Voilà, en esprit, ce que j'attendais du dernier album de Fistula, le décevant
Longing for Infection : un disque qui plonge pieds joints et tout sourire dans la bêtise crasse, mais n'oublie pas d'étreindre l'auditeur pour l'emmener avec lui.
Car, question connerie, les Lyonnais de Karcavul se posent là. Leur goût pour les mauvaises blagues s'affiche dès un nom d’œuvre paraissant issu d'une nuit du rire sponsorisée par Kronenbourg (
Intersaône, rien qu'à le lire, tu perds en points de QI – et les titres de morceaux devraient être livrés avec un formulaire d'intégration en SEGPA) et continue dans une musique qui, au premier abord, ne tiendra que le temps d'une rigolade. Un peu comme toutes ces sorties confidentielles dont j'ai les étagères remplies, édition vinyle, sérigraphies, messages anar'/anti-fa, collaborateurs aux pseudonymes improbables, et que j'écoute au final une fois l'an, avant de les ranger et les oublier jusqu'à la prochaine écoute, faite par hasard.
Sauf que Karcavul est un peu plus que ça. Un constat que ceux ayant écouté la démo
Rawctaver et le split avec le duo black metal Uhl auront déjà fait, mais dont les nouveaux venus pourront tout aussi bien s'en rendre compte à l'écoute de ces trois titres. Car
Intersaône ne ment pas : si l'on plonge effectivement dans une Saône au bord de laquelle des pratiques pas très catholiques se passent une fois le soir tombé, c'est bien du côté de l'interzone que se situent les Lyonnais, nous y noyant avec un appétit rare pour la saleté. Crade, primaire, extrême et pourtant psychédélique, ce premier essai dans la cour des grands semble tenir autant d'un sludge façon Fistula période
We, The Beast,
The Whorehouse Massacre ou encore Supertimor que d'un metal préhistorique type Archgoat, voire d'une interprétation paysanne d'
Ævangelist qui n'aurait rien perdu en potentiel de terreur. Oui, si Karcavul se marre, nous, on caquette.
Abus de drogues, idiotie si poussée qu'elle devient extraterrestre (hé ! Ne dit-on pas « con comme la Lune » ?)... Honnêtement, je n'ai aucune réponse sûre à apporter pour expliquer le tour de passe-passe effectué ici. Toujours est-il que cela fonctionne, et pas qu'un peu :
Intersaône accule, rampe, grouille d'hallucinations cruelles riant de nous, comme un voyage dans le Warp de la saga Warhammer 40K ayant pour départ et fin la campagne française, où la pochette que vous pouvez zieuter en haut se contemple au format panoramique. Aussi jouissif que punitif, il n'oublie jamais de régaler de tartines entre sludge et death metal par des compositions construites comme des montagnes russes, pleines d'accélérations aux frontières de la noise pure et descente de tempos donnant autant envie de bouger que s'affaisser.
On peut faire les choses sérieusement et ne pas se prendre au sérieux une seule seconde : Karcavul rappelle cela, avec son allure de bourru bourré à faire passer le voisin Cult of Occult pour un être distingué et sa musique qui, rapidement, éteint toute envie de se moquer de lui à coups de voix enfiévrée et production encore plus barbouillée et putride que ce qu'on peut trouver dans un estomac un lendemain de fête. Certes, vingt-cinq petites minutes, c'est décidément beaucoup trop court – surtout pour apprécier pleinement cet au-delà vers lequel
Intersaône nous emmène. Mais tout de même, rien que pour les samples de Pierre Bellemare issus de l'émission
Les Enquêtes Impossibles, j'ai envie de dire au groupe « Bravo » !
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