Cardinal Wyrm - Cast Away Souls
Chronique
Cardinal Wyrm Cast Away Souls
Il aura fallu trois rendez-vous avec Cardinal Wyrm pour que je tombe définitivement amoureux. Le premier, intitulé Another Holy Trinity, m'avait déjà marqué en 2013 avec ses airs de hardcore pour doomster (Pranjal Tiwari, chanteur et batteur de la formation, est épatant) mais le déclic s'est fait trop tard pour le chroniquer à l'époque. Deuxième rencontre et le constat était le même : Black Hole Gods m'intriguait et me charmait, mais impossible de mettre le doigt avec précision sur ce qui rendait la formation de Oakland aussi spéciale. Une idylle que j'avais décidé de garder secrète, ayant, je l'avoue, un peu honte à l'idée de présenter cette « chose » si peu avenante et cependant, unique et attirante.
Seulement, là, je ne peux plus le cacher. Oui, j'aime Cardinal Wyrm et Cast Away Souls a rendu cela clair. J'aime que son doom metal soit aussi classique et aussi à-part. J'aime qu'entre ses délires de mérovingiens école Reverend Bizarre (voire Opium Warlords, tant il y a de la sainteté qui se trame sous les lames, cf. « Silver Eminence ») et ses envies de voyage stellaire académie Yob (voire Vhöl, dont le thrash joué dans une fusée débarque ici où là), il décide de ne pas choisir. J'aime son chant larmoyant et arrogant, à la fois typiquement doom et bizarrement hardcore. J'aime tout de lui, ses envolées, son je-m’en-foutisme punk faisant qu'il s'en balance d'être hors-tempo, préférant guider de lui-même la marche. J'aime tout de lui et, hélas, je suis incapable de vous dire pourquoi.
Peut-être parce que ce trio réussit tout ce qu'il entreprend ? Autant à l'aise dans le doom et ses déclinaisons (black metal, drone, épique, psychédélique...) que dans des détours qui ne donnent jamais l'impression d'en être, si évidents finissent-ils par paraître une fois accoutumé (« Lost Orison » et sa beauté calme, romantique, et pourtant désertique, triste, semblant issue d'une nuit passée en compagnie de Comanches), Cardinal Wyrm donne la sensation d'écouter un groupe d'une autre dimension, comme si un portail vers notre Terre et la sienne s'était ouvert, une planète à la fois semblable au point de la croire la nôtre (on entre avec aisance dans ce disque ; on ressort chamboulé à chaque fois) et différente sur bien des points.
Autant dire que j'ai décidé d'y élire domicile le plus tôt possible. A-t-on entendu musique plus fluide et majestueuse que celle-ci ? Pranjal Tiwari et Leila Abdul-Rauf (Vastum, Hammers of Misfortune, ex-Amber Asylum) font des merveilles de leurs voix, pouvant aussi bien dorloter et mystifier que déchirer de leurs ongles notre intelligence. C'est qu'on ne se confronte pas à de telles couleurs (dont la pochette dessinée par Kim Holm donne simplement un aperçu) sans y laisser quelques neurones. Tant pis pour eux, tant chaque chose rend émerveillé comme un enfant un peu bête car hébété ici, jusqu'à une production résonnante, pleine d'échos trouvant une voie directe entre les oreilles et le cerveau.
Certes, tout n'est pas rose dans notre relation. Cardinal Wyrm déballe tant de belles choses lors des premiers morceaux de cet album que « Grave Passage », « Soul Devouring Fog » et « After the Dry Years » sonnent presque normales en comparaison. Il faut dire que sortir aussi vite cette grâce impétueuse qu'est « The Resonant Dead » revient presque à se tirer une balle dans le pied ! Mais celui qui fera l'effort de suivre la route des Ricains et cherchera à ouvrir ce qu'il entend comme un manteau trouvera de quoi s'émerveiller, pris dans un flash mêlant ailleurs et autrefois, élan vers l'atmosphère et mémoire d'une terre oubliée. Aller loin dans les galaxies, comme on retourne chez soi : peut-être est-ce là ce que me fait ressentir Cardinal Wyrm, et spécifiquement Cast Away Souls !
Ne croyez pas que j'ai tout dit à son sujet, ni que notre aventure est exclusive. Je ne demande pas mieux que de voir « mon » cardinal fricoter avec d'autres personnes. Attention cependant : bien que pouvant se définir comme sa drague la plus accessible, Cast Away Souls n'en reste pas moins une possible épreuve pour qui se laissera tenter. Œuvre aussi mélancolique, surannée, victorieuse et fêlée pourra même faire l'effet d'une technique d'approche trop agressive. Apprenez à pardonner ses quelques maladresses (pas sa timidité ; il n'en a aucune) : ce que vous vivrez avec lui risque de vous mettre dans le même état que moi, si heureux que vous souhaiterez en parler à tout le monde et si ébahi par sa personnalité que vous trouverez cela irréalisable.
| lkea 13 Octobre 2016 - 1082 lectures |
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