Mur - Brutalism
Chronique
Mur Brutalism
Cinq ans après un EP éponyme qui montrait de bonnes dispositions il était temps pour le combo parisien de revenir aux affaires afin de confirmer ce premier jet dans une version plus longue, et surtout plus ambitieuse encore. Si les choses ont été longues à se mettre en place c’est qu’au sein de celui-ci il y’a eu des évolutions, tout d’abord avec un changement de personnel en interne dont le résultat majeur est l’apparition d’une écriture encore plus alambiquée et synthétique que dans un passé proche. Tout cela sans oublier un passage remarqué de Dooweet Agency vers Les Acteurs de l’Ombre, qui ose de plus en plus signer des formations sortant des sentiers battus, et difficilement classables. En effet faire rentrer le septuor dans un style précis est un vrai défi en soi tant ses influences sont nombreuses, ceci étant dû à la diversité des groupes dans lequel chacun des membres actuels a (ou a eu) l’occasion de jouer, vu qu’on y retrouve un ancien de TODAY IS THE DAY, GLORIOR BELLI et DARKNESS DYNAMITE à la batterie, ou encore de COMITY à la basse. Sur le papier ce mélange des genres a tout pour être casse-gueule car on sait bien qu’en général ce gloubiboulga musical est plus indigeste et inécoutable qu’autre chose, pourtant l’expérience et le pedigree des mecs vont permettre à ce long-format d’être relativement accessible, même s’il faudra être patient et attentif pour pénétrer cet univers particulièrement sombre et hermétique.
Car outre une rythmique majoritairement lourde influencée par le Hardcore le plus dépouillé (au chant parfaitement en raccord) on va y voir l’ajout de riffs à la fois glaciaux et écrasants, et surtout l’apport d’un clavier aux accents électroniques d’obédience industrielle. Tout ce maëlstrom confère donc à cet opus un statut bizarre où il est difficile de prendre parti, pourtant après nombres d’écoutes on s’aperçoit qu’il devient plus digeste et assimilable, même si bien sûr tout n’est pas gagné et nul doute qu’il va diviser par sa radicalité et son parti-pris. Si au départ l’entité nous gratifie de toute sa palette sur le très bon « Sound Of A Dead Skin » (qui sait être diversifié, brutal et massif à la fois), la lenteur va vite être mise en avant que ce soit sur le synthétique et jazzy « I Am The Forest » ou via l’inquiétant et obscur « Nenuphar » au soli d’arrière-plan angoissant. Cet éloge de la lourdeur est renforcé par le timbre de voix criard et désespéré de haute tenue signé Jay Moulin qui se montre du même niveau que ses camarades musiciens, et cela ressort de manière encore plus flagrante sur l’aérien et monolithique « Red Blessings Sea » où il s’égosille de plus belle, tout en proposant de légères variations au niveau de la tessiture. D’ailleurs même quand le tempo s’emballe il réussit à conserver une vraie accroche, à l’instar de ses comparses, comme sur le redoutable et énergique « Third » à la vitesse plus élevée et où l’on ressent l’influence du Punk pour y montrer un côté plus direct et simple de leur musique. Si ce titre voyait une approche plus bas du front en revanche le long « I See Through Stones » va être tout l’inverse, car ici tout y est plus gelé et robotique, donnant ainsi une sensation de vide sidéral absolu. A cela s’ajoute de nombreuses cassures pour un rendu qui part tous dans les sens, et où vient se greffer un solo désespéré joué à l’arrache, comme pour prouver néanmoins que la spontanéité reste de mise. D’ailleurs la technicité sur la deuxième moitié de cette galette va être le crédo majeur, entre le spatial et énervé « Livity » ou bien l’éthéré et suffocant « You Make I Real » qui servent de mise en valeur de l’interlude et de l’outro qui nous embarquent vers de la science-fiction, tant ces moments planants font littéralement décoller l’auditeur vers les étoiles et le cosmos.
Avec sa production sèche et coupante où la basse est parfaitement audible (et bien mise en valeur dans le mixage) ce disque se montre cohérent de bout en bout malgré une durée légèrement excessive, et quelques plans interchangeables. Sans baisse de régime majeure il montre que les mouvements au sein de la bande lui ont été bénéfique, celle-ci arrivant à densifier son propos sans tomber dans la redondance, et en conservant sa trame générale sur toute la longueur. Originale dans son approche et particulièrement bien écrite et composée, cette sortie détonne dans le paysage Metal hexagonal (comme dans le catalogue de son label), car si au départ elle peut donner la sensation d’être pédante et bizarroïde elle se révèle être finalement facilement digérable malgré ses excentricités. Sans être de l’Indus pur et dur, ni quelquechose pour Coreux ayant envie d’en découdre cette œuvre montre un côté impénétrable, violent et rare, qui ne demande qu’à être creusé et écouté dans des conditions optimales, au risque de ne pas en saisir le concept et de passer à côté de l’essentiel. S’il n’est pas sûr qu’elle soit approuvée par le plus grand nombre, elle mérite néanmoins que l’on s’y penche attentivement histoire de se faire son propre avis, et de voir si l’embarquement vers des contrées éloignées y est immédiat ou plus tardif.
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