Voay vous en a récemment parlé : Touché Amoré est un groupe qui me touche (et vice-versa, si vous avez lu
ses révélations suite à une rencontre visio au sein de la Thrashocorp). Cela a été d’autant plus le cas avec l’incroyable
Stage Four, où la bande menée par Jeremy Bolm mettait son screamo lorgnant vers le post-hardcore (ancien comme nouveau) au service d’un travail de deuil, celui ressenti par son leader à la suite de la mort de sa mère d’un cancer. Une œuvre hautement personnelle, passant de l’ombre des remords à la lumière de l’acceptation, qui continue de me gratter la gorge quand viennent ses dernières secondes de mise à nu. J’attendais donc avec une certaine impatience
Lament, ayant la difficile tâche de succéder à un album qui, pour plusieurs raisons, marque un nouveau standard pour la formation et une scène ayant tendance à tourner en rond.
Et c’est avec beaucoup de justesse que Touché Amoré, probablement conscient de la beauté de l’exercice réalisé avec
Stage Four, montre avec ce nouvel album une volonté d’aller voir ailleurs. Certes, cela était une chose que l’on sentait déjà auparavant, dès
Is Survived By et ses velléités plus rock et mélodique. Mais c’est bien sur
Lament que ces nouvelles lubies prennent le plus de place, à commencer par un son plus clair qu’auparavant, remplaçant le coupant de guitares ayant su garder un certain grain hardcore par un dynamisme de chaque instant. Peut-être avez-vous appris que les Ricains sont allés voir Ross Robinson (producteur bien connu) pour habiller leurs nouvelles compositions : aucun doute que ce choix a été le bon, tant le monsieur, reconnu pour sa versatilité, donne ce qu’il faut de puissance au classique « Come Heroine » tout en laissant respirer les moments où les mariages se font les plus atmosphériques ou accrocheurs, tels que les voix claires de « Limelight » ou l’intensité mélodique de « Savoring ». Un exemple de plus que cet essai a été pensé comme un changement dans la continuité, traçant des ponts plus que des nouvelles routes, entre saveurs à l’ancienne (« Exit Row »), tentatives pop/punk (« Reminders ») et travail sur les atmosphères (« Deflector »).
Essais, tentatives... Et réussites ? Difficile de le dire, tant j’ai du mal à trouver totalement ici ce vecteur d’émotions qu’est pour moi Touché Amoré. On ne peut pourtant pas déplorer l’optique de vouloir aller vers d’autres styles plus profondément qu’auparavant, tant ils s’intègrent parfaitement à l’esthétique du groupe, conservant une sensibilité à fleur de peau de façon globale. J’ai cependant toujours une sensation de décrochage à l’écoute de ces trente-six minutes, alternant les styles comme si elles cherchaient les mots justes sans toutefois y parvenir à chaque fois (le longuet « Deflector »). Non pas incohérent, mais plein d’à-côtés au point de se demander ce qu’il peut bien vouloir dire, le groupe frôle l’écœurement, jusqu’à voir quelques traces de mauvais goût apparaître. Est-ce bien cette formation si fine dans son expression d’une certaine difficulté à vivre qui chante sur le bêta « Reminders » et son refrain que même un groupe de punk celtique trouverait un peu trop gros et facile ? Est-ce bien elle qui termine ce disque avec des pantoufles, jouant de clichés de films indépendants avec climax prévisibles (« A Broadcast ») et voix-off éculée (« A Forecast ») ? Pour la première fois, et malgré des œuvres qui me touchent à divers degrés,
Lament laisse pointer dans mon esprit quelques pensées méprisantes sur ces jeunes plus très jeunes et qui cherchent à se réinventer.
Lament est clairement une étape importante pour Touché Amoré, celle marquant une envie de dépasser ce screamo qui l’a fait connaître et adorer par tant, le mettant à une place où il ne paraît pas à l’aise (comme il l’exprimait avec
Is Survived By). Pour autant, ce premier pas n’est ni définitif, ni pleinement convaincant : entre rappels confortables, faits avec plus ou moins de réussites, et intégrations d’éléments neufs où l’écoute se fait avec une impression de devoir trier dans un caddie bien trop chargé (« Reminders », clairement destiné au bac à recyclage), il y a de quoi se dire que la bande a encore du chemin à faire avant de convaincre des bienfaits de ses sorties de route. Le plus frustrant est sans doute que les quelques exploits bien présents (« Feign » ou encore « Limelight ») laissent penser que
Lament aurait pu être un autre grand album de la part de ces brillants maladroits. Un grand album que j’espère les voir créer très vite.
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