Eyehategod - New Orleans Is The New Vietnam
Chronique
Eyehategod New Orleans Is The New Vietnam (Single)
C'est l'histoire d'un mec, en fait c'est pas un simple mec puisque c'est mon pote. Et donc à mon pote, il lui en est arrivé une drôle, d'histoire. Pour préserver son identité, nous allons l'appeler « John ». John a une passion dans la vie, qui s'est transformée en obsession au fil du temps : John veut aller à La Nouvelle Orléans, en Louisiane. « NOLA » ou « Nowlins » comme il aime à l'appeler, cette ville de tous ses fantasmes, en prenant son plus bel accent américain sudiste. Il se trouve que l'an passé, le Père Noël lui fait le plus beau des cadeaux dont il pouvait rêver : un billet d'avion direction New Orleans. Alors John est plus que content, il s'empresse de nous en parler sur Facebook. Il attend ça depuis tellement longtemps, on se dit tous qu'après une expérience pareille il reviendra changé, comme un homme nouveau. Le jour du grand départ, John prend son avion l'assurance gonflée comme une veine de peau de bite, mais ce qu'il ne sait pas, c'est qu'il va mettre les pieds dans un sacré bordel.
A peine atterri à l'aéroport international Louis Armstrong de La Nouvelle Orléans – qui se trouve pourtant à Kenner dans la banlieue de La Nouvelle Orléans – John se dit qu'il y a un problème. Une escouade de militaires lourdement armés escorte les passagers dès la sortie de l'appareil jusqu'à un hangar qui abrite des Jeeps blindées. Bon, ça fait peut-être partie des coutumes locales pour accueillir les touristes, mais John commence à s'inquiéter. Le convoi se met en route pour rallier La Nouvelle Orléans, et c'est entrant dans la ville que les visions d'horreurs se mettent à défiler devant les yeux de John. Des maisons en ruines abandonnées, des cadavres déchiquetés dans la rue, une odeur de charogne pestilentielle qui empli l'air... John ne comprend rien. Les militaires le font sortir de la Jeep avec les autres et se mettent en formation de combat pour avancer vers un bâtiment qui ressemble à un bunker. Une explosion de mortier à quelques mètres du groupe provoque une descente d'organe chez John – depuis on fait des blagues sur son trou du cul en chou-fleur. Il entre à l'intérieur du bâtiment où s'amassent armes à feu, caisses de munitions et sacs de provisions. Alerte générale, branle-bas de combat !
Un grand baraqué en treillis attrape John par l'épaule et le traîne dans la pièce d'à côté. C'est le Sergent instructeur Hardman. Un deuxième militaire entre, puis immobilise John sur une chaise tandis que le sergent lui rase le crâne avec une baïonnette – malheureusement, les cheveux de John sont toujours portés disparus à ce jour. « Allez jeune troufion on se bouge, t'es pas là pour t'astiquer le manche ! A partir de maintenant, t'es un tueur né à l'instinct de mort. Ta mission ici c'est d'exterminer la vermine toxico et les saloperies de pauvres qui salissent nos rues en croyant pouvoir mener une révolte. C'est bien compris ?! » Evidemment que non, John proteste qu'il est seulement là pour faire du tourisme et qu'il ne veut pas pren... Et bim vlà la baffe avec élan dans sa gueule ! « Qui m'a amené une grosse tapette comme ça ?! Tu vas faire ce qu'on te dit mon con sinon tu vas finir au trou pour insurrection ! Je t'en foutrais moi du tourisme ! » Alors John prend le M16 réglementaire qu'on lui donne, il enfile un pare-balles design Urban Camo et suit le sergent Hardman qui va purifier La Nouvelle Orléans. Ainsi, pendant 5 jours et 5 nuits John plonge dans l'enfer de la guerre en arpentant tous les recoins de la ville, à la recherche d'une nuisance à qui loger une balle entre les deux yeux. Voire un chargeur entier, tant qu'à faire les choses, autant les faire bien.
Durant cette période, John devient un soldat, un vrai. Il obéit aux ordres sans poser de question et ne fait preuve d'aucune pitié devant celui ou celle qu'il doit abattre froidement. Son cœur devient de pierre, son fusil d'assaut devient le prolongement de son être. John perd toute humanité, il faut dire qu'il en voit de toutes les couleurs. La drogue gangrène les cerveaux, à tel point que John croise un camé qui se prend pour une grenouille humaine et se fait appeler Kermit Le Muffin. Pas d'autre choix pour contenir les rebelles que de faire des descentes en force dans les squats et caves humides où s'entassent les junkies et autres parias. John découvre alors les joies du lance-flamme et l'odeur de la chair brûlée au petit matin, lorsqu'il chante « When The Saints Go Marching In » tout en transformant les indésirables en méchoui. Même le Mercedes-Benz Superdome a été transformé en camp de réfugiés pour les civils ayant assez d'argent ou le bras assez long pour pouvoir fuir la misère et se protéger de ceux qui ont pris les armes pour pouvoir voler, piller, tuer et violer à leur guise dans la panique générale. Le pauvre John qui voulait visiter le French Quarter se rend compte de l'ampleur des dégâts : Bourbon Street n'est plus qu'un long couloir de la mort où se succèdent tranchées, barricades de fortune et tas de corps en décomposition.
Après ces 5 jours et 5 nuits, le soldat John est libéré de ses fonctions, il quitte enfin cette ville de malheur et rentre au pays où nous attendons tous avec impatience qu'il nous raconte son voyage. John arrive à l'aéroport tout sourire, avec un beau bronzage et même pas de coup de soleil. Tout s'est très bien passé qu'il nous dit, à tel point qu'il veut y retourner au plus vite ! Alors là, vous devez vous dire que John est soit complètement cinglé, soit complètement con. Je vous signalerai donc mes chers lecteurs, que c'est vous qui êtes complètement cons. A votre âge, vous devriez savoir que le Père Noël n'existe pas, non ? Et oui, parce que pour tout vous dire, le séjour de mon copain John à NOLA s'est très bien passé et toutes les merdes qu'il a traversées dont je parlais au-dessus, je les ai juste inventées pour meubler ma chronique. En réalité, John a fait les magasins, il a visité les bayous en bateau, il a bu un verre dans le bar de Pepper Keenan, il est allé voir un match des Saints etc. John ne souffre pas de stress post-traumatique, ni de prolapsus d'ailleurs. Par contre pour les cheveux, c'est vrai qu'il en a peu.
Mais franchement, qu'est-ce que j'aurais pu dire sur ce morceau de Eyehategod ? Que c'est le premier nouveau titre sorti avant le disque éponyme de cette année ? Que c'est devenu une valeur sûre dans la set-list live du groupe ? Qu'il défonce comme pas permis avec ses riffs bluesy pourtant joués avec la hargne d'un mec qui ne se laisse pas enchaîner (c'est bon je l'ai placé celle-là) ? Que mon copain John l'adore ? Bref, puisqu'il faut bien finir par clore cette belle mascarade, en restant dans l'esprit, ce que je vous dis c'est que si New Orleans Is The New Vietnam, alors Eyehategod est un « Bell UH-1 Iroquois » aka « Huey » et que ça c'est pas des conneries.
| KPM 7 Novembre 2014 - 1198 lectures |
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