Cet album de
GLACIATION est un énorme coup de cœur. Mais pas l’un de ces coups de cœur éphémères comme certains en ressentent un par mois. Non, un véritable électrochoc et la certitude de tenir là une œuvre qui restera, qui marquera, qui fera référence. C’est un sentiment semblable à celui ressenti lorsque j’ai découvert
Sodomizing the Archedangel d’
ANOREXIA NERVOSA en 1999, que lorsque j’ai posé les oreilles sur
Le Secret d’
ALCEST en 2005, que lorsque j’ai totalement fondu à l’écoute de
La Sanie des Siècles - Panégyrique de la dégénérescence de
PESTE NOIRE en 2006. Trois références que je choisis non seulement pour l’impact qu’elles ont eu et la place qu’elles ont gardé dans le monde du black, mais aussi pour le line-up de ce
GLACIATION version 2015. Tout d’abord on retrouve les membres de la première heure :
Neige, que l’on ne présente plus, figure du black shoegaze à travers
ALCEST mais qui a aussi été affilié à
PESTE NOIRE. Il est mentionné uniquement en « invité » cependant sur ce nouvel album.
Winterhalter batteur très lié à Neige qui a joué pour
ALCEST,
AMESOEURS et
PESTE NOIRE.
François Duguest, aux claviers chez
DIAPSIQUIR.
Hugo Moerman, bassiste qui a aussi intégré le groupe de death
NECROBLASPHEME en 2012.
Et comme si cela ne suffisait pas, il faut ajouter deux nouvelles recrues :
Indria Saray, bassiste pour les concerts d’
ALCEST et ancien membre de
PESTE NOIRE.
Et surtout, et surtout, et surtout, le phénoménal, l’incontournable, l’immortel RMS Hreidmarr, chanteur charismatique d’
ANOREXIA NERVOSA, et accessoirement (ou pas) de
The CNK.
Mais attention, je ne suis pas en train de dire que c’est le line-up qui fait la qualité de cet album. On sait tous que ce n’est pas en assemblant les talents de musiciens reconnus que l’on est assuré d’avoir un nouveau groupe indispensable. Et puis je dois avouer qu’au contraire je suis devenu très allergique à
ALCEST depuis
Ecailles de Lune, à un point tel que j’ai les oreilles qui tombent à chaque fois que je tombe sur un morceau du groupe et que j’étais particulièrement réticent, ou du moins méfiant, au moment de lancer cet opus de
GLACIATION. Mais voilà que depuis que je l’ai reçu, il passe tous les jours, plusieurs fois par jour, il me hante, il m’obsède, il faut que je le réécoute encore et encore. C’est donc avec déjà trois fois plus d’écoutes au compteur que pour tout autre album que je commence à écrire mes sensations dans cette chronique. Et je n’avais pas écouté un groupe sans lassitude de la sorte depuis bien longtemps.
Alors comment décrire la musique du groupe... C’est dur de trouver des mots à la fois justes et emballants... C’est du black metal évidemment, mais on pourrait dire qu’il est mature, conscient, appliqué, responsable. Oui, les termes font peur, et si l’on y réfléchit bien, ce sont ceux qui étaient généralement utilisés pour décrire ce phénomène qui a marqué la France dans les années 2000... les « bobos ». Aïe, ça fait mal comme terme, hein... Mais plus j’y pense et plus il me semble adapté. J’imagine bien les détracteurs de cette musique parler de « black bobo » ! Car
GLACIATION intellectualise le black metal. Et ce n’est peut-être pas nouveau. S’il avait sorti
1994 uniquement en vinyle, ce n’était pas pour faire plus trve que trve, mais peut-être bien par excès d’élitisme, en plus de vouloir faire parler les bavards. Ses membres voulaient aussi sans doute recommencer à zéro et ne pas compter sur leur popularité / passé / fan base pour être reconnus et appréciés sur leurs noms. Et c’est ainsi que même si le secret était de Polichinelle le line-up n’avait pas été dévoilé...
Le black bobo, ou black intello passe par des variations multiples, des compositions aux changements constants. C’est du black aussi malmené et aussi excellent qu’un
SHINING par exemple. Et surtout, il y a de forts ajouts rock.
GLACIATION a inclus du rock français, et là encore les références vont faire peur, mais il y a du
NOIR DESIR dans les mélodies. On retrouve constamment un côté doux / dur, un goût sucré / salé. Et pour vous achever encore plus, j’ose la comparaison la plus folle possible : il y a du
KYO dans cet album. Oh je ne dis surtout pas qu’il n’y a que ça ! Ne soyez pas trompés par mon commentaire comme j’avais été trompé par des chroniques qui parlaient de
TAAKE et m’avaient fait croire qu’il y avait du banjo tout le long de l’album alors que c’était sur un seul titre, et durant quelques secondes seulement... Donc oui, il y a du rock français, et il y a du
KYO dans le chant sur « Le Soleil et l’Acier », entre la 4ème et la 5ème minute. Et vous savez quoi ? Eh bien c’est jouissif. Et la chair de poule apparaît. Et elle n’apparaît pas que là d’ailleurs. Les vocaux y sont souvent pour quelque chose, car n’oublions pas que nous avons Hreidmarr au micro. Il n’a rien perdu de ses compétences et hurle des textes en français de sa voix si personnelle et reconnaissable. Il est toujours l’un des plus doués pour exprimer autant de sentiments différents. Il mêle encore une fois des vocaux black dévastateurs à des parties plus déclamées ou torturées comme on en trouvait à foison sur
Drüdenhaus. Ensuite, la richesse discrète de l’album en fait du black bobo qui donne la chair de poule. Ce sera soit un riff, soit la batterie qui s’emballe, soit quelques chœurs divins...
Et puis le côté « bobo » se trouve aussi dans l’utilisation de sample d’un écrivain. Sur l’album précédent une interview de Céline était utilisé. Il y parlait de la « lourdeur » de ses contemporains, cette fois-ci c’est Marguerite Duras que l’on entend prophétiser sur l’avenir, et donc sur notre présent, avec un certain succès puisqu’elle y parle des humains « littéralement noyés dans une information constante et pas loin du cauchemar ». Ce passage vient couper en deux « Les fiancés sont froides », long morceau de 12 minutes, le plus long de l’album, les autres durant en moyenne 7 minutes. J’allais dire « les trois autres durant en moyenne 7 minutes », en pensant à « La mer, les ruines », « Le soleil et l’acier » et « Kaputt », oubliant de citer les deux dernière pistes, seuls petits points noirs de l’album que j’aurais aimé occulter. Peut-être moins la cinquième (« Cinq ») que la sixième (« Sur les falaises de marbre ») cependant. Toutes deux instrumentales, la première intègre un saxophone. Elle rappelle des souvenirs de
PRAEDA et aurait été idéale pour conclure l’album. Sauf qu’elle est suivie de la deuxième, autre conclusion qui n’est pas du tout à sa place. Il s’agit de 6 minutes semblant venir tout droit de l’esprit de Neige, comme s’il avait tenu à ajouter sa patte ou comme si le groupe s’était dit que cinq morceaux n’auraient pas été suffisants. Alors on trouve une musique toute douce, incitant au voyage de l’âne... euh non, de l’âme... avec de légers vocaux murmurant une mélodie... Cet écart sent le réchauffé, dépareille trop du reste et était totalement dispensable. Il aurait dû rester chez
ALCEST...
Je sais que mon engouement ne sera pas partagé par tout le monde, et que certains vont même s’offusquer, se plaindre, cracher leur opposition. Et je les en remercie à l’avance, parce que c’est aussi l’une de conditions pour qu’un groupe devienne pleinement culte : une opposition, des voix qui affirmeront que l’album est surestimé. C’est l’apanage des grands groupes d’être tout autant appréciés que décriés, et ce fut et est encore le cas pour
ANOREXIA NERVOSA,
ALCEST et
PESTE NOIRE. La polémique accompagne toujours les albums marquants.
GLACIATION a sorti un album géant qui augure de bonnes choses pour la suite, en espérant qu’il devienne une priorité pour tous ses membres...
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