Alors que j’avais dans l’idée de m’atteler tout d’abord à la chronique de
Denouement, premier album d’Abyssal sorti en 2012, me voilà aujourd’hui rattrapé par le temps. L’heure des bilans de fin d’année ayant sonné, je me vois effectivement dans l’obligation de changer mes plans pour vous parler du troisième album de cette mystérieuse entité anglaise dont on ne sait toujours pas grand-chose si ce n’est que G.D.C. en est une fois de plus l’unique tête pensante. Néanmoins, ce dernier s’est octroyé à l’occasion de ce nouvel album les services du Finlandais Timo Häkkinen (Kataplexia, Serocs, Sotajumala...) venu ainsi apporter son expertise derrière les fûts.
Sorti en juin dernier sur Profound Lore Records,
Antikatastaseis se présente, à l’image de son prédécesseur, sous la forme d’un digipack extrêmement sobre dont l’artwork a été confié à un certain C. Jones. Un objet simple et visuellement captivant qui, d’emblée, suffit à donner envie de se plonger sans retenu dans le Death Metal dense et profond du bien nommé Abyssal.
Loin de chercher à brouiller les pistes sur ses ambitions, le groupe attaque très fort en renvoyant l’auditeur aux souvenirs sombres et douloureux de l’excellent
Novit Enim Dominus Qui Sunt Eius. On retrouve ainsi très vite ce qui faisait le charme et la force de son prédécesseur à savoir un Black / Death dense et organique mêlé à une production qui conserve une fois encore cet aspect synthétique caractérisant déjà les deux précédents disques du groupe. Un moyen pour Abyssal d’apporter de la lisibilité là où règne en général chez ses confrères (Portal, Mitochondrion, Antediluvian, Impetuous Ritual...) une certaine opacité étouffante.
Mais si le chemin emprunté par G.D.C semble cousu de fil blanc pour quiconque a déjà posé ses oreilles sur la musique de l’entité anglaise,
Antikatastaseis révèle pourtant son lot de surprises qui, en plus de faire s’interroger l’auditeur en le sortant parfois de sa zone de confort, atteste d’une volonté d’offrir une musique plus riche, aboutie et personnelle que par le passé. Ainsi, sans transcender les genres auxquels il fait référence, ce nouvel album emprunte des sonorités nouvelles et parfois même déconcertantes comme pour mieux mettre en avant la personnalité éclatante d’un groupe au sommet de son art.
Outre cette longue séquence tribale et ritualiste sur le premier tiers de "The Cornucopian", on retrouve ainsi tout au long de cet album quelques passages reflétant très justement ce désir de singularité. A l’image par exemple de cette mélodie au piano sur "Veil Of Transcendence" qui pourrait très bien être tirée d’une comptine imaginée par Tim Burton. Une mélodie qui, au-delà du break plutôt inattendu où celle-ci fait son apparition (06:16), va s’inviter discrètement sur la deuxième partie du morceau, derrière le chaos ambiant de ces guitares et de cette voix gutturale et profonde. On se retrouve alors sur deux niveaux de lecture relativement déstabilisant puisque, comme moi, vous aurez l’impression étrange d’avoir deux titres complètement antinomiques joués dans les oreilles au même instant. Pour le reste, Abyssal semble vouloir faire rentrer la lumière grâce à de nombreux passages moins tendus et surtout beaucoup plus mélodiques. G.D.C. révèle ainsi son intérêt pour la scène Post-Black Metal et ses sonorités plus éthérées comme le prouve par exemple "Telomeric Erosion" à partir de 02:04. Alors que les guitares se font plus aériennes, le chant de G.D.C. opte pour une approche plus douce et nettement moins dense. Même constat sur les titres "A Casual Landscape" où les leads discrets et lumineux sont accompagnés de ces voix vaporeuses et fantomatiques, "Chrysaliis" et ses mélodies solaires et envoutantes qui viennent ainsi porter cette longue conclusion ou bien encore la dernière partie du très bon "Delere Auctorem Rerum Ut Universum Infinitum Noscas") où ses mêmes mélodies éblouissantes viennent se mêler à la voix noire et profonde d’un G.D.C. bien conscient d’offrir à ses auditeurs quelque chose d’à la fois nouveaux et potentiellement risqué puisque sortant quelque peu du schéma établi précédemment par le groupe anglais.
Et à ceux qui auraient quelques doutes quant à la portée destructrice de cette nouvelle offrande, je dis : "rassurez-vous". Les morceaux sont suffisamment longs (entre six et douze minutes) pour que G.D.C. ait largement le temps de construire et déconstruire ses différentes atmosphères. Les séquences, qu’elles soient intensives et éreintantes - les plus représentées - (blasts, riffs noirs, growl profond...) ou bien aériennes et lumineuses (leads mélodiques, atmosphères vaporeuses...), s’enchainent avec cohérence pour former un ensemble homogène et parfaitement digeste. Jamais en tant qu’auditeur nous ne sommes mis à l’écart et même lorsque les in/outroductions instrumentales faites de samples et de nappes synthétiques étranges et diffuses tendent à s’allonger (parfois plus de trois minutes pour certaines), nous sommes perpétuellement pris dans ce tourbillon complexe et protéiforme qui n’hésite pas à changer de cap au gré d’un G.D.C. omniscient et tout puissant. Seul maître à bord, il mène sa barque comme bon lui semble avec pour mission de se montrer plus subtil que par le passé tout en conservant cette agressivité, cette densité et cette puissance obscure qui caractérise Abyssal depuis déjà la sortie de
Denouement en 2012.
Des risques, G.D.C en a donc pris quelques-uns avec ce troisième album intitulé
Antikatastaseis. Des risques maîtrisés car dans le fond la recette déployée par l’Anglais demeure fondamentalement attachée aux principes déjà auto-dictés par l’unique tête pendante de la formation. Ceci étant, ce nouvel album se démarque quelque peu de ses prédécesseurs par une approche un poil plus audacieuse mais aussi plus personnelle. Brutale et ambiancée, sombre et lumineuse, dense et mélodique, la musique d’Abyssal fait de ses différences et paradoxes son atout principal dans le but de se démarquer (aisément) de la concurrence rude et impitoyable qui caractérise le milieu. Un retour réussi pour un groupe qui reste encore aujourd’hui extrêmement mystérieux.
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