2021 se présentant jusqu'à maintenant et pour un moment encore comme un prolongement de l'an de disgrâce 2020, vous ne m'en voudrez pas si je passe une bonne partie de ce début d'année à vous parler des albums de l'an dernier auxquels je n'ai pas encore pu consacrer quelques lignes. On verra en 2022 les sorties intéressantes de 2021 ! C'est que si 2020 fût sans doute pour la plupart la pire année qu'ils aient vécue, elle s'est un peu rattrapée par l'avalanche de très bons disques. Et dans cette catégorie,
Grand Malevolence de Depravity sorti en décembre chez Transcending Obscurity Records a su fort bien se placer.
Le groupe avait fait l'effet d'une bombe suite à son premier méfait longue-durée, le coriace
Evil Upheaval. La barre était donc placée haut mais les Australiens ont su la franchir sur cette suite tout aussi convaincante. La pochette chargée pleine de couleurs d'Alex Tartsus, plus death metal tu meurs, promettait déjà du lourd tout en offrant une continuité par rapport à celle de
Evil Upheaval. Promesses tenues musicalement tant
Grand Malevolence présente un groupe en pleine confiance qui continue sur sa lancée. Celle d'un brutal death à grosse production, plutôt moderne même s'il se construit sur les bases des Grands Anciens, Morbid Angel (miam ce groove dark et rapide) et Suffocation en tête. On peut aussi penser à Cannibal Corpse et Aborted.
Grand Malevolence se fait juste à la fois plus varié et plus intense que son grand frère, avec une amélioration notable au niveau du chant, pas vraiment le point fort du premier opus. Jamie Kay varie ainsi davantage ses intonations en partageant régulièrement ses growls avec des shrieks, parfois même de façon superposée. On y trouve également plus de dynamisme ce qui, mêlé à sa puissance, fait désormais du chant un instrument à part entière. Pour le reste, c'est du pareil au même. On retrouve alors avec plaisir tous ces changements de rythme, ces stop-and-go et cette orgie de riffs, pour un résultat aussi chargé et bouillonnant que l'artwork. Pour préparer mes chroniques, j'ai pour habitude d'effectuer une dernière écoute au casque en notant tout ce qu'il se passe. Je peux vous dire que
Grand Malevolence a rempli pas mal de pages ! Depravity est un groupe généreux. Il en fout partout et c'est encore plus vrai ici. Si l'effet de sa musique s'avère immédiat grâce à la brutalité et l'efficacité dégagées, il faut clairement plusieurs écoutes pour assimiler entièrement la bête. Le rythme varie aussi souvent que subrepticement tout en restant la plupart du temps dans les valeurs hautes, beaucoup de choses se passent au même moment et le nombre élevé de riffs par morceau font qu'il est difficile de tout retenir tout de suite. À la fin de la première écoute, on a juste l'impression de s'être fait passer dessus par un 33 tonnes. La faute notamment à un Louis Rando (Impiety, The Furor, Mhorgl ...) en grande forme qui martyrise son kit à longueur de morceaux. Ça blaste sévère et malgré un son de batterie un poil trop synthétique, le rendu se révèle des plus jouissifs ! Le démarrage en trombe de "Invalid Majesty", la fin de "Cantankerous Butcher", "The Coming of the Hammering" à la troisième minute ou encore le bouquet final de "Ghosts in the Void", je reste encore soufflé par l'intensité de certaines séquences !
C'est donc une bonne grosse dose de violence que nous offre ce
Grand Malevolence. Cela dit, contrairement à beaucoup d'autres formations de brutal death qui pense que cela suffit, Depravity va bien au-delà du juste brutal. Un peu comme un blockbuster qui proposerait un vrai scénario. L'intensité s'avère très bien gérée non seulement par la variété rythmique (du blast, du thrashy, du groovy, du gras ...) mais aussi par des décélérations, des breaks plus marqués ("Cantankerous Butcher" à 1'15 et 3'24, "Trophies of Inhumanity" à 1'06, fin en arpèges de "Castrate the Perpetrators", intros de "Epitome of Extinction" et "Ghosts in the Void" ...). La combinaison de tout ceci permet d'instaurer une véritable ambiance sombre et menaçante qui parfois s'illustre dans une explosion jubilatoire de violence ou se montre plus sournoise à d'autres moments. Révélant ainsi un talent de composition certain doublé de capacités techniques au-dessus de la moyenne. Surtout, le riffing, souvent le parent pauvre du style, se montre très costaud. Beaucoup de schémas classiques en tremolo mais toujours inspirés et n'oubliant jamais la mélodie (un gros mot pour certains semble-t-il alors que cela reste la base même dans des styles extrêmes s'ils veulent rester musicaux). Le riff de "Cantankerous Butcher" à 0'51 sonne d'ailleurs presque melodeath ! Certains riffs un peu blackened apportent encore un peu plus de diversité comme à 1'20 et 1'55 sur "Invalid Majesty", "The Coming of the Hammering" à 0'24 et 1'45 ou d'entrée sur "Barbaric Eternity". On croise aussi ici et là de la dissonance ainsi que des motifs orientalisants un peu à la Nile en deux-trois occasions ("Castrate the Perpetrators" à 2'13, "Ghosts in the Void" à 0'32). Et quelques trouvailles un peu plus originales tel ce riff assez étonnant sur "Hallucination Aflame" à 0'47. Bref, le panel des deux guitaristes s'avère très large, ils savent à peu près tout faire. On regrettera juste quelques riffs un peu plus passe-partout, celui à 1'49 sur "Ghosts in the Void", trop jumpy, frisant même la faute de goût. Dans la tripotée de riffs qui nous est offerte cela dit, ils passent plutôt inaperçus. Plus visibles, les solos chaotico-mélodiques se font eux souvent trop brefs même si certains offrent un peu plus de construction et de développement. On sent du potentiel mais pas suffisamment exploité, ce n'est donc pas ce que Depravity sait faire de mieux.
On ne peut pas être parfait ! Le quintette de Perth nous abreuve tellement de bonnes choses que l'on pourra sans peine leur pardonner ces quelques maladresses auxquelles on pourrait rajouter cette basse bien audible mais au son un peu trop clinquant. J'aurais préféré quelque chose de plus vrombissant, plus grave, pour peser encore davantage. Ne boudons pas notre plaisir toutefois, ce
Grand Malevolence confirme tout le bien que l'on pensait de Depravity après un premier album déjà fort prometteur. Le groupe reprend le brutal death à gros muscles mais pas que de
Evil Upheaval tout en diversifiant son jeu et en intensifiant encore davantage les passages les plus bourrins. Et quel talent dans le riffing ! 95% de la scène BDM devrait en prendre de la graine ! Voilà notamment ce qui fait sortir Depravity du lot. La formation s'est même améliorée niveau chant, désormais un de ses nombreux points forts. S'il n'y a plus l'effet de surprise,
Grand Malevolence répond donc complètement aux attentes et je le mettrais au même niveau que son prédécesseur. Autant vous dire qu'il s'agit là du haut du panier 2020 du death metal australien avec le retour aussi improbable que réussi d'Abramelin ou la bonne surprise Sentient Divide. Alors ne vous fiez pas à son nom ultra banal qui renvoie plutôt à un excellent vieux groupe finlandais. Depravity nous a sorti là un des meilleurs albums de l'année dernière, lui qui a amplement mérité sa place dans le bilan en étant le seul à pouvoir titiller le gigantesque Chaos Catharsis.
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