Mourir - Animal Bouffe Animal
Chronique
Mourir Animal Bouffe Animal
« Black Metal à casquette ». On connaît tous cette expression, aussi moqueuse qu’informative, née après l’arrivée de groupes semblant, par leur musique, autant devoir au black metal qu’aux scènes peu ou prou attachées au hardcore à préfixe – noise, post, math et compagnie. Une affaire d’attributs, de vrai, de faux, d’évolution plus ou moins aimée, synthétisée par une image que j’ai toujours trouvé un peu ridicule.
Arrive alors Mourir qui, lui, semble bien vouloir mettre fin à cet idiome à grands coups de schlass. Car, avec tel label, telle esthétique, tel line-up (Plebeian Grandstand se rendant ici coupable du crime avec son bassiste Olivier, initiateur du projet), telle pochette aussi, à la crudité et la géométrie assez typiques, Animal Bouffe Animal paraît d’avance tant s’inscrire dans cette « mouvance » qu’il donne envie d’écrire une chronique un brin ennuyée dès la première lancée, traçant des lignes entre Rorcal et Celeste, ajoutant quelques expressions sur l’urgence, l’urbain, la nuit. Définissable d’entrée de jeu et donc, peu intéressant.
Sauf que les allures que se donne ce premier longue-durée ne sont là que pour lui permettre d’entrer sans se faire remarquer, avec l’objectif secret de mettre tout le monde mal une fois à l’intérieur. Il est temps de lancer le nom qui finit par venir en tête, une fois qu’on tourne et retourne vers Mourir sans trop savoir pourquoi, le cerveau émaillé de plusieurs doutes : Leviathan, que les Français ingèrent et transforment de leurs pattes de jeunes emportés par leur fièvre pour le black metal. Voilà la sale bête qui se cache derrière l’hermétisme d’une production on-ne-peut-plus compacte, liquide et froide (Amaury Sauvé fait ici pleurer les pierres) et qui habille de sa mauvaise humeur les trente-trois minutes de Animal Bouffe Animal. Dès « Sentir le Vide », on ressent cette déprime particulière, écorchée et inhumaine dans le même temps. Des airs de cathédrales de douleurs, dantesques et centenaires, que l’amoncellement de notes donne à voir comme étouffantes, cerclées d’un vent qui fait tout pour les briser. Certainement, on a vu dans d’autres albums du genre des images bien moins purement black metal et hallucinées que celles que procure cet album, marqué par des influences bien digérées.
Car la bande n’en finit pas, que ce soit lors de « Foutu pour Foutu », « Parole de Hyène » ou son brillant final ne lésinant pas sur les moyens de nous assujettir à coups de passages majestueux de violence, de s’échapper, de ne pas exactement ressembler à une autre. Leviathan est ici une porte d’entrée, une manière de mettre en mots le mystère que d’autres pourront décrire différemment – notamment dans cette façon très française qu’a Mourir de jouer son black metal, un peu punk, un peu intello, le couteau toujours caché dans le dos, une généalogie qui lie Sordide, Aosoth et Deathspell Omega. Derrière ses airs normés, Animal Bouffe Animal est donc un album des plus étranges, agrippant directement au col tout en riant de nous quand on essaye de réfléchir aux tours qu'il nous joue. Pas de doute, il est bien le chasseur et nous la proie dans le terrain de jeu qu’il délimite lui-même, bien que j’aimerais le voir s’essayer à plus de superficie, notamment lors de ces quelques passages brumeux et ternes trop courts pour me happer (« La Gueule ouverte »). Une traque qui en appelle d’autres en somme, où la personnalité dont les Français sont déjà dotés s’affichera encore plus nettement. Il n’y a plus qu’à espérer que Mourir souhaitera vivre assez longtemps pour continuer à étonner comme il le fait !
| lkea 18 Février 2020 - 2030 lectures |
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