Fu Manchu - The Return Of Tomorrow
Chronique
Fu Manchu The Return Of Tomorrow
Malgré un certain intérêt pour le Stoner Rock, jamais personne n’avait encore abordé le cas des Californiens de Fu Manchu ici sur Thrashocore. Le groupe ayant sorti il y a quelques semaines un nouvel album, l’occasion était trop belle pour ne pas entamer ce qui sera, je l’espère, le début d’une longue rétrospective (j’ai d’ailleurs en attente depuis déjà belle lurette la chronique de In Search Of... dans ma longue liste de réservations)...
Pour commencer, si jamais vous n’étiez pas encore familier avec ce genre de musique, sachez tout de même que la formation est l’une des plus essentielles (et prolifiques) que compte ce style dont les prémices remontent en grande partie à un certain Black Sabbath. Originaire d’Orange County, le groupe se forme en 1985 et pratique à l’époque un Punk / Hardcore vindicatif sous le nom de Virulence. Après plusieurs changements de line-up, la formation choisit de revoir sa copie. Sous le patronyme de Fu Manchu (un nom emprunté à un génie du mal d’origine asiatique présent dans certains romans de l’écrivain britannique Sax Rohmer), le groupe californien embraye à partir de 1990 sur la pratique d’un Stoner Rock encore primitif aux influences Punk sous-jacentes. Une musique dont il va largement contribuer à mettre en place certains codes en portant son intérêt sur quelques éléments de sous-cultures alors très répandues en Californie durant les années 60 et 70. Ainsi, outre cette libération sexuelle sous-entendue à travers quelques visuels et autres paroles, ce sont surtout les muscle car (Mopar Or No Car), les courses de dragsters et la customisation à outrance de vans auxquelles va choisir de s’intéresser Fu Manchu. Des sous-cultures pour lesquelles loin des regards réprobateurs le désert a offert un véritable terrain de jeu à cette jeunesse.
Ne voyant pas l’intérêt de vous refaire toute l’histoire du groupe, je me permets donc de faire avance-rapide à l’été 2024. Fu Manchu, plus frais et motivé que jamais, continu de jouer du Rock’n’Roll comme si ces quarante dernières années n’avaient été qu’une simple formalité. Une carrière qu’il poursuit sans faiblir avec la sortie encore récente d’un douzième album intitulé The Return Of Tomorrow opérée sous les couleurs de son propre label At The Dojo Records et illustré une fois encore par monsieur David Medel. Un disque toujours assez généreux puisque ces treize nouveaux morceaux vont en effet nous occuper durant pas loin de cinquante minutes. Cinquante minutes qui n’offriront que peu de surprises mais qui ont cependant pour elles d’être parmi les meilleures que Fu Manchu nous ait offert depuis un moment déjà (et je dis ça alors que les albums récents de la formation (je pense notamment à Gigantoid et Clone Of The Universe) sont tous les deux de très bons albums).
Imaginé comme un double album avec une première partie constituée de titres plutôt directs et une seconde plus progressive et atmosphérique (les titres "Destroyin’ Light" et "Lifetime Waiting" marquant respectivement la fin et le début de chacune d’entre elles), The Return Of Tomorrow s’envisage pourtant comme un tout cohérent, surtout lorsque l’on n’a pas à changer quatre fois les faces de ses deux vinyles sur lesquels sont proposés ces titres. Cependant et même si le concept peut sembler quelque peu frauduleux, on ne peut nier une différence d’intention entre ces deux parties. Dans les deux cas, on sera séduit d’emblée par cette production impeccable signée Jim Monroe (Adolescents, Farside, Ignite, Whirlpool, Gameface...). Un son chaud et abrasif qui fait la particularité du genre depuis déjà quelques décennies et auquel il paraît naturellement risqué de vouloir se soustraire. Mais ce fuzz vibrant et réconfortant n’est bien entendu pas le seul atout de ce nouvel album qui, en dépit de quelques séquences peut-être moins marquantes que d’autres, s’avère tout simplement d’excellente facture.
Avec "Dehumanize", "Loch Ness Wrecking Machine" et "Hands Of The Zodiac", Fu Manchu signe en effet une entame particulièrement réjouissante au son d’un Stoner Rock dynamique aux accents Punk toujours aussi agréables. Certes, tout cela n’est pas nouveau et ne bousculera pas le petit monde des amateurs de Stoner Rock mais tout y est, de ces riffs modestes mais ultra-efficaces à ces solos impeccables et débordant de feeling (il convient d’ailleurs de saluer la prestation de monsieur Bob Balch qui, tout au long de l’album, va effectivement nous régaler de tirades héroïques dont certaines capables de vous donner la chair de poule) en passant par ce groove toujours aussi irrésistible ou bien encore le chant infaillible d’un Scott Hill dont la voix ne semble pas vouloir faiblir... Bref, trois premiers titres qui sans lutter vous feront taper du pied, dodeliner de la tête et faire du air guitare. Bien qu’un poil moins intense (à l’exception d’un "(Time Is) Pulling You Under" mené pied au plancher en un petit peu plus de deux minutes), la suite de cette première partie ne démérite absolument pas. Si "Haze The Hides" vient effectivement largement calmer le jeu au son de mid tempo entêtants et chaloupés (avec en sus l’usage de cette fameuse cowbell que le groupe utilise depuis un moment), on retiendra surtout les excellents "Roads Of The Lowly" et "Destroyin’ Light". Le premier pour cette alternance de séquences entrainantes et de riffs bien lourds (le point d’orgue étant ce passage entamé à 2:00), le second pour son groove impeccable.
Effectivement plus posée (en dépit d’un soubresaut sur le très bon "The Return Of Tomorrow"), la seconde partie va faire la part belle aux atmosphères désertiques et enfumées. Certes, la nature moins dynamique de ces quelques compositions tranche quelque peu avec celles évoquées plus haut mais hormis une cadence moins soutenue on va retrouver là encore ce qui fait depuis bientôt quarante ans le charme de ce Stoner Rock et notamment d’excellents solos à l’image de celui de "Lifetime Waiting" entamé à 2:41 et qui va courir ainsi pendant près d’une minute, celui de "Solar Baptized" à 3:57 (un titre également marqué par la présence d’un clavier aux sonorités bien seventies), tous ceux, plus courts, de "The Return Of Tomorrow" ou bien encore celui de "Liquify" à 1:55. L’album se conclut au son de "High Tide", un titre instrumental (chose plutôt rare chez les Californiens) qui dans son esprit 70’s là encore très prononcé (ce clavier, ces percussions, ces guitares flottantes bardées d’effets psychédéliques) et son interprétation évoque plutôt Elder que le Fu Manchu auquel on est habitué. Mais à cet exercice qui n’est pas le sien, le groupe s’en tire plutôt bien même s’il est difficile de juger sur une seule pièce de moins de trois minutes. Le titre a en tout cas le mérite de proposer autre chose et de conclure cette seconde partie d’une manière posée et sympathique. On ne crachera donc clairement pas dans la soupe.
Six ans après Clone Of The Universe, Fu Manchu nous revient en très grande forme et nous prouve, malgré une scène particulièrement vivante et une quantité astronomique d’albums à voir le jour régulièrement, qu’il en est encore l’un de ceux sur qui il convient de compter. Comme toujours ou presque, les Californiens n’ont rien changé de ce qui ont fait leur succès mais l’approche sensiblement différente de ce nouvel album est la preuve que Fu Manchu est capable d’apporter encore un peu de fraîcheur à une formule vieille de bientôt quarante piges... Une chose qui n’est pas donnée à tout le monde puisque de toute façon, à l’exception de Yawning Man, ils ne sont pas nombreux les groupes à pouvoir justifier d’une carrière aussi longue dans le petit monde du Stoner Rock. Voilà en tout cas le genre d’album qu’il vous faut avec les trente degrés annoncés aujourd’hui un peu partout en France.
| AxGxB 28 Août 2024 - 525 lectures |
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