Ardente - La Nuit Éternelle
Chronique
Ardente La Nuit Éternelle
Après trente-huit démos, douze singles et six collaborations, Ardente s’est enfin décidé à sortir quelque chose d’un petit peu plus consistant qu’une poignée de titres par-ci, par-là... Évidemment, j’exagère un petit peu mais nous ne sommes tout de même pas très loin de la vérité puisque ce projet né à Rennes en 2020 compte aujourd’hui à son actif une quinzaine de sorties ce qui constitue, vous en conviendrez, une discographie déjà bien complète pour un groupe qui a donc célébré cette année ses quatre ans d’existence seulement.
Mené par Vöghräth ou devrais-je dire Lila Chupin pour ne pas vous induire en erreur quant à la personne qui se tient derrière ce one-woman band, Ardente a effectivement accouché le mois dernier de son premier album via The Weeping Kingdom, une modeste structure fondée par Lila elle-même afin d’héberger ses multiples projets (Hersenoire, Starlight Salvation, Twilight Stronghold...) mais également via Oakheart Productions, autre petit label - américain cette fois - à qui l’on doit le premier album de Winter Lantern ou bien encore les démos de Moonlight Sword et Bloodbells Chime. Intitulé La Nuit Éternelle, celui-ci est, à la différence des nombreuses démos auxquelles il succède, pressé dans un format CD professionnel et non pas sur un simple CD-R comme cela a souvent été le cas auparavant. Un album qui sans grande surprise renoue avec cet esthétisme médiéval qui distingue Ardente depuis ses premières sorties puisque c’est une fois de plus une photographie retouchée (ces étoiles dans le ciel en arrière-plan et l’utilisation d’un rose violacé distinctif des productions de la demoiselle) du château de Fougères (enfin me semble-t-il) qui lui sert d’illustration.
Composé de cinq nouveaux morceaux pour une durée qui avoisine de près les trente-huit minutes, La Nuit Éternelle voit Ardente reprendre naturellement le chemin de ce Black Metal épique et mélodique que la Rennaise explore et peaufine depuis ses débuts en 2020. Une recette qui n’a évidemment rien de très original puisque Lila n’a jamais eu dans l’idée de révolutionner le genre ni quoi que ce soit d’aussi vain mais qui par bien des aspects a rapidement su susciter admiration et respect.
Marchant à sa manière dans les pas d'autres formations hexagonales telles qu’Aorlhac, Véhémence ou Sühnopfer, le Black Metal d’Ardente se caractérise en premier lieu par un rythme particulièrement soutenu. Évidemment, Vöghräth n’est pas sans lever le pied de temps à autre comme c’est le cas par exemple sur "Flammes Et Destruction" à 2:40 et 5:41, les premiers instants du titre "De Sang Et De Pierre" ainsi qu'à 2:49 et 4:01, "Diluviennes Angoisses" à 2:07 ou à plusieurs reprises sur "Larmes Étoilées (Scintillant À Travers La Nuit Éternelle)" mais dans l’ensemble c’est bel et bien le couteau entre les dents et surtout pied au plancher que la dame mène ses attaques. Des frondes haletantes conduites essentiellement sur fond de blasts (même si d’autres séquences un tantinet moins intenses se font également entendre ici et là comme ces courtes séances de toupa-toupa sur "Larmes Étoilées (Scintillant À Travers La Nuit Éternelle)") qui bien qu’exécutées sur une boîte à rythmes (c’est en tout cas ce que j’en conclus à l’écoute de ces cymbales notamment) ont le bon goût de sonner de manière très naturelle.
Cependant, bien que ces tempos enlevés soient un atout indéniable à ce genre de Black Metal, ce n’est pas dans ces blasts que réside le principal attrait d’Ardente. En effet, si le groupe breton parvient à captiver c’est surtout (et encore) grâce à cet excellent travail mélodique dispensé par Lila Chupin tout au long de ces trente-sept minutes. Ainsi, en plus de quelques passages acoustiques particulièrement bien troussés ("Flammes Et Destruction" à 2:40, "Diluviennes Angoisses" à 4:47) et autres trémolos glacés et décharnés inhérents au style, on retiendra de La Nuit Éternelle ces nombreux riffs et autres leads particulièrement mélodiques et entêtants qui ponctuent chaque titre. De "Flammes Et Destruction" à "De Sang Et De Pierre" en passant part "Diluviennes Angoisses", "Souvenirs Des Terres d'Émeraude" (excellent titre instrumental de plus de dix minutes qui jamais ne faiblit) ou "Larmes Étoilées (Scintillant À Travers La Nuit Éternelle)", pas une composition ne manque de séduire par la qualité de ses mélodies poignantes et mélancoliques dotées, oserais-je dire, d’une sensibilité féminine. Ce travail mélodique est également accentué par l’utilisation de claviers sous formes de quelques nappes dispensées dans l’idée d’étoffer certaines séquences (notamment sur "Souvenirs Des Terres d'Émeraude" et "Larmes Étoilées (Scintillant À Travers La Nuit Éternelle)") ou bien afin de calmer le jeu et ainsi rompre de manière franche avec cette fameuse dynamique qui caractérise ce premier album et plus généralement le Black Metal d’Ardente ("Souvenirs Des Terres d'Émeraude" à 6:20 et 9:03, "Larmes Étoilées (Scintillant À Travers La Nuit Éternelle)" à 5:29).
Après plusieurs démos et autres petites sorties toutes plus convaincantes les unes que les autres, il était grand temps qu’Ardente passe enfin à la vitesse supérieure. Disponible en Europe et aux États-Unis sous la forme d’un CD pressé professionnellement, il serait étonnant qu’avec La Nuit Éternelle Lila Chupin n’ait pas dans l’idée d’amener ce projet à un autre niveau que celui tout à fait modeste où il se situe encore aujourd’hui. Une chose est sûre, avec des compositions aussi solides dotées d’un sens particulièrement affûté de la mélodie et d’une véritable sensibilité, la Rennaise possède à peu près toutes les cartouches pour espérer convaincre l’amateur de Black Metal épique et mélodique aux ambiances mélancoliques et spectrales. Bref, une belle réussite pour Ardente qui décidément ne sait pas décevoir. Bien joué.
| AxGxB 10 Décembre 2024 - 545 lectures |
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