Neurosis - Souls at Zero
Chronique
Neurosis Souls at Zero
Certains moments dans la vie des artistes sont des tournants, des moments de remise en question, des moments où l’envie de prendre une nouvelle direction se réalise, des moments où une identité propre fait parfois apparition au grand jour. Souls at Zero est tout cela à la fois pour les californiens de Neurosis. Déjà auteur de deux disques typés hardcore assez anecdotiques malgré quelques étrangetés, le groupe amorce une fracture forte avec cette troisième sortie, si particulière, influente et personnelle qu’elle donnera avec le temps naissance à toute la scène qualifiée aujourd’hui de post-metal ou post-core.
Souls at Zero fascine par sa capacité à intégrer naturellement tous les éléments clés du groupe et même du genre. Les compositions sont substantiellement plus complexes et longues, éclectiques et plutôt hétérogènes bien que la cohérence de l’ensemble soit certaine. Du hardcore des débuts ne subsiste que le coté abrasif et le sentiment d’urgence, le rythme moyen s’étant considérablement alourdi, donnant une teinte assez proche du doom à cet essai. La dynamique globale du disque repose sur une alternance de violence et de mélodie dont les transitions sont parfois brutales, mais rendues d’autant plus surprenantes par l’intégration d’instruments exotiques utilisés avec parcimonie, comme le violon, violoncelle, trompette et flûte. Le chant, mené par les cordistes Scott Kelly, Steve Von Till et Dave Edwarson, est une créature tricéphale exprimant viscéralement peur, douleur et colère, comme si l’humain était bien présent dans ses moment les plus difficiles au sein de cette musique définitivement sombre et nihiliste.
Neurosis présente ici sans doute son disque le plus schizophrène et barré (une écoute de l’indescriptible « Stripped » devrait vous en convaincre), les guitares acoustiques désabusées et les samples omniprésents, semblant sortir tout droit de transmissions radio, bruitages ou films noirs finissant de dérouter l’auditeur projeté de force dans un univers incroyablement menaçant où l’angoisse ne le quitte presque jamais. Si la production brute mais assez bien équilibrée (la basse n’est clairement pas oubliée) n’évite pas une intégration parfois un peu malheureuse des instruments exotiques cités précédemment (la fin de« Sterile Vision »), elle rend tout à fait justice aux mélodies denses et impénétrables caractéristique du post core que l’on trouve déjà sur l’album, comme sur la superbe montée en puissance d’un titre éponyme réussi de bout en bout, premier témoignage de la volonté d’ascension dans les morceaux des californiens.
Les moments marquants et les trouvailles sont alors nombreux, à l’image d’un « The Web » mémorable à l’introduction martiale, ou du non moins efficace « To Crawl Under One’s Skin » et son refrain cauchemardesque. L’excellent « A Chronology For Survival » parvient même à captiver tout au long de ses neuf minutes avec un démarrage acoustique mystérieux débouchant sur un mélange métallique dense avant de céder place aux violons et trompettes pour un final solennel. Les touchants, mélancoliques même, « Takeanase » et le court instrumetal « Empty » calmeront un peu le jeu à la fin d’un parcours, il faut bien l’avouer, semé d’embûches. Encore aujourd’hui tout ceci paraitrait terriblement singulier dans une scène qui cite pourtant le collectif comme une influence majeure.
Si ce Souls at Zero accuse malgré tout quelques longueurs (l’interlude « Zero », inutile), la violence psychologique sans égal et l’art de tisser des ambiances prenantes dont fait preuve le groupe dans ses compositions est déjà unique. Neurosis se livre avec une intégrité désarmante dans une explosion de créativité étourdissante, dont la maitrise n’est pas encore totale, mais qui constitue véritablement la première pierre d’un édifice musical monumental.
| Neuro 10 Septembre 2015 - 2272 lectures |
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