J'avais quitté Loma Prieta en bons termes après un
« I.V. » de très bonne facture et suite à leur live bordélique mais convaincant du New Noise Festival dixième édition. C'est donc logiquement que je m'attendais à une suite violente et torturée dans la plus pure lignée de leurs morceaux récents, tirés de leur précédent opus et de leur split avec Raein. Seulement voilà, si Loma Prieta conserve avant tout son style abrasif et pétaradant, on se retrouve pourtant devant une grosse réminiscence de Screamo à l'écoute de ce « Self Portrait ». Ceux qui avaient posés leurs oreilles sur l'EP intitulé « Love » il y a quelques semaines avaient sans doute déjà remarqué cet aspect plus mélodique sur le titre éponyme, qui est aussi le premier de ce nouvel album. Une annonce musicale symbolisant une nouvelle approche artistique pour le combo et hautement confirmée à l'écoute de ce dernier-né.
En effet, « Self Portrait » conserve en premier lieu quelques bribes des élucubrations chaotiques de
« I.V. », notamment via des fulgurances aux limites du Noise / Hardcore sur le final de « Satellite » par exemple, probablement le titre le plus ambitieux du groupe en cette année 2015. Cet aspect violent est d'ailleurs servi, voire même accentué artificiellement, par la production vraiment distordue et crado signée par Jack Shirley, a.k.a Mr Deafheaven. On conserve donc ici la recette mise en place par Kurt Ballou en 2013 qui fait la part belle à ces guitares dégueulasses, cette basse baveuse et cette batterie organique maltraitée par son maître de plus en plus inventif en terme d'errances rythmiques. Le final de « More Perfect » est une bonne illustration de mon propos où le batteur se déchaîne avec toute son âme avant de renchérir sur un passage très posé. Un titre qui montre bien que ce dernier est au centre de l'articulation des compositions, ce que l'on avait déjà remarqué en live puisque c'est lui qui faisait le liant entre les différentes pistes de la set-list.
Surprenant aussi, cet effet distordu sur la voix qui sert à apporter un regain d'agressivité à des lignes de chant très souvent... chantées. Dans la plus pure tradition des groupes Screamo Old-School ou même de certains formations Emo (on pense souvent au label Count Your Lucky Stars pendant les écoutes...), Loma Prieta s'octroie ici des chants clairs rendus agressifs uniquement par leur traitement sonore grésillant. Un choix finalement judicieux qui permet d'apporter l'émotion tout en évitant la niaiserie. Un vecteur touchant bien évidemment confirmé et appuyé avec force grâce aux nouveaux titres de ce disque, beaucoup plus mélodieux qu'auparavant. On citera « Love », « Rings », ou encore le déjà-cité « Satellite », très progressif et crescendo avec ses six minutes et sept secondes de musique pulvérisées par un final Noise irritant et agressif au possible.
Dans « Self Portrait », Loma Prieta a donc pris les riffs les plus tordus et violents de
« I.V. » et a pris le soin d'y ajouter à chaque fois des passages mélancoliques, nostalgiques et touchants. On se retrouve donc sans cesse ballottés entre deux visages d'un même groupe. « More Perfect », qui bénéfice d'un break en son centre déjà évoqué plus haut pour sa violence jusqu'au-boutiste est pourtant un titre très doux car son entame purement Punk-Emo et son final apaisé en font une réussite incontestable. On pourrait presque dire que sur certains titres, on retrouve l'essence du Loma Prieta de « Last City » mais enrobé par une grande couche de graisse de moteur et de pollution sonore. D'ailleurs, il est aussi bon de noter qu'on ne se refuse pas quelques morceaux rentre dedans, comme « Merciless » ou « Roadside Cross », deux pièces très courtes au feeling Old-School Punk indubitable mais toujours surplombés par quelques bribes des plus catchys.
Au registre des réussites, on citera également « Nostalgia », un titre profondément bouleversant avec son melting pot d'influences (Post-Metal, Hardcore-Punk sur le break, Screamo à l'ancienne...) et ses puissantes émotions propulsées grâce à des riffs en trémolo de toute beauté et des lignes de chants éthérées et spatiales. Un morceau qui saura à coup sûr se faire une place dans le cœur des amateurs. Tiens d'ailleurs, parlons-en des amateurs puisqu'une chose semble évidente : avec « Self Portrait », la formation américaine risque bien de réconcilier les fans de
« I.V. » et les die-hard du Loma première période. Ce disque est à coup sûr un gros mélange de tout ce que Loma Prieta a pu proposer auparavant et la petite bande semble avoir trouvé un équilibre évident entre les passages les plus frontaux et les émotions qu'ils avaient jusqu'alors un peu oubliées. « Self Portrait » est un album court mais véritablement intense où chaque titre possède un petit quelque chose qui le rend unique, à coup sûr une des réussites de cette année.
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