Dans un monde idéal, FleshOvSatan n'aurait pas honteusement quitté Thrashocore et aurait chroniqué ce disque de sa manière particulière, c'est-à-dire en faisant référence à des animes que vous n'avez pas vus, des rappeurs que vous n'écoutez pas ou des blagues sur des choses que vous ne connaissez pas. Bon, ok, « idéal » n'est pas vraiment le mot, mais il aurait sans doute mieux analysé ce disque de Touché Amoré que je m'apprête à le faire. Et puis, ça aurait fait une continuité dans les articles traitant du groupe (étant donné qu'il s'est occupé des deux – très bons – albums précédents,
Parting the Sea Between Brightness and Me et
Is Survived By) et la continuité, c'est cool.
Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal, il y a les guerres, la souffrance, AtomicSchnitzel qui ne chronique pas assez, je viens de me faire mal à mon pied en le tapant contre une échelle et c'est à moi, claudicant et pas très à l'aise avec le fait de causer d'un disque de screamo-journal-intime, qu'il revient de parler de
Stage Four, quatrième (vous l'aurez deviné tout seul) longue-durée de la formation de Los Angeles. Mais, baume au cœur, dans ce lieu parfait, Touché Amoré n'aurait sans doute pas existé, et encore moins ce nouvel essai : dédiées entièrement à la mort de la mère de Jeremy Bolm (chanteur qui irradie une nouvelle fois ici, au point de penser que ce groupe est son objet avant toute chose), ces nouvelles trente-trois minutes renouent sur le fond avec cette douleur qui le guidait sur
Parting the Sea Between Brightness and Me tout en poursuivant les élans plus mélodiques, moins urgents, de
Is Survived By.
Ce qui fait que
Stage Four donne l'impression de prendre le meilleur de la carrière des Ricains, à commencer par ce côté viscéral présent dès le départ, de « Flowers and You » à « Displacement ». Ceux ayant connu la bande avant ce disque ne seront pas étonnés par ces rythmes punk et pop à la fois ou encore ces lignes de guitares mélodiques et vives. Non, Touché Amoré ne s'est pas mis à faire des titres alternant accalmie et énergie comme beaucoup d'autres formations du même style. Il continue de garder sa patte bien à lui, certes travaillée, mais dont les origines Do It Yourself restent palpables. Ainsi, la production une nouvelle fois signée par Brad Wood, claire et puissante, donne la même impression que le reste composant
Stage Four : celle d'entendre des personnes se donnant du mieux qu'elles peuvent pour transmettre leurs sentiments.
C'est qu'il s'agit de screamo, d'emo même (on peut bien y penser durant « Palm Dreams » et ses « on my ooooown »), et donc de gifles émotionnelles, ici, des notes qui étreignent si fort qu'elles font mal, là, des paroles universelles et intimes à la fois. Rapidement, la sensation d'avoir affaire à une « œuvre de plus » de la part de Touché Amoré laisse place à celle, déjà connue chez eux mais plus présente qu'auparavant, d'assister à un déballage en règle parfaitement exécuté. Ho, il est clair que rencontrer pour la première fois « Benediction » peut créer un haut-le-cœur, tant ce morceau plonge à pieds joints dans la pop : il n'en reste pas moins un des moments forts de
Stage Four, où le texte de Jeremy Bolm lui donne une autre dimension, entre envie de vivre et surpasser le deuil – plus qu'une simple dédicace, le décès de sa mère est le point central de chacune de ses phrases scandées –, et difficulté à passer à autre chose, à faire « comme si de rien n'était ».
Il y en a autant pour l'amateur de riffs accrocheurs et rageurs que pour la personne aimant se plonger totalement dans ce qu'il écoute sur
Stage Four. J'ai par ailleurs d'abord pensé à appuyer cette chronique de citations prises dans le livret, avant de me rétracter tant il est compliqué d'en choisir une plus touchante que les autres. Tout semble ici similaire à un film indépendant de premier choix, brut mais réfléchi, prenant une situation personnelle et la tournant d'une façon où chacun peut s'y reconnaître un peu, jusqu'à un final ouvrant une porte menant vers le remède à apporter (« Skyscraper », ballade à la fois folk et emo où le chant grave de Jeremy Bolm se mêle à celui de la folkeuse Julien Rose Baker).
Qu'est-ce qui arrêtera Touché Amoré ? La question peut sembler rhétorique mais je me la pose souvent lorsque je lance
Stage Four, malgré quelques moments plus routiniers (« Water Damage » ; « Posing Holy »). Plus que jamais maîtres de cette musique entamée pleinement avec
…To the Beat of a Dead Horse, les Ricains me rappellent une nouvelle fois pourquoi je continue de les suivre ardemment alors que le screamo actuel, d'habitude, me fatigue. Indiscutablement leur meilleure sortie,
Stage Four me fait l'effet cette année d'une petite lumière dans mes successions d'écoutes d'artistes plus sombres les uns que les autres, par sa tristesse apparente qui n'oublie jamais que l'optimisme est une force et le cynisme, une faiblesse.
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