Ah, Grief ! Je le dis tout de go : j'ai longtemps redouté le moment où j'allais me décider à en parler de front. Il faut dire que ce groupe tient une place particulière pour moi, faisant partie de ceux où j'avoue ne laisser aucune place à la nuance. Mais, las ! Les rééditions de
Dismal et
Grief par Fuck Yoga m'ont décidé à sauter le pas, avec comme problématique d'éviter les empilements de phrases type « Grief est le sludge TMTC ». Feuilles à rendre dans deux heures, copie blanche non acceptée.
Car Grief n'est pas le sludge. Ce dernier est trop occupé à se coltiner quelques vieilles gloires, s'encanailler avec d'autres styles – sur ce point, aucune critique de ma part : cela fait un moment que j'aime envoyer les puristes et leurs matériaux dans les bennes à recyclage où ils trouvent leur place –, voir ailleurs mais rarement du côté des créateurs de
Come to Grief. Pas de place pour le petit Grief, condamné aux arrières-salles, aux bancs du fond, à taillader seul ses slogans à lui, « Polluted », « I Hate You », « Why Should I Care » et consorts. Et, de ses hymnes, ceux de
...And Man Will Become the Hunted sont sans doute les plus doom, les plus collants et décidés à la fois, façon gravures faites au compas sous la table en passant bien sur les chewing-gums séchés, et les plus... beaux.
Tout à fait. Ce dernier album des Ricains est celui qui approche au plus près cette sorte de grâce qui, toujours, les a habités plus ou moins.
...And Man Will Become the Hunted commence par des mugissements d'animaux et se termine par de belles mélodies exécutées comme on raconte une blague : le reste est un mélange de tout cela, primaire, narquois et pourtant délicieux dans son mouvement continu de gastéropode. Dès l'apparition des instruments sur « Predator », les images habituelles de drogues, ruelles et autres délires adolescents laissent place à une autre forme de régression tant tout est ici poussé à son paroxysme de la poutrance fondante, façon tartine de nutella à dévorer avidement. « Waaaaaah » ne peut-on que penser à l'écoute de ces riffs qui étalent leur bien-être, devant cette voix appuyant chaque syllabe comme si ça lui coûtait que ça nous coûte aussi, ce batteur qui – mazette ! – donne des coups de toms quand ça lui chante, pris dans un bonheur qu'il ne veut partager que rarement. Vous z'avez qu'à voir, même l'élévation de tempo de « No Escape » encule avec tant de générosité qu'elle ne donne envie de dire que des remerciements ! Partout, graisse et allégresse.
Non, Grief n'est pas le sludge. Il est le groupe qui fait des cafards – ceux que tu ressens ; ceux qui squattent ton appart' – tes potes. Il est le groupe qui te pond des artworks moches en apparence et que tu adores regarder encore et encore, ébahi par tant de je-m’en-foutisme. Il est le groupe qui te fait rêver d'être comme Robin Williams dans le film
The Fisher King, un clodo qui fait des couvercles de poubelles des boucliers et des bois ramassés par terre des lances, bataillant contre des démons imaginaires les chicots dehors, à imaginer le Graal derrière chaque buisson, heureux dans ses jeux d'enfants. Il est, le temps que tu l'écoutes, le meilleur groupe du monde – et
...And Man Will Become the Hunted est son meilleur album, celui qui est le plus satisfait de lui-même, le plus menaçant envers rien et tout le monde, le plus interminable dans ses leads, le plus incapable d'accélérer comme il faut et qui pourtant défonce à chaque instant. Celui qui te fait penser qu'un disque, c'est marrant, ça a la forme de deux sourires, un vers le haut, un vers le bas. Fais les maths toi-même, moi, je retourne vers ce putain d'album.
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