Superjoint Ritual - Use Once And Destroy
Chronique
Superjoint Ritual Use Once And Destroy
Formé au début des années 90 par Phil Anselmo (PANTERA, DOWN), Joe Fazzio (ZZ TOP) et Jimmy Bower (EYEHATEGOD, DOWN, CROWBAR), SUPERJOINT RITUAL aura mis le temps pour accoucher d'un premier full length, et c'est sans doute sa plus grande force. Composé de titres enfantés entre 1989 et 1997 (pour une sortie tardive donc, en 2002), « Use Once And Destroy », qui porte bien mal son titre – et eut été bien plus approprié en lieu et place d'un « Lethal Dose Of American Hatred » fort décevant – est un album d'une rare intensité, produit par Dave Fortman aux Balance Studios, au tracklisting très dense et dont le contenu on ne peut plus brutal reste difficile à cerner. Ses membres revendiquant l'influence de groupes aussi divers que VOIVOD, BLACK FLAG, RIGHTEOUS PIGS et CELTIC FROST, ceux qui ont survécu à la déflagration brandiront faute de mieux la bannière sludge au dessus des décombres, SUPERJOINT RITUAL – appelation tirée des paroles d'un morceau de DARKTHRONE, « The Pagan Winter » - tirant sa force métallique de racines thrash, hardcore ou stoner, entre autres joyeusetés. L'étiquettage variera donc grandement selon les sources mais par contre, soyez sûr d'une chose : tous se rejoindront sur la quantité d'aspirine nécessaire pour se remettre d'une torgnole pareille.
Complété par Hank William III – petit fils d'un grand patron de la country, Hank William – et le bassiste/guitariste Kevin Bond, qui relaie Phil Anselmo à la guitare sur scène, SUPERJOINT RITUAL, passé un instrumental introductif dans la frande tradition des amuse-gueules façon S.O.D. (“Oblivious Maximus”, avec son petit air de “March Of The S.O.D.”), ne plaisante plus, mais alors plus du tout. Lourdeur sudiste et attaque frontale dès l'entame de “It Takes No Guts”, qui voit Anselmo vomir à plein poumons une série de paroles affreuses sur l'inceste, le frontman de PANTERA piochant bien plus dans le registre d'écorché vif de “The Great Southern Trendkill” que dans le lyrisme heavy metal de “Cowboys From Hell”! Conjuguant avec aisance tempos enlevé proches du thrash et parties pesantes au fumet sludge âcre et nauséabond, “Use Once And Destroy” ferre le client avec du stoner bien gras presque abordable pour le cajun de passage, si ce n'était les vociférations extrêmes d'un Phil en état second (“Fuck Your Enemy” et ses leads furtives en fin de parcours). Mais c'est pour mieux charger la mule avec un “4 Songs” qui s'impose comme la première véritable épreuve de force pour un auditeur saoulé de coups dès l'entame d'un combat en quatre rounds, la bête de somme SUPERJOINT redoublant d'effort pour anéantir la résistance à 1:57 à grand renfort de double pédale meurtrière. Des paroles ô combien explicites – you never looked better, dead and gone – aux changements de rythmes incessants susceptibles de faire baisser votre garde avant l'avalanche de gnons à 3:54, rien ne vous sera épargné 6:18 mn durant, le final étant bien évidemment d'une violence quasi insoutenable, entre ralentissements malsains frôlants la démence passagère et traditionnels coups de boutoir. A l'adresse de ceux qui n'auraient pas encore jeté l'éponge, SUPERJOINT drainera vos dernières forces en feignant l'accalmie, le temps d'un passage vaguement bruitiste au démarrage d'un “All Of Our Lives Will Get Tried” où les hurlements d'Anselmo commencent sérieusement à virer à l'atroce, aussi bien pour le consommateur régulier que pour le non initié. Pire encore sans doute, la torpeur initiale d'un “Messages” en trompe l'oeil ou passé 38 secondes de répit, la batterie de Joe Fazzio viendra piétiner les pauvres hères ayant échoué aux portes du ranch ou fini leur course dans la fosse à purin. Mourir noyé dans la fange, c'est un peu le sentiment que procure “Use Once And Destroy”, une épreuve de force sans Ben Shockley ni autobus blindé pour forcer les barrages adressés par cinq forcenés de la cause métallique, pour qui le mot concession restera un terme étranger, et à jamais.
Outre une série d'accélérations vengeresses absolument irrésistibles pour tout amateur de violence gratuite qui se respecte (“Antifaith” et son démarrage en sourdine avant passage à tabac de rigueur, “Creepy Crawl” et ses riffs rugueux qui vous prennent aux tripes), on trouve sur ce premier full length une poignée de titres accessibles aux frontières de l'humainement acceptable comme “Ozena”, où la lourdeur l'emporte de justesse sur la vitesse d'exécution, ou encore le formidable title track, “Superjoint Ritual”, construit sur une série de ralentissements terrifiants (à l'image des lignes de chant, de la folie pure) conduisant à un changement de rythme maladif terriblement jouissif à 4:09. ALICE IN CHAINS violé par SOILENT GREEN? Il y a un peu de ça et si “Use Once And Destroy” capitalise sur un fond de jeu plus thrash/hardcore que typiquement death metal, nul besoin de blasts pour enfanter dans la douleur (deux ans d'enregistrement) ce qui restera comme un des albums de metal les plus extrêmes, tous genres confondus. Une expérience unique malheureusement amenée à le rester, des dissensions internes et un deuxième album expédié à la va vite ayant ensuite raison dès 2004 de l'aventure SUPERJOINT RITUAL.
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