Svartidauði - Flesh Cathedral
Chronique
Svartidauði Flesh Cathedral
Les années passent et se ressemblent. Tous les ans, quand on chronique sur un Webzine, on travaille sur notre « bilan de l'année ». Après, on le met bien au propre et on sélectionne rigoureusement les disques les plus marquants de l'année pour pouvoir les synthétiser en quelques lignes et les présenter au lecteur qui passe par là et qui ne sait pas trop quoi faire de ses étrennes. Certains vont vous dire que c'est un « catalogage » et que « ça dépend des goûts » mais reste que moi j'aime bien les classements... ça doit sans doute provenir de mon côté branlette intellectuelle de « bobo-qui-aime-le-Black-raffiné-et-qui-n-aime-pas-quand-ça-tape-bêtement ».
Sauf que -comme tous les ans- il y a un toujours un disque qui arrive de nulle part vers fin-décembre / début-janvier et qui vous donne l'impression de mettre une branlée des grands jours aux autres disques de l'année. Voilà, en 2010 c'était Ascension, en 2011 c'était Order of Orias et cette année, c'est Svartidauði et son « Flesh Cathedral » qui débarque comme une fleur à l'aube de 2013. Une sortie qui m'inspirait depuis un bon bout de temps je dois bien l'avouer, vu qu'elle provient de l'écurie Daemon Worship Productions (soit dit en passant un label russo-allemanico-américain [?] qui commence à se forger une réputation du feu de Dieu avec Pest, Corpus Christii, Ishratoum, Serpent Noir, Sektarism, Nightbringer, Verbum Verus et j'en passe...).
Si le nombre de groupes de Black Metal dit « orthodoxes » semble être en croissance régulière (au vu des sorties 2012 du genre), paradoxalement peu d'élus arrivent à sortir du chemin tout tracé par les dissonances « faciles » et les arpèges lancinants... Certes, on trouve toujours quelques bons points dans ces différentes sorties mais rares sont celles qui vous transportent vraiment. Pas de doute possible, « Flesh Cathedral » est de cette trempe, celle des disques qui vous scotchent au plafond tellement la masse déployée s'écrase dans vos oreilles comme une presse hydraulique sur un chaton mort-né.
Pourtant Svartidauði, sans toutefois être né de la dernière pluie, arrive de l'Islande avec seulement quelques démos au compteur. Soit... L'effet de surprise n'en est au final que plus intense. Là où les respectables et bien connus Merrimack ou Hell Militia avaient frappés fort cette année, Svartidauði frappe encore plus fort. Là ou certains petits groupes avaient sortis des œuvres respectables et dignes de sortir de l'obscurité la plus totale, Svartidauði leur maintien immédiatement la tête sous l'eau pour qu'ils s'étouffent. Les comparaisons sont brutales je vous l'accorde mais ici nous parlons d'un opus comme on en voit trop peu défiler dans la sphère Black.
« Flesh Cathedral », c'est un peu la paire de couilles qui manque à Vincent MacDoom, la sexualité qui manque à un geek, la paire de seins qui manque à Charlotte Gainsbourg, le talent qui manque à Izia... Voilà bien un disque qui, avec la seule dévotion exacerbée de sa musique, arrive à nous combler pleinement pendant que les cinquante-six minutes de pierres sonores qu'il offre s'effondrent sur nos pauvres têtes chancelant dangereusement sous le poids de l'art noir. Les islandais balancent un son aussi lourd que mes métaphores, plombant l'ambiance à grand coup de basses plus lourdes qu'un trente-huit tonnes et de réverbérations plus résonnantes qu'une armée de grottes préhistoriques. Le passage final du premier titre (« Sterile Seeds ») est d'ailleurs une excellente preuve de toute la violence impénétrable et imperméable dont sait faire preuve le groupe.
Mais attention, il ne faut pas croire que tout n'est que violence. Le malsain et le dérangeant se font aussi furieusement ressentir au travers des dissonances fouillées et des formidables parties mélodiques (cf : « Psychoactive Sacraments ») qui parsèment le rituel. Citons par exemple le titre éponyme aux allures de limbes labyrinthiques et sans autre finalité possible que la transe ultime. Rarement la décadence de l'esprit humain aura si merveilleusement été retranscrite en musique. Dédales spirituels et cérémonies hallucinogènes s'imbriquent consciencieusement tout au long du monstre avec la perfection d'une suite mathématique. Chapeau. Sérieusement.
Oui, la subtilité est clairement l'élément majeur de la formation qui manie aussi bien l'impact émotif profond que l'efficacité à toute épreuve. Inoxydable, inaliénable, c'est comme tel que « Flesh Cathedral » apparaît à l'auditeur, montrant sa résistance au temps, son pouvoir, son choc et son aura qu'il semble impossible d'éroder. C'est aussi ce trait de caractère qui plane comme une chape de plomb sur le timbre du chanteur, ce dernier étant absolument incroyable en terme de densité, d'émotions transmises, d’exaltation et de sincérité dans ses propos. « Wow » tout simplement...
Bon de toute façon, on ne va pas rajouter des mots éternellement. Vous avez compris l'essentiel. Vous aimez l'orthodoxe ? Non, euh attendez... Vous aimez le Black Metal ? Oui ? Hé bien vous allez tout de suite cliquer à droite sur la rubrique « extraits », et après, vous allez l'acheter. Vous l'écouterez cinquante-huit fois la première semaine, et au moins autant la semaine suivante. Et puis pareil pour la semaine d'après, et celle d'après... En plus, si vous êtes dans mon cas (et il y a fort à parier que vous le serez...), vous risquez de l'écouter encore longtemps... Mais alors très longtemps...
« Infuse the rotting hearts and enter the Flesh Cathedral.
Risen from the dissected thorax of creation. »
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