A l'exception peut-être de Tom Cruise qui a la même tête depuis 20 ans, on vieillit tous et on change tous, parfois volontairement, le plus souvent sans même s'en apercevoir. Et ces changements engendrent de nouvelles perspectives, de nouveaux besoins et de nouvelles envies. La quarantaine frappant à leur porte, qu'a-t-il traversé la tête du couple Tveitan ces dernières années ? Envie d'un nouveau canapé ? De se lancer dans l'humanitaire ? De faire revivre une ancienne gloire ? Allez savoir. En tous cas une chose est sûre, il s'est passé un truc et ça s'en ressent sur leurs dernières productions. Vous avez vous aussi été troublés par "Das Seelenbrechen" de notre cher Ihsahn (chroniqué dans ces pages) ? Vous le serez sans doute encore plus à l'écoute du quatrième album de sa femme, du moins à condition d'avoir suivi le parcours de madame, ce qui n'est pas gagné vu le nombre de lectures/commentaires de mes deux précédentes chroniques.
Heidi n'est pas ce que l'on peut appeler une grande pondeuse. Musicalement parlant je veux dire, je ne me permettrais pas de m’immiscer dans sa vie privée. Cinq années entre
"Iter.Viator." et
"The Thread", juste une de moins entre
"Lakhesis" et "Ghouleh", difficile ainsi de nourrir une actualité constante. Pour tout vous dire, c'est même totalement par hasard que j'ai appris la sortie de ce nouvel opus (tout comme l'existence d'un précédent album appelé
"Lakhesis"), d'où le retard de cette chronique. Après un premier album qui marchait encore dans les pas de Peccatum, Starofash s'était trouvé un nouveau visage avec
"The Thread". Plus posé, plus mélancolique, il proposait une expérience intéressante et prenante, un voyage aux couleurs froides et saturées dont on ne ressortait pas indemne. C'était en 2008 et ça n'a pas pris une ride, un disque que je vous recommande chaudement rien que pour sa bonus track "Neo Drugismo" dont les notes de piano me hantent à chaque écoute. Sorti 2 ans plus tard,
"Lakhesis" revenait visiblement sur une musique plus électrique sans renier son évolution électronique, sorte de condensé de carrière. Mais tout ceci, "Ghouleh" le balaie d'un revers de main dès l'ouverture "Silva Magna". A l'exception du piano et du chant (et encore...), la Norvégienne a choisi de faire table rase du passé et s'offre un grand écart artistique : Starofash semble métamorphosé en une entité virtuelle, synthétique, totalement dénuée de chaire, un style glacial dont l'électronique a phagocyté toute forme humaine, du chant aux quelques instruments encore présents. Totalement assumé et maîtrisé, ce contraste abrupte est le témoignage vivant d'une recherche absolue d'esthétisme, un constat qui s'applique à l'ensemble de ces 13 morceaux dont l'atmosphère étrange vous surprendra à de nombreuses reprises...
... A commencer par le chant. On savait Ihriel plutôt changeante vocalement de part ses divers travaux réalisés depuis plus de 20 ans. Ici un choix drastique a été fait, optant pour une voix souvent poussée et tournée vers les aiguës dont les intonations m'évoquent la délicieuse Eivør Pálsdóttir, la chaleur en moins. Malgré tout, son timbre unique demeure, un timbre qui m'a d'ailleurs toujours fasciné par sa capacité à m'émouvoir et à me repousser en fonction de son usage. Comme je le disais plus tôt, l'instrumentation a également subit un gros plan social à tel point qu'on jurerait cet album quasi-intégralement pensé et séquencé sur un ordinateur. Seul le piano et les quelques apparitions de guitare sonnent vrai ; le reste (chant y compris) parait filtré ou généré numériquement, un autre choix avec lequel il faudra composer mais qui au final se prête bien à l'esprit de l'album. Paradoxalement, si la musique de Starofash n'a jamais été aussi froide sur la forme, l'ensemble au contraire étonne par son extrême luminosité. Ses sonorités éclatantes, ses refrains pop, ses ambiances oniriques évoquent tantôt les douceurs naïves d'Imogen Heap, tantôt les travaux de Jon Brion sur la BO d'Eternal Sunshine, faisant front à quelques errements plus sombres (l'instrumentale "Draum", "Silva Magna").
"Ghouleh" est donc plein de contradictions et en fin de compte plutôt décevant. L’intention est louable, je n'aurais pas aimé entendre un
"The Thread" 2 mais pour moi cette réincarnation ne tient pas ses promesses. Parfait sur la forme, c'est sur le fond que le bas blesse, ou devrais-je dire l'absence de fond. Car malheureusement, aussi agréables soient-elles, ces 60 minutes ont tendance à rester en surface au lieu de venir chercher les émotions, quand elles ne suscitent pas carrément l'ennui (les instrumentales "Storm Clouds" et "Storm Clouds II" par exemple). Reste le mystère "Silva Magna" qui ouvre l'album sur une note de désespoir, un titre d'une infinie perfection dans ses mélodies, ses sonorités électro (aux faux airs de M83) et ses lignes de chant dont la beauté vous remue les tripes jusqu'à la dernière note. Dommage que tout s'effondre après car un album composé de pièces de cette envergure aurait tout changé. En attendant il faudra se contenter de cette oeuvre en demi-teinte qui j'espère ne sera qu'une transition vers un futur plus passionnant.
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