Royal Blood - Royal Blood
Chronique
Royal Blood Royal Blood
Si vous êtes du genre à penser que le Stoner Rock à succès est en perte de vitesse depuis Queens Of The Stone Age et qu'il vous manque un groupe pour faire une soirée dans votre salon, du genre de celle que l'on voit dans les clips avec tout un groupe de gens qui retournent vos fauteuils et donnent des coup de pieds dans les murs, alors cette chronique est pour vous. Le duo anglais Royal Blood arrive de Brighton, Great Britain pour vous en mettre une bonne dans la tronche. Mike Kerr, bassiste du duo rentre un beau jour de 2013 d'Australie et décide de former un groupe. Le lendemain, lui et son batteur donnent leur premier concert. Un an après, Royal Blood fait la tournée des festivals d'été et s'impose comme une des révélations Rock de l'année (et j'interdis quiconque de parler de François & The Atlas Mountain). Vous allez me dire : mais que font-ils sur Thrashocore ? Hé bien tout simplement, ils redorent et ré-actualisent le blason du Stoner Rock / Grunge et croyez-moi à l'écoute de ce premier opus éponyme, il n'y a plus aucun doute. Ce qu'on aime chez Thrashocore, c'est quand la musique donne envie de prendre un humain dans la rue et l'utiliser comme massue pour en assommer un autre. Bon alors, ce disque a définitivement sa place ici. Les anglais sont encore devant et la scène française va devoir courir après Londres comme elle sait si bien le faire depuis un bon bout de temps.
C'est comme si Om (parce qu'il n'y a que deux musiciens : un batteur et un bassiste un peu fou avec des Octavers à n'en plus finir) le côté direct en plus, s'était accouplé à Queens Of The Stone Age, le côté indirect en moins. Je te vois venir toi qui aime quand ça ne fait pas dans le détail et ça taille direct dans le vie. « Out Of The Black » dégomme dès les premières secondes avec un riff tronçonneuse accordé en Do donnant l'impression de scier un agneau en deux, histoire de dire que si quelqu'un a des couilles en 2014, c'est bien eux. La différence avec la concurrence c'est que Royal Blood ne fait pas dans les titres longs, progressifs et lents. Non, le duo anglais est plus du genre rentre-dedans et se contente de livrer dix titres pour un peu plus de trente minutes de Stoner Rock bien gras et d'une efficacité à en faire pâlir une bonne partie des groupes de Stoner Metal. Un tempo relativement rapide, des couplets avec un son de basse saturée profond et des rythmes sur les toms et un refrain où l'on enclenche la pédale et où l'on matraque les fûts avec un pattern tellement binaire qu'il ferait flipper un informaticien. Simple non ?
Et il n'en faut pas plus pour lancer la machine, puisque ce qui frappe en premier lieu, c'est cette production. Pour vous dire, j'ai acheté l'album à la Fnac (oui, vous pouvez applaudir le seul mec de France qui achète encore des CDs à la Fnac) et le disque était en écoute : surprise, ces cons ont réussi à faire groover le rayon... Le son est tellement puissant que la sono d'ambiance de la chaîne de magasin française semblait lourde et poisseuse ce qui – si on y pense deux minutes – n'est pas un mince exploit. Honnêtement, n'importe quel amateur du genre se serait laisser appâter à ma place et quand on passe l'album sur une chaîne Hi-fi après son achat alors là, c'est carrément la grosse claque. C'est sûr, ce brave Mikey ne déconne pas quand il s'agit de faire chauffer les quatre câbles de téléphérique qui lui servent de cordes. D'ailleurs, il gratte son instrument comme si c'était une guitare : pédales d'effets, accords, boucles et groove de malade à l'appui, le brave type aligne les mandales comme on enfile des perles. Chaque titre a son lot de riffs certifiés « Ten Tonne Skeleton » et on prend vite goût à se gigoter en rythme, surtout au réveil, la faute à ce cocktail aussi énergique qu'un Vodka Red Bull. D'ailleurs, ceux qui veulent voir à quel point le type transforme en plomb tout ce qu'il touche sont invités à regarder leur reprise de « West Coast » de Lana Del Rey.
Forcément, la-dessus, le batteur en cuir-casquette-archétype-du-petit-gros-sympa-et-rigolo-mais-tout-le-temps-défoncé Ben Thatcher (non non, pas le conservateur Anglais ou alors il a rajeuni et fait un sacré changement de carrière...) semble un peu en retrait mais il accompagne avec talent les décharges de gras envoyées par le collègue et se permet quelques subtilités à base de tambourins (« You Can Be So Cruel ») ou de contre-temps (« Blood Hands ») quand bon lui semble. Les parties de chant son dosées avec qualité, avec un mélange d'influences Indie à l'anglaise (une inspiration Arctic Monkeys plus que palpable, surtout si vous avez appréciez « A.M. » l'année dernière...) et de groove-stoner dans les variations (un arrière goût de Josh Homme omniprésent) pour le coup, très américaines. De plus, Royal Blood n'en fait pas trop et ne rajoute pas des « Yeah ! » ou des « Oh ! » à outrance, seulement sur quelques moments forts du disque et avec une certaine finesse dans l'élocution de ces mots usés jusqu'à la moelle. D'aucun reprocheront sans doute à la formation de cuisiner la recette de chaque titre dans le même bol, remuant sans fin la même touillette pour une sortir une tambouille homogène. Cependant, l'effet de surprise aidant grandement, la mélasse n'en est que plus âpre.
Par dessus-tout, la jeunesse des membres est une qualité à souligner au feutre de ce premier opus. On imagine parfaitement le disque en bande-son d'un teen-movie poissard et pluvieux, simplement grâce à l'émotion de certains parties. Selon l'imagination et à d'autres instants du disque, on s'imagine presque dans le clip de « Left Hand Free » d'Alt-J qui semble décidément bien plus adapté au duo de Brighton qu'au trio de Leeds. Royal Blood appose une patte reconnaissable et dépeint, entre deux parpaings Stoner, cette Angleterre de briques rouges et d'industries à l'abandon. Une chose assez forte en terme de composition puisque, rappelons-le, ils ne sont que deux. Cela précise ma pensée précédente sur le fait que Kerr joue vraiment de la basse comme un espèce d'hybride de Jack White et de Nick Olivieri.
On ne peut qu’espérer que Royal Blood confirme son statut avec un deuxième disque aussi puissant et sans compromis. En attendant, amateurs de gros rock bétonné, d'ambiances à l'anglaise et de la quatre cordes ruez-vous sur ce qui est indubitablement la surprise Stoner-Rock de cette rentrée. Leur nomination quasi-immédiate au prestigieux Mercury Music Prize (qui a récompensé quand même Portishead, PJ Harvey, Franz Ferdinand, Alt-J ou encore The XX... Excusez du peu.) ne fait qu'accentuer cette micro-révolution dans le Stoner et le rock en général. Incontestablement les britanniques prouvent – une fois de plus, me direz-vous – qu'ils maîtrisent l'art du rock'n'roll sans chichis mais avec le raffinement so british qui les caractérisent.
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