Oui, je vous comprends, je suis fatigué comme vous de lire partout des références à la pandémie actuelle, de lire les nombres de morts quotidiens, l’incompétence et la connerie qui en résultent... Et donc, croyez-moi, c’est sans ironie ou sous-entendus que j’écris la phrase suivante : 2020 est une belle année pour le sludge.
Vous êtes tout de même autorisé à rire, bien entendu. Que ce genre de musique porté sur la misère, l’isolation, l’intoxiqué et l’infectieux, retrouve ici bonne mine, hé ! Voilà qui donne envie de faire du trait d’esprit ! Après
Come to Grief,
la compilation de Meth Drinker, le nouvel album de Slave Hands – je suis tenté de citer ici le retour prochain aux affaires de
Fistula, mais les dernières œuvres des Ricains obligent à la précaution –, vient le tour des mystérieux Canadiens de Resent d’appuyer que le sludge dégueulasse, cru, des années 90 est toujours bien vivant et pertinent. Une sortie que l’on doit entre autres à Dry Cough (« toux sèche »...) Records, décidément dans les bons coups en ce début d’année (après le réussi
No More Feelings), et qui coche toutes les cases du sludge canal historique, avec ce que tout cela implique.
Car avec un son typique, des riffs typiques (au point de se demander si on ne les a pas déjà entendus quelque part, cf. « Miserable » et ses relents Griefiens plus que prononcés), leur imaginaire typique – douleur, mort, maladie, peur... – forçant à user et abuser des champs lexicaux de la dépravation et la désolation, il est presque permis de croire que l’anonymat que les membres de Resent cultivent vaut aussi pour leur musique. Regardez vos étagères et demandez-vous si vous n’avez pas déjà assez d’exemplaires de ce sludge devant tout à
Grief, Noothgrush ou Corrupted. Si la réponse est « oui », vous pouvez quitter cette page tout de suite :
Crosshairs ne vous apportera rien de plus que ce que vous avez déjà en suffisance.
Les quelques insatiables poursuivant leur lecture auront par contre raison de rester. Resent réalise avec son premier longue-durée une belle résurrection d’un sludge aussi traditionnel que difficile à pratiquer. Le petit frisson, si particulier, que seul le genre est capable d’offrir est bien présent dans ces quarante-trois minutes au groove lancinant et terne. « Les choses se passent » chez les Canadiens en somme, dans ces samples aussi jouissifs que misérables, ces riffs plombants, ces cris aussi apeurés qu’effrayants (évoquant ceux de Bryan Funck de
Thou dans une version désenchantée et psychiatrique). On a même droit à un petit twist dans cette formule respectée à la lettre avec un son brut et strident au possible, frôlant constamment la noise. Enfin, même si le final « Miscarriage » joue particulièrement bien son rôle d’enfonceur de clou (ce riff qui tourne et s’automutile), chaque titre est assez distinct les uns des autres, avec ce qu’il faut de marquant, tout en respectant cette ambiance noire et étouffante au sujet de laquelle
Crosshairs ne fait aucune concession.
Un jusqu’auboutisme qui fait passer l’œuvre de celle d’un premier de la classe à celle du cancre fascinant et dangereux si appréciable dans le sludge. Il manque définitivement peu de chose à Resent pour devenir un peu plus qu’un groupe à conseiller en priorité aux fans du genre. Seulement, ce qu’il transmet s’inscrit tant dans un certain classicisme que, pour le moment, il ne se destine qu’à eux. Mais ces derniers auraient bien tort de ne pas se pencher sur
Crosshairs.
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