Quoi ? Pas de chronique de S.V.E.S.T sur Thrashocore ? Je crois que le moment est venu pour retourner sa S.V.E.S.T et rendre justice à l'entité française historique, source d'inspiration d'une très grande partie des groupes dit « Orthodoxes ». Formée en 1997, l'entité composée de Spica (que l'on retrouve d'ailleurs en guest chez Deathspell Omega et son paraclet) et de Darkkarma a eu en seulement quelques démos, un Split et un full-lenght une influence considérable thématiquement et musicalement. En réfléchissant deux minutes, on observe assez facilement l'importance des partis pris artistiques présents chez les Français : mixer un Black Raw et violent avec des thématiques spirituelles qui feront les beaux jours d'une scène théiste qui n'en est alors qu'à ses balbutiements. Aujourd'hui, nous faisons donc la part-belle à « Veritas Diaboli Manet In Aeternum : Le Diable Est Ma Raison », un court EP de vingt minutes qui est également la moitié du split S.V.E.S.T. / Deathspell Omega. Précisons au passage que ce petit format est sûrement l’œuvre du duo la plus facile à trouver puisque leur album
« Urfaust » est hors de prix et que la compilation « Coagula : L'ether du diable » se négocie tout de même entre vingt et trente euros pièce. Trois titres donc avec un artwork identique à l'EP
« Veritas Diaboli Manet In Aeternum : Chaining The Katechon » de Deathspell Omega, ce qui est logique puisque non seulement il forme « l'autre partie » de leur travail commun mais qu'ils ont été édités en même temps et par le(s) même(s) label(s), à savoir la doublette Norma Evangelium Diaboli / End All Life, propriété de Hasjarl, guitariste de... Deathspell Omega, pardi. Et si nos poitevins préférés semblent apporter un soutien sans faille à Spica et Darkkarma, c'est parce qu'on ressent dans S.V.E.S.T une proximité, voire même une paternité, avec la branche la plus mystique de la scène française.
Mais vous allez me dire : pourquoi S.V.E.S.T est-il si influent et si culte ? Première chose, l'art du duo pour proposer des ambiances novatrices. Malgré l'aspect brut et sans fioritures de la production franchement digne des meilleures heures de Mütiilation, « Le Diable Est Ma Raison » se pare d'une ambiance personnelle absolument magnifique. De mémoire, je ne me rappelle pas avoir écouté un groupe au son aussi brutal et aux racines aussi anciennes (1997, c'est pas qu'ils sont là depuis le début du genre, mais c'est franchement pas loin) offrir une telle dévotion dans son œuvre. Pour vous prouver ce que je dis, il suffit de débriefer un peu « Et la lumière fût, comme un coup de scalpel », première morceau du split qui constitue à lui seul non seulement mon morceau préféré du combo mais également un aboutissement artistique indubitable. Au cours de ces dix minutes, on passe à peu près par toutes les émotions, de la noirceur torturée à l'illumination spirituelle. Ce riff qui fait son apparition vers 1.15 minutes et qui ne cesse revenir par de courts moments dans le morceau est un excellent exemple de la créativité de Darkkarma, multi-instrumentiste d'une inspiration pratiquement divine tant ces notes semblent sortir d'une galaxie lointaine. On citera également le fabuleux ralentissement vers 3.30 minutes qui arrive en quelques secondes à poser une ambiance de dévotion et de mystère ultime. Vous l'aurez compris, la qualité des compositions est telle qu'aucune miette ne se perd, on se retrouve surpris et emporté à chaque riff qui suinte la sincérité, la quête d'une aspiration par le grand Tout et une sorte de petit-je-ne-sais-quoi-inexplicable. Sachez bien évidemment que les deux autres morceaux (légèrement plus courts) sont du même acabit et qu'on en a pour son quota de moments purement épiques.
Je vais également parler un peu des paroles qui valent le coup, ce qui a toujours été le cas chez S.V.E.S.T :
Déchirant le silence éclate l'œuvre de division; la matière... telle l'explosion de sa colère.
Si tout n'est que fluctuations, différenciations, cérémonies des opposés c'est que sa main a opéree.
Le Diable est l'interface entre la cause et l'effet. L'interstice des pôles. L'instant fugace d'une œuvre matricielle, touchant au fondement du Tout.
[...]
Et la lumière fut, comme un coup de scalpel.
Une grâce cosmique, aveugle et déchaînée qui n'a de cause qu'elle-même.
Orchestre macabre des firmaments abyssaux.
Le prisme schizophrène compose et décompose sa disharmonie.
Enfant les plus grandes complexités, ton action fleurit des fractales.
Le serpent cosmique, trahit sa présence par ondoiements, qui à l'issue de folles distances résonnent dans le destin des multitudes en un seul et même fracas.
Premièrement : c'est la grande classe. Deuxio, pour ceux qui se posaient des questions sur les titres des morceaux de
VI , vous savez maintenant à qui ils rendent hommage. De plus, il est évident que l'avant-gardisme conceptuel et précurseur de la formation est relativement admirable mais il faut reconnaître que ce concept à mi-chemin entre le Satanisme théiste réfléchi et un occultisme fantasmé à la Fullmetal Alchemist (l'échange équivalent, la question de Dieu, tout ça...) sied parfaitement aux intentions musicales du groupe, constamment balancé entre la noirceur d'une âme frustrée par les questionnements et la quête lumineuse d'une Vérité qui semble lui échapper. En un sens, S.V.E.S.T représente l'être humain : ses doutes, ses aboutissements, ses paradoxes, ses envolées lyriques vers la pureté absolue et ses instants de tristesse où il se fait écraser par le chagrin.
Et ça, chers lecteurs, c'est probablement la plus belle façon de magnifier le Black Metal...
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