Eyehategod. Trois mots, un nom, une légende. Un patronyme dont la seule évocation suffit pour savoir de quoi on parle. Et alors, de quoi parle-t-on ? De sludge, évidemment, De sludge estampillé « NOLA » pour être précis. De sludge pur et dur pour aller jusqu'au bout. En 1992, Eyehategod nous dégueule
In The Name Of Suffering, galette à la pochette verdâtre qui pose l'identité du groupe : Black Flag sous psychotropes meets Black Sabbath tombé dans un trou de vase. Certains vous diront que seul ce premier album vaut le coup, occultant volontairement – ou bêtement, selon le point de vue – le reste de la discographie de Mike IX Williams et sa bande de tarés. Tant mieux, qu'ils nous laissent des perles comme « White Nigger », « Methamphetamine », ou encore « Serving Time In The Middle Of Nowhere » disséminés à droite à gauche sur les autres disques.
Enfin bref, laissons le passé derrière nous, car si je prends ma plume aujourd'hui c'est parce que Eyehategod est enfin sorti de son mutisme, 14 ans après son dernier album studio. Si la genèse
In The Name Of Suffering aurait pu s'appeler sobrement après le groupe – sobre comme l'est le sludge qui se respecte, c'est à dire si peu – tellement il est l'essence même du malaise de ces nihilistes toxicos, il est alors tout à fait logique que ce nouveau disque porte le nom de
Eyehategod. Logique, oui car ce
Eyehategod n'est ni plus ni moins que le « Part II » de celui dédié au nom de la souffrance. Vous pensez que je vous prends pour des cons ? Peut-être. Ou peut-être pas mes lapins. Comment savoir lorsque l'on parle d'un groupe qui n'est au fond qu'une énorme blague musicale ?
Après un passage à deux à l'heure au second millénaire avec deux compilations fourre-tout et un
Confederacy Of Ruined Lives faisant moins l'unanimité que ses prédécesseurs, une sale pute répondant au nom typique de sale pute qu'est « Katrina » a fait un tour par New Orleans en foutant un sacré bordel. Alors que le crew EHG ramassait les miettes de sa ville adorée, on dirait qu'il en a aussi profité pour se sortir la seringue du cul et se remettre au boulot. Imaginez un peu l'effort pour des sudistes comme eux, ça leur a pris 10 ans mais qu'est-ce qu'ils ont bien fait ! Vous inquiétez pas, j'arrive lentement et douloureusement – comme le fait le sludge qui se respecte – aux raisons qui me font clamer haut et fort que cet album éponyme est au top de la discographie de Eyehategod. Vous n'avez pas appris la leçon on dirait : ils viennent d'un coin où le climat subtropical humide n'est pas propice à la précipitation. Et pourtant, ces sales enflures trouvent le moyen de me faire mentir en ouvrant le bal par un « Agitation! Propaganda! » qui fonce dans le mur à toute berzingue. Les rois du carambolage nous montrent ainsi leur façade la plus punk, à l'instar du début de « Framed To The Wall » qui nous rejoue la course désorganisée et épileptique d'un héroïnomane à la recherche du fix le plus proche.
Dans l'ensemble le constat est simple pour ma part : la bande de raclures qui forme Eyehategod n'a jamais été aussi en forme. La voix du père Williams est toujours aussi écorchée mais a rarement sonnée d'une manière aussi rageuse. Il envoie du glaviot et des gémissements par paquets de douze sur ses fins de phrase (la deuxième piste devrait suffire à vous convaincre), ou extériorise ses problèmes mentaux en spoken word sur « Flags And Cities Bound ». La batterie du regretté Joe LaCaze (RIP Lil Daddy) se casse la gueule à répétition, tente de se redresser aussi rapidement qu'un ivrogne se traînant par terre pour atteindre sa bouteille de Southern Comfort, tout ça pour mieux se vautrer une nouvelle fois en beauté. Il n'y a effectivement rien à sauver de « Worthless Rescue » : putain, écoutez ce bordel de fin avec ces breaks qui ne veulent strictement rien dire ! J'imagine qu'il ne faut pas en attendre plus d'un gars dont la seule obsession musicale a été de jouer au fond du beat.
Côté guitares, encore une belle enculade signée par ces deux cancres que sont Jimmy Bower et Brian Patton. Les riffs sont désopilants de simplicité, de débilité que dis-je, à voir même si l'on peut appeler ça des riffs leurs conneries. Qu'est-ce qu'ils essaient de faire sur « Quitter's Offensive » ? De nous accrocher avec leur petite rythmique sautillante à la con ? Et ce « Robitussin And Rejection » qui gagne le prix du morceau le plus emmerdant et monotone du monde, damn... Alors, manque d'inspiration, fainéantise pure et simple, fumisterie, blague ? La réponse est bien plus simple que ça : la normalité. Normal quoi, comment pouvez-vous penser une seule seconde que Eyehategod ait réussi à sortir ne serait-ce qu'un bon riff depuis sa formation ? Des transitions ? Des morceaux structurés ? Comme vous êtes mignons. Allez, il y a bien le solo pas dégueux de « Nobody Told Me » qui fait monter le cerveau dans les tours. Mis à part ça Eyehategod c'est nul, c'est de la merde. Mais alors qu'est-ce que ça me fait rire, et qu'est-ce qu'ils sont doués pour poser la merde la plus outrancière, hideuse et malodorante possible !
Là où l'album atteint des sommets, c'est sur les trois derniers morceaux. Impossible de faire meilleure représentation du disque que dans ce dernier quart d'heure.
Eyehategod s'embourbe dans sa propre mélasse avec un « Flags And Cities Bound » qui fait tourner le même riff jusqu'à le vomir par tous les pores. Du coup je me suis planté, c'est bien ce titre qui remporte la palme de la léthargie la plus street crédible, 100% sludge cette merde mes cocos. Qu'est-ce qu'il dit l'autre cinglé au micro, « The signal of abandonned dignity » ? Putain tu m'étonnes, faut avoir honte de rien pour sortir un morceau comme ça après si longtemps. Puis vient « Medicine Noose » qui avance à pas lourdauds sur son intro qui rend con, avant de s'exciter violemment et de ruer dans les brancards comme un SDF a qui on essaie de tirer son carton/lit. En 3 minutes et 22 secondes, Eyehategod nous a résumé la totalité de son répertoire, autant dire qu'ils ne savent pas faire grand chose, mais que ce qu'ils font ce sont eux qui le font le mieux. Ce n'est pas l'assaut final « The Age Of Bootcamp » qui viendra me contredire, car ce morceau est un classique absolu du groupe et bénéficie cette fois d'une meilleure prod que sur
Preaching The End-Time Message – et non, Eyehategod et le sludge n'ont pas le besoin inhérent d'être lo-fi pour faire effet, vous n'avez jamais écouté Iron Monkey ou quoi ?
Tout simplement pour couper court, ce
Eyehategod est un des meilleurs albums du groupe, pour X milles bonnes raisons qui ne sont en fait qu'une seule et unique bonne raison. Parce que Eyehategod a toujours eu la foi auto-destructrice et une bonne dose d'ironie. Parce que Eyehategod s'est toujours mis une race avant, pendant, et après avoir joué. Parce que Eyehategod c'est le son qui t'abrutit au point de te donner envie de te battre avec tes propres frères. Parce que Eyehategod c'est le son quand tu titubes dans la rue avec ta bouteille en plastique remplie de pastaga mélangée à 70/30. Donc, parce que Eyehategod s'en est toujours tenu à son southern sludge mal foutu de pouilleux de base. Enfin, parce que Eyehategod n'a sorti que des albums de Eyehategod, et que par conséquent, Eyehategod n'a sorti aucun mauvais album. Mais alors, est-ce que par extension Eyehategod n'a sorti que des meilleurs albums ? Ah ça... c'est le genre de questions existentielles sur lesquelles on débat un lendemain de soirée fortement alcoolisée avec des fils de pute qu'on appelle la famille !
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