Darvaza - The Downward Descent
Chronique
Darvaza The Downward Descent (EP)
La scène Black Metal compte un certain nombre de stakhanovistes rangés le plus souvent en deux catégories bien distinctes. Il y a ceux capables de proposer quatre albums par ans, treize EP par mois et deux splits par semaine. Je me méfie en général de ces derniers comme du choléra. Et il y a les autres, moins prolifiques, mais dont on ne compte plus le nombre de projets de qualité.
Darvaza est ainsi né de deux stakhanovistes issus de cette dernière catégorie. On y retrouve au chant un certain Wraath plus connu sous le pseudonyme de Luctus (Behexen, Dark Sonority, Mare, One Tail, One Head...) et Omega aka Gionata Potenti (Acherontas, Ad Hominem, Fides Inversa, Kult...) derrière tous les instruments. Une union celée sous la forme d’un EP intitulé The Downward Descent et adoubé par le label Terratur Possessions sous la forme d’un digipack à l’artwork épuré mais à la symbolique élevée.
Associé de facto à la scène de Trondheim (Nidrosian Black Metal) par la simple présence de Wraath/Luctus, les sonorités développées par Darvaza s’inscrivent en toute logique dans la continuité de ces groupes norvégiens que sont Askeregn, Celestial Bloodshed, Mare, One Tail, One Head ou bien encore Dark Sonority. Soit un Black Metal de tradition, plutôt dépouillé et vecteur d’atmosphères religieuses extrêmement fortes. Malgré ce lien de parenté évident, la musique de Darvaza (au même titre d’ailleurs que celle des autres groupes cités juste au-dessus) n’en est pas moins marquée par une certaine individualité.
La voix de Wraath n’y est d’ailleurs pas étrangère grâce à de nombreuses intonations et styles différents. Il y a bien entendu ces cris lointains et menaçants, les mêmes que pour One Tail, One Head. Mais ce sont surtout ces incantations religieuses, lorsque sa voix se fait plus théâtrale, plus solennelle et en même temps plus inquiétante qui viennent apporter du cachet et une certaine originalité à ce Black Metal abrasif (comme par exemple sur "Derelict Of Passion" à 4:08 ou bien sur "Tenebrae"). Le Suédois fait naître ainsi un sentiment puissant et réel de dévotion qui inviterait presque l’auditeur au recueillement et à la prière s’il n’était pas constamment rattrapé par ces quelques blasts et autres riffs rugueux venus composer chaque morceau (ou presque) de The Downward Descent.
Une religiosité que l’on retrouve également lors de ce dernier titre étrange qu’est "Tenebrae". Très éloigné des trois précédents morceaux, celui-ci s’articule autour d’un pattern au synthétiseur répété durant plus de six minutes sur lequel va venir se greffer de manière sporadique quelques frappes et de très légers bruissements de cymbales ainsi et surtout que la voix complètement possédée de Wraath. Le Suédois expatrié désormais en Norvège va ainsi se lancer dans une série d’incantations/récitations occultes, décousues mais pleines d’engagement. Une dévotion saisissante insufflant à The Downward Descent une aura aussi lumineuse qu’étouffante.
Les trois autres titres répondent davantage aux standards connus du Black Metal norvégien avec notamment une production sans artifice : les notes de guitare crépitent, la voix se fait lointaine et imprégnée d’un effet d’écho, les lignes de basse flottent dans ce spectre sonore de façon diffuse et le tout se retrouve baigné dans une atmosphère à la fois poussiéreuse et relativement personnelle malgré la simplicité de chaque titre. Une simplicité qui se traduit une fois de plus par une série de riffs hérités du Punk ainsi que des trémolos rachitiques et maladifs faisant absolument froid dans le dos. La batterie d’Omega suit, selon le moment, ces riffs de manière plus ou moins rapide pour concourir ensemble à un résultat abrasif et aliénant. A l’image de leurs compatriotes d’Askeregn, la musique de Darvaza aime à répéter encore et encore les mêmes motifs comme pour mieux entraîner l’auditeur dans les profondeurs de son âme. S’étirant à chaque fois sur de longues minutes (entre sept et neuf selon le morceau), le duo assoie ainsi son œuvre sans chercher à viser l’efficacité pure mais plutôt l’instauration d’une ambiance qui n’appartient qu’à lui. Pour autant, le Black Metal dépouillé de Darvaza ne manque ni de relief ni de variété, notamment grâce à des changements de rythmes intéressants et à des passages très bien sentis comme par exemple ce break mélodique sur "Derelict Of Passion".
Présenté par Terratur Possessions avec un certain mystère, notamment concernant l’identité des deux personnes portant ce duo, ce premier EP de Darvaza se révèle être une très bonne surprise. Certes, le groupe n’invente rien et son Black Metal pourrait même sembler sommaire et extrêmement répétitif. Pourtant, il réussit à séduire en partie grâce à la voix habitée de Wraath qui offre durant trente minutes un exercice très intéressant, grâce aussi à la qualité même de chacune des compositions qui, sous une atmosphère religieuse puissante, délivre un Black Metal froid et authentique dans la plus pure tradition norvégienne des années 90 en y apportant un je-ne-sais-quoi de contemporain.
| AxGxB 4 Février 2016 - 1146 lectures |
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