Loma Prieta - I.V.
Chronique
Loma Prieta I.V.
Alors ça, je ne l'avais pas vu venir. Loma Prieta, le groupe de San Francisco (que j'ai toujours pris pour un groupe italien, la faute à la consonance du nom, sans doute...) avait sorti quelques bons disques de screamo « classique », façon hommage aux pontes du genre. Un « Last City » qui marquait un départ de carrière musicale en grandes pompes et un « Dark Moutain » avec qui j'avais découvert le groupe, à posteriori correct mais pas forcément renversant. Voilà que nos compères de Frisco débarquent donc chez Deathwish Incorporation le label de tonton Bannon, logique puisque certains membres du groupe jouent également dans Punch, groupé déjà signé dans l'écurie de Boston, Massachusetts.
C'est sans trop d'attentes que j'écoutais donc « I.V. », dernière sortie de la formation (mais tout de même déjà âgé de deux ans). Et là, shibam, pow, blop, wizz, la surprise. Loma Prieta s'énerve. Mais vraiment hein, au point qu'ils mériteraient presque l’appellation de « Chaotic Screamo ». Ce qui fait le sel de cette turbo-violence, c'est en premier lieu la production tout simplement dantesque même si un poil déjà-vue. J'imagine que c'est Ballou qui est passé par là pour rajouter un poil de sauce à la musique du combo et force est de constater qu'il en faut peu pour être heureux... Mais pour une fois, la patte convergente est relativement discrète puisque le groupe s'est doté d'un rendu propre et n'a presque pas emprunté de structures au mètre-étalon du Hardcore Moderne américain : tout au plus quelques hommages ça et là.
Loma Prieta se contente parfois d'envoyer des titres courts et quasiment Grindcore qui composent une bonne partie de leur démarche sur ce dernier-né. Une minute pour les plus « No Limit » de la track-list, dont certains sont tout bonnement incroyables de violence. On citera « Trilogy 4 - Momentary » construit – tout bêtement, serait-on tentés de dire – sur une accélération de tempo pour finir sur un blast-beat déstructuré des plus déchaînés ou encore le final plutôt posé de « Trilogy 6 - Forgetting » qui finit par saturer au point d'en devenir insupportable et de faire grésiller la chaîne hi-fi. Malgré ça, Loma Prieta n'oublie pas ses racines et cachés derrière un mur de crasse et de bafouilles hardcore distordues se cachent des accords cent pour cent émotionnels. Une sorte de screamo masqué qui se révèle après quelques écoutes. Ce passages émouvants sont très réussis et apportent une tension à l'opus qui se différencie ainsi des groupes se contentant d'être violents. Brut, court et sans concession mais n'oubliant pas d'apporter une dose de sentimentalisme nécessaire, « I.V. » n'est pas évident à cerner et apparaît au départ comme un disque presque schizophrène. Il faut en effet prendre en compte ses deux lectures, son aspect brutal étant finalement assez complexe à différencier de son côté aérien et désespéré.
Le petit reproche que je ferais à la formation, c'est qu'elle applique cette dualité dans un schéma qui se met à vite sauter aux yeux au bout de quelques temps. Simple : la première partie du disque balance la purée et la deuxième devient tout à coup plus émouvante et mélodique. On observe d'ailleurs facilement la transition musicale qui s'effectue avec les quarante secondes de guitares claires sur l'interlude « Untitled », déboulant finalement sur un « Uniform » purement screamo qui annonce alors la couleur musicale de la fin de l'opus. Dommage, on aurait aimé une alternance moins méthodologique et quelques surprises énervées en fin de disque et dont on observe quelques prémices sur un « Diamond Toot » aventureux avec sa guitare douceâtre et ses sonorités étouffées en fond.. Reste que « I.V. » est cependant une vision vraiment agressive du genre et qu'il ne démérite pas, surtout quand il s’octroie le luxe de fondre les deux aspects de sa musique, comme sur l'excellent « Fly By Night ».
Cependant, le point positif de ce choix, c'est la cohérence qui est optimale. Évidemment, on commence par nous en décocher une en pleine tête avant de nous susurrer à l'oreille un gentillet « Ça fait mal pas vrai ? ». Un Screamo-Hardcore-no-Jutsu peut-être un poil évident mais diablement féroce, quand on y pense... Nul doute que ceux qui ont bavés devant le screamo ô combien lacrymal d'un « Last City » risquent d'être déçu mais ne vaut-il mieux pas un évolution (certes, tendant un peu la masse du genre) qu'une régression ? « I.V. » reste un album burné, efficace, violent et sachant se faire émouvant.
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