Grime - Deteriorate
Chronique
Grime Deteriorate
On ne dira jamais assez l'importance d'avoir une bonne production, particulièrement quand il s'agit de sludge. C'est que, n'en déplaise aux rêveurs aimant voir le genre comme « urgent » et « stupide », il faut sans doute beaucoup de travail derrière les tables pour donner cette impression courante dans le style de matière brute dans laquelle se fondre et s'amocher. Et Billy Anderson (toujours lui) a rendu une copie parfaite pour ce premier longue-durée des Italiens de Grime : croquante, fondante et autres termes d'un Cyril Lignac amateur de cochonnailles ne suffisent pas à décrire comment, tout en s'inscrivant dans un rendu old-school proche des années 90, elle parvient à éclater la tronche sans abus de puissance, par sa seule capacité à éroder le moindre bout de riff pondu par le trio où même les moins convaincants attrapent une saveur particulière, entre sludge et doom / death. Un véritable plaisir de gourmet.
Pour le reste, la tentation de vous renvoyer à votre exemplaire de Come to Grief (de... Grief) est grande. Sans aller aussi loin que les Ricains, Grime se range dans le même sludge simple, pataud, excessivement régressif et jouissif pour cette raison. Question de ferveur dans l'exécution, que les Italiens s'appliquent à faire dans la plus austère tradition : de la voix décharnée et hurlée sur le même ton tout le long de ces quarante minutes à ces guitares avançant les genoux pétés, il y a de quoi ravir ici le fanatique du sludge nineties, revivant ici ses premières heures sans ajout de sheitaneries hardcore comme trop le font actuellement. Inutile de faire un track-by-track précis quand les titres paraissent autant se désagréger les uns dans les autres, Deteriorate méritant son nom jusqu'au bout.
Vieux-jeu jusqu'à un artwork signé Jason Barnett rappelant ceux de Eric C. Harrison, Deteriorate n'élève le ton qu'à de rares occasions, juste ce qu'il faut pour donner un regain de vivacité à ses fantasmes de limace. Si un certain manque de personnalité peut se regretter ici, Grime rend un hommage si convaincant au style que, un peu à la manière du Fistula de Burdened by Your Existence, il donne envie de nettoyer le sol de ses cheveux longs le temps qu'il joue. En quarante minutes, pas de quoi ennuyer outre-mesure et tout à prendre sans dépatouiller de ses doigts experts les bons et mauvais points !
Cependant, même le cerveau éteint et un sourire idiot sur le visage (vous voyez le petit gnome vert en bas de la pochette ? C'est vous quand vous écoutez Deteriorate !), impossible de ne pas remarquer que Grime possède des atouts bien à lui, à commencer par ce chanteur si bluffant de fièvre qu'il donne l'impression de hurler sans prêter attention à ses camarades. Une de ces petites choses présentes dans cet album prouvant que Grime a tout à portée de main pour devenir une valeur sûre dans sa catégorie, même si, à en croire des camarades au goût certifié ayant vu la formation en concert, il va falloir encore un peu de temps pour que les Italiens apprennent à se débrouiller sans une production monstrueusement généreuse avec ceux ne jurant que par les Dystopia, Iron Monkey et autres madeleines de Proust. Personnellement, ce sludge-ci ne courant pas les rues de nos jours, je le prends avec plaisir !
| lkea 10 Juin 2015 - 691 lectures |
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