Sacrés Furia. Ils ne peuvent décidément rien faire comme tout le monde. Non contents d'explorer le folklore de leur pays natal par le prisme des friches industrielles et du paysage délavé qui s'offre aux yeux des ouvriers polonais (et non pas en versant dans le
pagan-pouet-pouet à outrance), ils ont réussi à se réapproprier les codes du Black Metal pour mieux les transformer, affinant au fil des albums leurs thématiques et leur univers. Même leurs premiers essais, plus "classiques" dans la forme, possédaient des compositions tarabiscotées traduisant leur volonté de s'affranchir de la masse (
"Grudzień za grudniem" en tête).
"Nocel", sorti il y a deux ans, était un bijou de créativité et d'émotions - tout comme l'était
"Marzannie, królowej Polski" avant lui. Furia, ce sont des compositions hypnotiques, systématiquement porteuses de mélancolies, soutenues par une section rythmique solide et un chant pour le moins... varié, alternant hurlements typiques et sentences prononcées de voix morne.
Le quintet de Silésie nous gâte, cette année, en sortant deux objets via leur éternel label Pagan Records : un EP,
"Guido", et surtout un nouveau long-format,
"Księżyc milczy luty", que j'attends avec impatience. D'ailleurs, l'EP dont nous parlons aujourd'hui n'a rien à envier à un album, à la fois par sa durée (35 minutes) et son aura : pour coller au plus près des thèmes qui lui sont chers, Furia a mis en boîte les deux compositions inédites et les trois titres improvisés dans les profondeurs de la mine de charbon Guido, du nom de son propriétaire (Guido Henckel von Donnersmarck), aujourd'hui transformée en musée le plus profond d'Europe (qui, pour les curieux, se visite
en ligne). C'est à Zabrze, 320 mètres sous terre et en formation
live, que Furia nous délivre un disque certes un peu différent de ce à quoi ils nous avaient habitué, mais pas moins prenant.
Honoré par un artwork superbe et un pressage digne de son contenu de la part du label (un 7" pour les deux titres inédits, un 12" pour les trois bœufs),
"Guido" brille par son fond comme sa forme. Un enregistrement live dans des boyaux de mine m'avait fait craindre le pire (déjà qu'une salle un peu voûtée est un cauchemar à sonoriser), mais il n'en est rien : l'EP complet sonne presque mieux qu'un enregistrement studio. Le
live permet véritablement de conserver intacte la fraîcheur et la spontanéité du jeu des musiciens. Et heureusement, puisque leur niveau technique, comme l'étendue de leur palette sont impressionnants. Si les deux premiers titres sont relativement "formels" dans leur exécution, chacun, aux cordes comme derrière les fûts, leur apporte un petit quelque chose en plus qui fait véritablement prendre la mayonnaise : la basse qui s'emballe, la batterie qui semble se retenir d'exploser sur "1", ces cymbales fantôme en contretemps et ces choeurs graves sur "2"... Point de blast-beats ni de tempi rapides sur ces nouvelles compositions ? La déception (Furia excelle lorsqu'il marie la mélancolie et la vélocité) cède vite la place à la conviction face au rythme irrésistible, presque dansant, de l'ouverture de
"Guido".
Aussi bon soient-ils, ce ne sont pas vraiment ces deux nouveaux titres qui donnent tout leur intérêt à l'objet. C'est la seconde galette, la
jam session du quintet qui me séduit le plus. Les musiciens le savent, pour trouver de nouvelles idées, rien ne vaut le bon vieil enregistreur, numérique ou à bandes, qu'on laisse tourner dans un coin pendant que l'on improvise. Après une courte descente en
szola (retranscrite par "320 w 2"), Furia laisse le temps à chaque musicien de s'adapter au rythme et aux propositions faites par chaque instrument. Les titres sont bien plus longs, plus lents aussi - improvisation oblige. On imagine sans mal les guitares de "Hahary", presque psychédéliques, lancer des saillies qui rebondissent contre les parois en un crescendo qui s'embrase en descentes de manche et en cris rauques - un vrai coup de grisou. On se figurerait presque la routine de la
gueule noire, allant casser sa roche en sifflotant sur " Łączka", petit bijou atmosphérique de créativité à la batterie, ou les cymbales sont délaissées au profit du cerclage des toms. "Lew Albinos", quant à lui, se fait plus pesant, prenant la forme d'un petit blast timide et de guitares entêtantes, pour terminer sur l'un de ces riffs mélancoliques à souhait dont seul Furia possède le secret. Ces trois morceaux d'impro sont de véritables pépites de Free Black Metal, qui n'a de noir que la couleur du charbon qui les entoure : ni
tremolo, ni voix d'écorché vif, ni rythme supersonique. Et qui me touchent tout particulièrement, venant d'une bourgade qui comporte bon nombre de paysages similaires à ceux que dépeint le quintet : Silésie charbonnière et bassin coutelier Thiernois, même combat ? Une chose est sûre, les paysages de la capitale de la coutellerie sont parfaits pour s'immerger dans l'ambiance de l'EP. Jugez du peu :
"Guido" est un autre bel ouvrage de la formation polonaise, à ajouter à une discographie qui ne comporte aucune faute de goût. Les deux premiers titres de l'EP renforcent l'impression de maîtrise du combo, quand les trois derniers montrent qu'ils ne sont ni à court d'idées, ni à court de talent. Et laissent entrevoir le meilleur pour le prochain long-format, à paraître dans moins d'un mois. A découvrir ou à redécouvrir.
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