Tu t'en doutes, toi qui t'attendais à une énième excellente note sanctionnant mes Polonais favoris : le fait que
"W śnialni" n'en comporte aucune n'est pas forcément bon signe. C'est avant tout un peu lâche, oui, une histoire de facilité. Un moyen comme un autre de ma rassurer, finalement : je n'arrive tout simplement pas à avouer que Furia me déçoit. Première vraie grosse dispute conjugale pour un mariage que je pensais solide... Du moins jusqu'à Dimanche dernier.
Annoncé d'un coup d'un seul par Pagan Records, il y a quelques jours,
"W śnialni" m'aura à peine laissé le temps de me hyper. Maigre teaser, malgré tout très alléchant (on ne parle pas de n'importe qui !), pour qu'au final la bête soit livrée aux auditeurs laissés affamés depuis le fantastique
"Księżyc milczy luty". Présenté comme un "drame musical" par son écurie, enregistré dans l'atelier des peintres Urszula Broll et Andrzej Urbanowicz, gratifié de l'intervention d'un orchestre de mineurs et d'acteurs de la troupe du National Old Theater de Cracovie... Putain, sur le papier, ça envoie ! Les mecs enregistrent dans une mine (
"Guido"), maintenant, ils vont se mettre au milieu des pinceaux, c'est osé ! Cinq ans d'attente, nom de Dieu... Avec un laïus promotionnel pareil, il va falloir que le reste suive !
Et puis, les montagnes russes... Une courte montée pour une interminable descente.
Cette pochette, déjà : une horreur. Une sorte de Jackson Pollock qu'on aurait déterré, puis recyclé, l'avant-gardisme en moins ? La diarrhée d'un Casimir qui aurait avalé tout rond une boîte entière de Crayola ? Aucune idée, mais mes rétines souffrent encore - prévenez, les gars, merde ! Puis vient la durée : deux morceaux, 29 minutes, qui suffisent apparemment à qualifier cette nouvelle offrande de
"full-length'. Soit, pourquoi pas - même si les précédents tournaient autour de la quarantaine de minutes, au doigt mouillé, je suis prêt à l'accepter.
"Mets tes préjugés de côté. Après tout, c'est Furia !"
Il y a de beaux petits morceaux, bien savoureux, dans cette galette. C'est indéniable. Difficile de pondre une merde intégrale quand on est aussi bon artisan. Quand
"W śnialni" riffe, il arrive à être convaincant. On y retrouve cette force, l'émotion brute à laquelle le groupe nous a habitués, et tous les sentiments qu'ils ont pu transcender au fil de leur discographie, jusqu'à présent sans faute. Malheureusement, ces instants sont tartinés jusqu'à en briser la biscotte, parvenant même à lasser le plus indulgent - et ne représentent que cinq petites minutes, à peine, sur la totalité de l'opus. 29 minutes... Durée si courte, mais ressentie si longuement ! Si j'aurai bien du mal à vous décrire, par le menu, le bordel sans queue ni tête qui se joue sur cet OVNI, une chose est cependant certaine : on s'emmerde ferme - Aïe ! Rien que d'écrire ceci pour qualifier une sortie de Furia me fait mal. Rendez-vous dans votre FRAC le plus proche, allumez Arte à deux heures du matin ou regardez les courts-métrages de France 2, et vous vous économiserez les frais de port. J'aurais payé pour voir la tronche du patron de Pagan Records à sa première écoute du master ! Entendre des gens gueuler en Polonais ou rire comme des débiles pendant d'interminables minutes sur un vague fond sonore
lounge, semblant tout droit sorti d'un boulard de seconde zone, ce n'est pas vraiment ma définition d'un "bon moment". Pas plus que d'écouter ce qui me semble être des balances pré-répétition sur les six premières minutes de "Wesele w Śnialni". C'est certainement très
"avantgarde", comme disent les péteux, probablement très fouillé, très inspiré (d'autant que l'album emprunte à la pièce
"Wesele" de Stanisław Wyspiański), mais cette performance n'arrive pas à l'orteil du moins inspiré des morceaux de Furia - et il n'y en a pas eu des masses.
Bref, je suis incapable de noter ce qui, de toute évidence, ne s'adresse pas à moi. Si je peux me révéler sensible à cette démarche d'art "total", du lieu d'enregistrement jusqu'au
concept de l'ensemble, travail minutieux et dévoué, il en reste que le rendu final me laisse désespérément froid. Je salue bien volontiers le jusqu'au-boutisme de Furia, persévérant dans sa volonté de briser les codes et de n'en faire qu'à sa tête... Mais rien à faire de mon côté : cinq ans d'attente pour
ça... C'est une déception, assez amère. Gageons que la suite tiendra plus du Black Metal que de la branlette d'étudiant aux Beaux-Arts. Espérons...
(Merci à Oscar, de The Goat Tavern, pour ses précisions concernant les concepts développés sur le disque !)
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