Sheidim - Shrines Of The Void
Chronique
Sheidim Shrines Of The Void
Formé en 2012, Sheidim est un groupe espagnol dans lequel on retrouve des membres de Suspiral (Álex Tedín) et Morbid Flesh (C.S.). Après trois années passées à peaufiner sa recette dans le plus grand des secrets, le groupe se décide finalement à sortir de l’ombre début 2015 avec la parution sur le label anglais Me Saco Un Ojo d’un EP deux titres dont, je l’avoue, je suis complètement passé à côté malgré un artwork des plus alléchants. Heureusement, voilà l’occasion de se rattraper avec la sortie il y a maintenant quelques semaines sur Dark Descent d’un premier album intitulé Shrines Of The Void.
Mais avant toute chose, un peu de culture pour tous les petits curieux qui se sont posés la question : "Que signifie "Sheidim" ?". "Sheidim" est un mot hébreu que l’on trouve notamment dans le Talmud, l'un des textes fondamentaux du judaïsme rabbinique. Il y est utilisé afin d’évoquer l’existence de créatures spirituelles maléfiques commandées par Ashmodai, roi des démons. Il n’y a donc là rien d’étonnant à ce qu’une bande de chevelus vêtus de cuirs et de clous ait décidé de se baptiser ainsi pour jouer ce que l’on peut qualifier de Black Metal orthodoxe.
Comme beaucoup d’autres groupes avant lui, Sheidim ne s’est pas donné pour mission de chambouler le petit monde du Black Metal. Avec Shrines Of The Void la formation ibérique reprend à son compte ce qui a déjà été fait par d’autres avant lui. Aussi, après un "First Poison" aux sonorités particulièrement proches d’un Emperor période IX Equilibrium (notamment à partir de 0:59 et ce riffing mélodique si éloquent), c’est plutôt du côté des Allemands d’Ascension (période Consolamentum) que Sheidim semble aller puiser son inspiration. Une ressemblance qui, si elle a mis du temps à m’apparaitre faute de bon sens, n’en est que plus évidente aujourd’hui.
Un manque de personnalité (quelle blague) qui ne sera probablement pas sans lui porter préjudice, notamment aux yeux des plus exigeants d’entre vous. Heureusement, ce défaut est ici bien vite compensé par des compositions redoutables et toujours extrêmement efficaces. Car malgré un certain mimétisme, le soin apporté par Sheidim à l’écriture fait de Shrines Of The Void l’un des dignes représentants du Black Metal orthodoxe d’aujourd’hui. Le groupe qui ne s’embarrasse que de peu de fioritures (tout juste une ou deux introductions ici et là, quelques samples...), propose à ses auditeurs des compositions nerveuses qui misent simplement sur l’essentiel (un bon riffing, une atmosphère et du rythme) sans jamais se perdre en chemin. Une approche sans détour qui permet à ce premier album de jouir d’une dynamique relativement soutenue (beaucoup de blasts tout au long de ces trente-huit minutes) en dépit de quelques accalmies toujours bienvenues.
Dans le détail, ce sont surtout ces riffs qui m’ont ici séduit. En effet, il n’y a pas un morceau qui ne brille pas par la qualité du travail de C.S. (Morbid Flesh, Ataraxy (live), Graveyard (live)), seul guitariste à bord. Tantôt abrasif, tantôt lumineux, les trémolos de l’Espagnol font mouche à chaque composition et concourent dans leur ensemble à la mise en place d’une atmosphère puissante et impitoyable ("First Poison" à 0:45, "Shrines Of The Void" à 2:24, le début de "Deviant Kingdom", "Sunken Nigredo" à 0:38, "Amrita" à 1:58...). De cette atmosphère émane également un fort sentiment de dévotion renforcé par la présence de nombreux leads mélodiques porteurs, eux aussi, de cette foi éblouissante et pourtant tellement menaçante (comme sur "Sunken Nigredo" à 1:08 ou "Amrita" à 6:36). Même constat pour ces quelques soli qui viennent ponctuer l’album de temps à autre ("First Poison" à 4:38, "Sunken Nigredo" à 2:10, "Amrita" à 2:57, "Without Reins" à 3:45, "Remnants" à 3:23). Rien de bien sorcier en soit si ce n’est simplement un savant mélange d’éléments parfaitement concoctés qui rendent chaque écoute de Shrines Of The Void toujours particulièrement agréable et surtout ultra efficace.
Ceux qui ont été déçus par le virage plus modéré et moins incisif opéré par Ascension sur son album The Dead Of The World devraient sans nul doute trouver leur bonheur avec « Shrines Of The Void ». On y retrouve en effet toute la puissance et la dévotion de Consolamentum dans des compositions abrasives savamment ficelées où les riffs froids et implacables côtoient une religiosité menaçante. Sheidim se concentre ici sur l’essentiel, laissant le superflu de côté. Ainsi, les sept titres de ce premier album sont bouclés en un tout petit peu moins de quarante minutes comme pour ne jamais laisser le temps à l’auditeur de s’ennuyer. Et effectivement ce n’est jamais le cas tant on se trouve attraper par la qualité de ce premier album dont l’intensité ne faiblit jamais. Sans originalité particulière, Sheidim réussit néanmoins avec Shrines Of The Void à sortir l’un des disques intéressant de l’année en matière de Black Metal orthodoxe. Une franche réussite que l’on espère voir concrétiser dans le futur.
| AxGxB 3 Août 2016 - 880 lectures |
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