« Un groupe de vieux pour les vieux ». Si je devais résumer Nekkral en une phrase, voilà celle que je choisirais. Pas seulement car la musique de ce groupe à géométrie variable voit venir l'intervention de personnes présentes depuis un moment dans le circuit – des membres de Ananda, Submerge, HKY, Carry The Torch, Aguirre, Denebh, Inmate, Arms Of Ra ou encore Les Tigres du Futur vont et viennent le long de ces quarante-trois minutes – mais également parce que, derrière des atours classiques donnant envie d'immédiatement poser le libellé « post black metal » à ce premier album, l'ensemble ne peut empêcher de rappeler aux amateurs un certain temps où des formations amoureuses des tempos lourds à durée longue pullulaient dans les distros.
En effet, s'il est obligatoire de faire ici quelques liens avec Altar of Plagues (période
White Tomb, dont on retrouve ce goût pour les accalmies désolées préparant le déluge) ou
Deuil (pour cette sobriété rafraîchissante à peindre une ambiance crépusculaire, sans manières ennuyeuses et autres colifichets), l'écoute de ces voix drues, râpeuses, rappelle une certaine scène underground. Nekkral n'a pas cet esthétisme élaboré courant dans la veine post black metal et tant mieux ! Son but n'est pas d'épater par son travail de composition, plutôt de convaincre tranquillement dans son trot de chameau vers le bout du monde.
C'est bien cette honnêteté à jouer son mélange entre black metal, drone et post hardcore qui donne une saveur caractéristique à la musique de Nekkral. Un goût de recueillement, de paix cherchée dans la tristesse m'évoquant un groupe comme Atavist, dont les guitares vrombissantes, les étalements de boucles austères sont également de mises ici. Si les Français emportent tout de suite mon approbation, montrant une précision dans leurs changements de motif bluffante étant donné les longueurs des morceaux composant l'essai, l'expérience s'avère aussi concluante et – osons le mot – particulière que courte, ces quatre titres passant à une vitesse frustrante. Pondérée dans ses effets, pondérée dans son discours rendu plus percutant par son absence de détours, la bande laisse penser qu'elle aurait pu se permettre d'aller plus loin, soit dans cette beauté nocturne qui se dessine sur « Pray the Giant » (ses tremolos virevoltants en solitaire), soit dans cette obsession coupante comme le froid du Nord sur « Circle to End Pain ». En cela, les liens qui pourront se faire entre ce disque et
celui sans-titre de The Austrasian Goat se révèlent pertinents, cet entre-deux étant maîtrisé de bout en bout mais sans dénouement.
Ce dernier est laissé à l'auditeur mais cela n'est pas une raison suffisante pour voir en Nekkral moins qu'un groupe modeste et pourtant étrangement prenant dans ses envies vibrantes d'aller plus loin dans la nuit. Certes, celui qui jettera son dévolu sur les Français ne rencontrera pas ici quelconque originalité ou magnificence s'annonçant à gros sabots. Non, ce qu'il trouvera sera à mon avis bien meilleur que tout cela : cette enveloppante sérénité à errer seul le soir, sans autre but que la promenade. La poésie des petites choses, en somme.
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