Où Mourir se précise, devient définitivement plus qu’un « projet parallèle d’un membre de Plebeian Grandstand » – osons le dire : si préférence il y a à avoir, elle va clairement pour cette formation-ci –, rejoint la caste hermétique d’un certain black metal français. Oui, il y a tout ça dans
Disgrâce, deuxième album faisant suite au prometteur bien qu’un peu éparpillé
Animal Bouffe Animal, au programme clair dans la noirceur qu’il dépeint.
Avec un nom pareil, de même qu’un tel artwork, il n’y a pas à chercher bien longtemps dans quelles visions morbides on plonge cette fois-ci : celles de la décrépitude, de la détestation de soi et des autres, le palais mental d’un sang-noir maudissant chacun, être vil et lâche dans un monde qui maquille sa décadence d’un fard de progrès.
Disgrâce rappelle cette littérature française qui a fait sienne la mission de dévoiler l’horreur sous l’héroïsme, la forfanterie en guise de morale, à la suite de la première guerre mondiale, celle notamment des débuts de Louis-Ferdinand Céline ou encore Louis Guilloux, dont l’homme que vous voyez sur la pochette pourrait être un personnage. Blafard, claudiquant, le rictus ressemblant à l’expression d’un ulcère, il est également une bonne anthropomorphisation de ces trente-huit minutes allant droit au but.
Car Mourir a encore accentué cette part de son style, allant vers plus de morosité et d’écrasement, malgré un tempo restant souvent élevé (cf. les assauts de « En Flammes » ou « Que De Chemins Minables »). Convoquant autrefois des flashs du black metal confit d‘aigreur de Leviathan ainsi qu’une parenté trouble avec la scène française composée de Sordide, Aosoth et Deathspell Omega, il semble aujourd’hui avoir totalement choisi de rejoindre le drapeau, des paroles absconses et véhémentes, une morosité ambiante s’habillant d’oripeaux punk (cette production brute, opaque et grésillante) avec une touche d’élégance contemporaine l’inscrivant comme un exemple typique de ce que la France peut produire de particulier en matière de black metal misanthrope.
Les qualités propres de ce deuxième longue-durée restent cependant une affaire de détails, les détracteurs pouvant passer leur chemin sur un disque qui ne fait qu’accentuer les traits de Mourir plutôt que les diversifier ou les rendre plus originaux. Cela sera tout de même dommage pour eux,
Disgrâce tirant justement sa force de son caractère d’exutoire où personne ne jouit à la fin, loin de toutes expérimentations par trop complexes par amour du compliqué. Meilleure illustration de cette réussite à exprimer une déchéance confinant à la folie : le chant, Olivier ayant encore poussé plus loin la torture qu’il fait subir à ses cordes vocales. Narrateur qui se fond dans un paysage de guitares grouillantes et acerbes, il devient le visage que cache notre masque social le temps de l’écoute de cet album. Certes, ce genre de black metal n’est ni nouveau, ni exceptionnel, mais je ne me lasserai jamais de cette musique construite comme un seul et même jet acide (la fin de « Soit » bouclant la boucle entamée par le début de « La Pluie, Le Torrent, La Boue, Le Vent, La Lave »), révélant l’horreur de chaque chose sous leur vernis attrayant.
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