Quand on se trouve dans une impasse, il suffit de rebrousser chemin.
C’est peut-être ce que s’est dit Thou quand l’heure fut venue de composer un successeur à
Magus. Aboutissement d’une discographie qui, en fil rouge malgré de nombreux détours, est allée vers de plus en plus d’esthétisme sans renier sa filiation au sludge, il est encore aujourd’hui dans mon esprit un sommet de poésie morbide condensant toutes les contradictions faisant l’essence du projet.
Il aurait été malvenu de chercher à réitérer l’exploit, au risque de tomber dans une caricature ou une inertie faisant perdre à Thou ce frisson de révolte contre les dogmes qu’il transmet par sa musique et son discours. Et donc, intelligemment, la bande choisit de régresser, de remonter le cordon ombilical et retourner voir ses différentes mamans : la nourricière Crowbar et ses riffs maousse, l’amatrice de violences éducatives ordinaires qui en a elle-même subi Moumoune Grunge, toquant jusqu’à chez grand-mamie Punk pour aller au bout de l’arbre généalogique. Sauf qu’il y va comme un oublié de l’Aide Sociale à l’Enfance, un esprit revanchard, entre rouge colère – ouch, la première écoute « I Feel Nothing When You Cry » – et froide ironie – les paroles, pleines de réflexions acerbes sur la difficulté de vivre selon certaines valeurs – montrant que le mutant ne souhaite rien perdre de son identité propre dans l’exercice. Il dépiaute son ADN pour mieux le reconstruire.
Umbilical est donc une nouvelle œuvre où Thou joue de paradoxes devenant homogènes : furieux mais jamais expéditif, pesant mais jamais écroulé, frontal mais ambiancé, sanglant mais étrangement chaleureux dans sa misanthropie apparente. Un album rempli de « bangers » comme on dit chez les moins de vingt-cinq ans, « The Promise » en tête, mais où continue de s’entendre cette magie particulière, blême et violente. Il y a une sensation de liberté dans ces presque-cinquante minutes, de plaisir pris à la gorge et pelé comme un oignon (la voix de Bryan Funck qui dépèce chaque syllabe, cf. « Lonely Vigil »), où chaque membre semble tirer sa meilleure prestation (point bonus pour Tyler Coburn et ses frappes accumulant les headshots).
Doté d’une production simplement parfaite pour la musique jouée, puissante, lourde et granuleuse – au point d’être la première chose qui marque –,
Umbilical peut tout de même donner l’impression de manquer de variété lors des premières rencontres. Ses dix morceaux finissent cependant par avoir chacun leur petit truc en plus, dès l’entame « Narcissist’s Prayer » et ses paroles se gravant dans nos têtes (« It’s time to die / So die ! »). Cela ne veut pas dire que tout est parfait dans ce monde d’éclopé, le temps long montrant quelques titres moins prenants que d’autres (« I Return as Chained and Bound to You »), notamment en une fin d’album ayant du mal à tenir l’intensité de « The Promise ».
Malgré des qualités évidentes et un amour partagé pour le sludge canonique, je garde une préférence pour
Magus, définitivement indépassable. Mais
Umbilical est ici dans un exercice également impressionnant, d’une autre manière et où il est aisé de se casser les dents : l’hommage qui n’en est pas un, où la référence se dépasse pour un rendu personnel. Les quelques baisses en implication vécues lors de son écoute ne sont rien face à cette impression de vivre en accéléré durant quarante-huit minutes – je me souviens de mon étonnement en constatant la durée du disque, le trouvant trop court ! Clairement, Thou a frappé un grand coup avec
Umbilical, au point de se dire que l’on tient là un potentiel classique du genre. Inespéré !
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