plus en détail, on va faire les choses proprement et commencer tout simplement par le commencement (omission faite de
Through The Branches To Eternity, première démo deux titres sur laquelle je n’ai jamais posé mes oreilles).
Alors oui, je sais ce que vous allez me dire, tout ceci pue encore le Black Metal de fond de cave et même l’ersatz de Bekëth Nexëhmü et autres formations imprononçables affiliées aux sulfureuses Légions Noires (la faute à tous ces trémas sur la moindre voyelle...). Sauf que si la première assertion s’avère tout à fait exacte, la seconde est tout de même à nuancer dans la mesure où Këkht Aräkh, en dépit de similitudes évidentes avec Les Légions Noires et notamment Mütiilation, verse dans un Black Metal aux consonances romantiques et mélancoliques pour le moins surprenantes.
En effet, la singularité du groupe ukrainien et de ce premier album en particulier est bel et bien ce parti pris mélodique et émotionnel extrêmement marqué que l’on va retrouver infusé de bien des manières tout au long de ces quarante et une minutes. Sans trop de surprise, cela va se traduire en premier lieu par l’utilisation de nappes vaporeuses et autres petits notes synthétiques qui vont venir poser délicatement un voile brumeux et crépusculaires sur les compositions de
Night & Love mais également la mise en avant de mélodies entêtantes qui vont souligner habilement chaque composition. Cependant et à l’inverse de biens d’autres formations, Dmytro Eugenovich Marchenko a choisi de ne pas s’en contenter et ainsi d’apporter au Black Metal de Këkht Aräkh davantage de personnalité, notamment par le biais de très nombreux passages acoustiques. De "Elegy For The Memory Of Me" à "Her Body Strewn With Petals Black" en passant par "As The Wounds Gently Bleed", "Down To The Depths Of Inner Cold" ou "Through Night Which Knows No Dawn", l’Ukrainien semble effectivement prendre beaucoup de plaisir à conclure ses compositions à l’aide de sa seule guitare sèche. Mais celui-ci ne s’arrête pas là et les morceaux purement acoustiques ("As The Night Falls...", "Mysteriet Med Svartfiolett", "Forever Night Castle Of Love") et autres interludes intimistes et atmosphériques ("Night", "Love", "...And Never Ends (Eternal Love)") participent eux aussi à la construction de cette identité. De ces nombreux moments se dégagent ainsi une sensibilité à fleur de peau ainsi qu’un certain romantisme d’ailleurs largement exacerbés par l’usage de spoken word ("Night", "Love"), de chant clair déprimé et introspectif ("Forever Night Castle Of Love") et autres lamentations oniriques ("...And Never Ends (Eternal Love)").
Néanmoins et soyez d’ailleurs rassurés à ce sujet, Këkht Aräkh n’a pas usurpé son étiquette (puisqu’il faut bien lui en coller une) de groupe de Black Metal. Servi par une production complètement fauchée qui ne gène en rien l’appréciation de ce premier longue durée (ça pue en effet le manque de moyen tout en restant suffisamment équilibré histoire de rendre l’immersion relativement immédiate),
Night & Love évoque dans les grandes lignes un Darkthrone qui aurait fricoté d’un peu trop près avec un certain Mutiilation. Du premier, on va ici retrouver ces trémolos glacés et décharnés, ces accélérations haletantes et ces atmosphères froides et décharnées. Du second, cet aspect déglingué et original avec cette production foutraque et ces interludes étranges qui durent et apportent, on l’a vu, un peu de cette singularité. Bref, une vision passéiste et rétrograde de ce que doit être le Black Metal et qui évidemment à défaut d’offrir quoi que ce soit de nouveau marche avec un certain talent dans les pas de ses aînés. De fait, si la l’influence de ces deux formations reste perceptible tout au long de l’album sur des titres tels que "Elegy For The Memory Of Me", "Den Venstre Hand Pa Den Hoyre", "Her Body Strewn With Petals Black", "Primal Beauty Of Silence", "As The Wounds Gently Bleed", "Down To The Depths Of Inner Cold" ou "Through Night Which Knows No Dawn", ces derniers n’en restent pas moins particulièrement captivants dans cette manière qu’ils ont d’évoquer avec une évidente nostalgie une époque depuis longtemps révolue.
Aussi, derrière ces airs de disque ultra-classique inspiré par quelques grands anciens maintes fois copiés mais rarement égalés, ce premier album de Këkht Aräkh se distingue de ses contemporains par une approche romantique et mélancolique parfaitement assumée (et au passage plutôt bien amenée) qui lui confère un côté évidemment plus fragile sans pour autant dénaturer ni l’impact ni la force des compositions les plus radicales qui le compose. Un Black Metal émotionnel qui forcément ne plaira pas à tout le monde mais qui à néanmoins le mérite d’apporter un peu de fraîcheur et de singularité à une scène dont ce n’est clairement pas le point fort. Bref, un disque sur lequel il serait plutôt judicieux de vous pencher si vous tout en restant dans les sphères obscures d'un Black Metal primitif vous chercher un petit peu d'originalité et de personnalité.
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