Ustalost - The Spoor of Vipers
Chronique
Ustalost The Spoor of Vipers
Ne nous mentons pas : nous aimons les œuvres exigeantes, celles qui nécessitent des dizaines et des dizaines d'écoutes pour en saisir toute la sève. Celles qui sont capables de vous accrocher dès la première écoute, puis vous forcent à y revenir encore et encore pour espérer en être rassasiés. Ces disques en forme de drogue dure sont souvent bien cachés, vous forçant à jongler entre les webzines, à passer de labels en Bandcamps pour pouvoir les dénicher. C'est bien dissimulé au fin fond de sa cave que j'ai trouvé Ustalost, projet parallèle de Will Skarstad, officiant également chez Yellow Eyes. Yeux jaunes hypnotiques parents d'un "Sick With Bloom" plutôt convaincant bien que perdant de sa force au fil des écoutes - ce que ma collègue Dysthymie a déjà eu l'occasion d'expliquer en ces pages. Ustalost est beaucoup moins connu, et tient visiblement à cultiver son anonymat : pressage relativement confidentiel (200 copies, déjà épuisées), très peu d'informations sur les motivations du projet, présence limitée sur les internets... Un comble quand "The Spoor of Vipers", unique rejeton de ce side-project, s'impose au fil des écoutes comme l'un des disques Black Metal de l'année (si ce n'est LE disque de l'année).
Si Ustalost évolue dans l'ombre, préférant la discrétion à la promotion tonitruante, sa musique est beaucoup plus exubérante. Les superlatifs ne manquent pas dès lors qu'il s'agit de qualifier ces riffs lumineux, ces envolées de claviers grandiloquents, ces constructions hypnotiques en forme de longues messes. Six titres majoritairement lents, cadencés par une batterie organique, une basse ronde et des lignes de guitare qui occupent, par leurs échos, tout l'espace sonore. Le tout renforcé par un synthétiseur conjuguant parties atmosphériques d'une beauté confondante et notes presque impérieuses, rappelant furieusement Goblin - même si "The Spoor of Vipers" est bien plus qu'un projet de Suspiria Black Metal. Ustalost se situe au carrefour de ses influences, juste milieu entre Carpenter, Funereal Presence et Negative Plane, à la fois dans son goût prononcé pour le tremolo biscornu et les tournures mélodiques volontairement kitschs.
Du premier titre et son ouverture redoutable, à base d'un blast presque implacable (oui, il tend à ralentir au fil du temps, difficile de maintenir le rythme quand on est seul derrière tous les instruments) saucé de chœurs religieux graves, jusqu'à sa fermeture en forme d'envolée céleste, "The Spoor of Vipers" tisse un voyage en six stations, entre folie douce et acte de foi pur et simple. D'aucuns y verront, à l'image du patronyme du projet (Ustalost signifiant "fatigue" en Russe), l'expression de la mélancolie, d'une forme de tristesse : j'y vois, pour ma part, un disque quasi-religieux, que l'on croirait directement enregistré dans une crypte et mixé à même les caveaux. Je ne saurai expliquer autrement le fait que les riffs joués par Will Skarstad soient aussi poignants, des graves de "II" jusqu'aux embrasement aigus de "III". Ni même cette osmose entre les nappes de synthétiseur et les arpèges plaintifs de "IV" (pour ne citer que ce titre), où tout simplement cette utilisation des chants clairs, qui font systématiquement mouche (ha, ce cinquième titre !) et renforcent l'atmosphère d'un disque déjà bien chargé. Impossible, finalement, de séparer l'un des Agnus Dei du reste du troupeau tant l'ensemble est homogène et fonctionne bien. L'on navigue entre les tombes, les vitraux (forme d'art qui semble obséder le père Will, entre le logo d'Ustalost et l'artwork du dernier Yellow Eyes), pour un voyage halluciné et hallucinant dans l'imagination trouble du bonhomme.
Gageons que "The Spoor of Vipers" bénéficie rapidement d'un repressage en bonne et due forme, car ce premier méfait d'Ustalost est d'une qualité et d'une intensité peu communes. Le curriculum du bonhomme a beau être bien rempli, il vient d'enfanter d'une œuvre qui surpasse de loin celles de son groupe principal, Yellow Eyes. Talent technique, compositions judicieusement construites, incursions mélodiques et percées lumineuses qui cognent juste, avalanches de riffs épiques et dramatiques, "The Spoor of Vipers" , s'il n'est pas parfait (le jeu de batterie peut parfois paraître à peine approximatif), s'approche quand même dangereusement de ce que le genre peut nous offrir de plus prenant. L'album se vit plus qu'il ne s'écoute, et parvient encore à me surprendre après des mois à le saigner à blanc. Un coup de maître qui, s'il aime l'obscurité, mériterait amplement de se tailler une belle (et méritée) place au sommet.
| Sagamore 3 Septembre 2016 - 4503 lectures |
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