C'est en voulant créer la fiche du groupe que je me suis rendu compte que si Heresic Synopsis m'était inconnu jusque-là, le groupe toulousain avait en fait déjà fait l'objet d'une chronique en ses nobles pages pour son tout premier EP
Le Peuple du Vide en 2008. Cglaume n'avait d'ailleurs pas été tendre avec les Français. Un avis sans doute légitime mais surprenant pour moi qui n'ai jamais posé les oreilles sur cette sortie. Car
Je Suis D'ailleurs, paru en autoproduction fin 2014 soit onze ans après la formation du combo qui ne date donc pas d'hier, n'a eu aucune peine à me convaincre. Et pas parce qu'on m'a filé le CD original gratos!
Sept ans séparent
Le Peuple du Vide de
Je Suis D'ailleurs. Entre-temps, Heresic Synopsis a tout de même produit un deuxième EP 5-titres éponyme en 2012 dont on retrouve quasiment l'intégralité ici. Nul doute que ces longs intervalles ont permis au quintette de peaufiner son style, arrivé à maturité pour ce premier album, étape importante dans la carrière d'un groupe franchie avec brio par Heresic Synopsis. À première vue pourtant, ce n'était pas gagné en ce qui me concerne. Une pochette laide et surtout un death metal dans une optique moderne auraient pu s'avérer des freins rédhibitoires pour moi qui ne goûte que très peu à ce genre souvent sans intérêt. C'était sans compter sur le talent des membres qui proposent tout un tas de bonnes choses sur ces huit morceaux pour trente-cinq minutes d'un death/brutal death certes moderne mais loin d'être inintéressant.
Première bonne idée qui m'a rendu tout de suite le groupe sympathique, le chant en français. Alors c'est sûr, on ne comprend pas toujours ce que nous raconte Manu avec son growl bien gras même si plus intelligible que la plupart, mais j'approuve la prise de risque. Le frontman brille en plus par un registre vocal varié et bien maîtrisé qui apporte puissance et dynamisme. Dommage toutefois que les paroles n'apparaissent pas dans le livret car, en zieutant sur le Net, on s'aperçoit qu'elles s'avèrent en plus bien écrites au tour des émotions humaines les plus tourmentées comme la folie. Ce qui colle plutôt bien à la musique, tout sauf linéaire. Heresic Synopsis pratique en effet un death metal assez chaotique, déstructuré qui ne reste jamais longtemps au même endroit. C'est parfois un peu fouillis sur les passages les plus bouillants mais dans l'ensemble, le groupe ne perd pas l'auditeur en route dans une démonstration cacophonique insupportable. Les mecs savent jouer, composer et ne se contentent pas d'empiler les riffs sans queue ni tête comme trop de formations perdant de vue l'essentiel. On saluera ainsi le bon sens du riff des guitaristes qui prennent leurs influences chez les classiques à l'ancienne en modernisant le tout. Pas mal de tremolos sombres et menaçants notamment qui constituent la base de la musique de Heresic Synopsis. Là-dessus viennent se greffer tout un tas d'idées démontrant un savoir-faire certain et un gros travail guitaristique entre dissonances, harmonies, harmoniques, groove... Une technique et un rendu élaboré toujours mis au service de l'efficacité (les morceaux sont touffus mais accrochent dès la première écoute) et de l'ambiance. Une dominante importante dans la musique des Français qui leur fait gagner beaucoup de points chez moi. Les morceaux ont une âme et dégagent quelque chose d'inquiétant, de menaçant, de sombre (à ce titre, "Ar-men", dans une optique atmosphérique pesante et dissonante, se révèle un des meilleurs morceaux). Les parties les plus evil me feraient même penser à du Immolation pour un peu! Une dose des New-Yorkais mélangée au visage le plus direct de Gorod, pour rester en France. Le plus direct parce que Heresic Synopsis ne balance pas du tapping mélodique à tout bout de champ. La mélodie est bien présente chez le combo de la ville rose mais elle se fait plus sournoise, plus vicieuse. Il n'y a d'ailleurs qu'un seul vrai solo sur
Je Suis D'ailleurs, vers la fin du dernier titre "Martyr". Un solo plutôt réussi et bien intégré, ce qui me fait dire que le groupe pourrait en incorporer quelques autres sans dénaturer son style.
D'autres bons points me caressent dans le sens du poil. On note ainsi une présence savoureuse de la basse (tenue par Alaric des très sympathiques Antropofago) qui, si elle ne fait pas dans le tape-à-l'oreille, arrive souvent à ressortir parmi des grattes pourtant bavardes. La production tire aussi son épingle du jeu en trouvant le bon compromis, puissante et moderne sans sonner mécanique et inhumaine. Et puis, il y a du blast, les amis! Et ça, ça me fait toujours plaisir! Il n'y en a pas tout le temps, le combo préférant miser sur la diversité rythmique, mais quand ils débarquent, ils font bien le boulot, souvent en rafales pour un effet schizo, de temps en temps en mode mitraillette comme sur le chapitre 2 de la trilogie "Le Cycle d'Eliot" à 1'33 ou dès l'ouverture en trombe de "Martyr". On croise aussi du semi-blast mais ça, j'aime moins. Du coup j'avoue que je n'aurais pas dit non à davantage de bons gros blasts des familles.
C'est pas fini! Si on ne pourra pas aller jusqu'à parler d'originalité concernant
Je Suis D'ailleurs car le style reste relativement classique, on sent tout de même une certaine personnalité. Je n'ai pas noté d'influences encombrantes, la formation brassant suffisamment large pour ne pas tomber dans le clonage ou le plagiat comme certains se concentrant sur l'hommage obsessionnel à un unique groupe. Et quelques plans s'avèrent vraiment orignaux. On pense entre autres au break un peu jazzy de "Délivrance" à 1'46 ou, plus surprenant, celui à 2'45 de "Trauma" à la fois calme et dérangeant qui nous emporte dans une sorte d'ambiance clownesque glauque sur fond de sample de guerre qui contraste.
Des idées, des choses à dire, une musique à la fois efficace et variée, brutale et sophistiquée, Heresic Synopsis s'en tire plutôt très bien sur ce
Je Suis D'ailleurs. Néanmoins, si le quintette toulousain fait montre d'un gros potentiel, il a encore de la marge de progression. Rien de plus logique après tout puisqu'il s'agit d'un premier album, même après douze ans d'existence. Je ne peux ainsi pas m'empêcher de trouver certaines séquences néfastes, surtout celles les plus modernes comme sur le chapitre trois de "Le Cycle d'Eliot" qui commence déjà mal sur un riff bateau légèrement saccadé et se fourvoie complètement avec cette syncope insupportable à 1'49 qui vient gâcher les bonnes intentions d'un morceau qui présente heureusement de bien meilleures dispositions comme le riff mélodique qui suit l'ouverture enchaîné par une batterie un poil jazzy, du bon tremolo, des salves de blasts, du riff huileux qui tâche et même du sweep. Par chance, ces saccades, véritables plaies du modern death, se font très rares. L'élimination totale reste cependant conseillée. Voilà le plus gros reproche qu'on peut faire à Heresic Synopsis. Des passages moins inspirés, plus bateaux, qui font un peu tâche. Il manque aussi des vrais moments marquants, de ceux qui nous laissent épatés, qu'on a envie de réécouter tout de suite et qu'on attendra avec impatience dès qu'on se remettra l'opus dans les esgourdes. Rien d'horrible en tout cas car au final,
Je Suis D'ailleurs offre suffisamment de plaisir pour faire de Heresic Synopsis une bonne surprise. Des riffs inspirés qui prennent leurs racines dans l'old-school, une atmosphère sombre et menaçante travaillée, un concept réfléchi, une technique poussée, de la brutalité, du groove, du chaos maîtrisé, du bon modernisme, de la diversité dans le jeu, il faudrait être difficile pour ne pas trouver son bonheur sur ce premier album fort appréciable. Ah, si tous les groupes à tendance moderne pouvaient sonner comme ces Toulousains!
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