Prognathe - Revelation Flesh
Chronique
Prognathe Revelation Flesh
Ils se déplacent en horde, n'ont que faire de l'hygiène et traînent avec eux une odeur de sueur et de sang. Leurs visages portent les stigmates d'une vie aussi rude qu'impitoyable, entre combats et ripaille. L'intelligence n'est pas leur fort, puisque ces bêtes hirsutes n'obéissent qu'à leurs instincts. L'agression, la survie, la victoire sur l'ennemi sont leurs seules règles. Nous ne parlons pas d'une mêlée du XV de France, mais bel et bien de ce que "Revelation Flesh", des Toulousains de Prognathe, cherche à raconter à l'auditeur. Auteurs d'un premier album éponyme en 2012, Lundi Galilao (qu'on retrouve aussi chez A Very Old Ghost Behind the Farm) et Victor Bestiole jouent un Metal assez difficile à cerner, entre parties Grind hystériques, Sludge poisseux et Doom groovy. Disons simplement que l'ensemble a été conçu pour faire le plus de dégâts possibles à l'impact, sans s'encombrer d'instrumentations superflues ou de technique outrancière.
Projet musical défouloir avant tout, les onze titres qui composent ce "Revelation Flesh" ne font que très rarement dans la finesse. "Prognathe", premier du nom, brillait notamment par sa production, excellente pour un produit "maison". Son successeur possède un son plus propre, petit défaut de fabrication à mon goût. Comme chacun sait, je vomis les boîtes à rythmes. Intégralement. Si, sur le premier album des Toulousains, elle ne sonnait pas trop comme une succession d'échantillons sur-compressés, sur "Revelation Flesh", je retrouve ce son artificiel et sans aucune saveur que partagent 90% des one-man bands de Black Metal autour du globe. Dommage, oui, mais il aurait été encore plus dommage de se priver de l'album dont nous parlons aujourd'hui, puisqu'hormis cet écueil, le reste est de très bonne facture. Les guitares alternent entre riffs balèzes qui peinent à remuer leur graisse ("The Old Man Said") et murs ultra-compacts, soutenus par des rythmiques impossibles ("Revelation Flesh"). Ces mêmes parties, très typées Grind et rappelant parfois Anaal Nathrakh, auraient pu souffrir d'un son brouillon. Il n'en est rien.
Lorsque je m'imagine des hommes des cavernes, je les vois lents, hésitants, occupés à trouver de quoi se sustenter et éviter de se faire bouffer. Un disque centré autour de la préhistoire se destinait plus à aligner les riffs balourds et les rythmiques lentes. Mais non. "Revelation Flesh" drogue cette horde d'australopithèques avec un cocktail de speed et d'amphétamine, leur apprenant par la même la cruauté gratuite. Nous sommes leurs proies. "Twinkle, twinkle, burning mammoth" possède d'ailleurs un côté extrêmement inquiétant, presque apocalyptique, avec ces choeurs sortis de nulle part qui viennent apporter de la beauté (!) à un riff qui, pourtant, se suffisait à lui-même - pour moi, ce titre est l'un des plus convaincants de l'album. Ces petits arrangements sonores apparaissent furtivement tout au long de "Revelation Flesh", notamment sur 'Seven Men", qui clôture la galette en beauté. La septième piste, sans titre, toute en subtilité et en sonorités etouffées, presque Jazz, coupe net la débauche de violence, choisit de raconter la furtivité de la chasse plutôt que le massacre qui la suit. Si le titre est reposant, l'auditeur ressent la menace sourde qui plane sur lui. Le larsen chante, témoin de l'attaque imminente. Dans cette horde qui gagne en assurance au fil des titres, deux fortes têtes mènent la chasse à l'homme : Galilao et Bestiole, qui hurlent tout deux (assistés par un certain Père Hector). Leurs deux voix, entre growls et hurlements d'épileptique en pleine crise, se calent dans le peu d'interstices sonores que laisse l'omniprésente boite à rythmes. Elles réservent parfois quelques surprises, cet espèce de chorus des plus douteux sur l'ouverture de "Grunt to the Hills", ces respirations simiesques sur "Get even in massacre", un côté décalé que je trouve très à propos, surtout lorsque l'on choisit l'homme des cavernes pour univers : d'autres s'y sont essayés sans grand succès (Goat the Head, sur "Simian Supremacy").
S'il est parfois un peu indigeste (la faute à ce son de boîte à rythmes), "Revelation Flesh" reste un album de haute volée. Evitant de sombrer dans le ridicule en assumant un côté second degré tout au long de ses titres, Prognathe n'a pas à rougir de ce qui ne devait être qu'un "projet défouloir". Énergique et ravageur comme le plus énervé des disques de Grindcore, menaçant et poisseux comme le plus massif des disques de Sludge, le Prognathe cru 2014 est une excellente surprise, Yves Coppens qui aurait délaissé sa plume pour aller saigner d'autres instruments, plus contondants. Si Lundi Galilao est plus connu pour A Very Old Ghost Behind the Farm, il est pour moi bien plus convaincant dans son rôle d'australopithèque bête et méchant. Affaire à suivre, définitivement.
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