Zaum - Eidolon

A peine plus de deux ans après avoir réussi un coup de maître avec « Oracles » le duo canadien revient déjà aux affaires avec son second opus qui pousse l’expérience encore plus loin que son prédécesseur. Si cette première galette nous entraînait dans des contrées étranges et lointaines où l’on oscillait entre la scène psychédélique des années 60 et 70, et les débuts de la scène Progressive de cette même période, par des titres particulièrement longs et aboutis, ici l’expérience est poussée à son paroxysme. Bien que sur la forme et le fond l’idée générale reste la même, les gars nous proposent là uniquement deux compositions d’une vingtaine de minutes chacune, autant dire qu’on pouvait craindre une espèce de maelström digne d’un gloubiboulga dur à digérer, mais heureusement il n’en est rien car le talent du binôme est impressionnant.

Arriver à faire des morceaux à rallonge avec autant d’éléments est en effet peu aisé, beaucoup s’y sont essayés et peu sont parvenus à garder une accroche de la première à la dernière seconde. Si dans un registre différent on connaissait IRON BUTTERFLY et SWEET SMOKE il faudra désormais compter sur ZAUM tant ce disque est d’une richesse musicale de très haut niveau. Dès que débute « Influence of the Magi » on est embarqué dans une expérience spirituelle et apaisante qui nous emmène très loin, puisque l’ensemble débute par des chants de recueillement où les nappes de clavier se mêlent à une ambiance légèrement aborigène et à de la flûte de pan, pour donner un côté spatial et reposant. Après quatre minutes d’introduction nécessaire et délicate celle-ci voit apparaître la batterie d’une lenteur toute doomesque avant que le chant n’arrive encore un peu après mais de manière très discrète puisqu’un break permet de redescendre doucement. Cependant les gars décident de reprendre un peu d’altitude en remettant les instruments amplifiés plus en avant pour une dernière couche puisque la fin se termine de manière aussi apaisante que le début, pour un résultat grandiose et hypnotique digne d’une expérience sous acides divers ou Lsd.

On pouvait penser que tout cela aurait pu être plombé par la durée (que certains pouvaient penser excessive), il n’en est rien et on ne s’ennuie pas un seul instant puisque tout est super bien imbriqué malgré la complexité voulue par ses créateurs. Tout se tient en un bloc à la fois accessible et accrocheur, à l’instar de « The Enlightenment » plus oriental que précédemment, car ici on oscille entre musique traditionnelle Indienne (via l’utilisation du Sitar) et arabisante, qui ont pour effet d’apaiser et là de revenir à un état de plénitude absolu. Là-encore il faut un long moment avant que l’ensemble chant/basse/batterie ne se fasse entendre, toujours avec parcimonie notamment au niveau des voix de Kyle Alexander qui se font très discrètes, et dont le mixage avec beaucoup de réverb’ amène encore plus de confort auditif. Ici on navigue en plein désert, ça sent la chaleur, le sable et les caravanes de chameau, tout en gardant ce côté mystérieux et surprenant qui n’aurait pas fait tâche chez ORPHANED LAND ou MELECHESCH, et que l’on trouvait déjà sur le précédent disque du duo. Bien que différent de la première plage on retrouve de nombreux éléments communs, et finalement les deux morceaux s’enchaînent sans soucis, et la durée totale n’est pas un obstacle car on ne voit pas le temps passer.

On se pose sur son lit, on ferme les yeux et on part loin de ces tracas du quotidien tant les gars ont sorti le grand jeu avec cet opus qui surpasse le précédent (qui pourtant était déjà particulièrement relevé), et qui va demander un très grand nombre d’écoutes pour être totalement assimilé vu toutes les subtilités et les arrangements qu’il contient. Du très grand art totalement inclassable, mais à la réussite indéniable qui montre l’incroyable créativité du combo de Moncton, qui n’a probablement pas fini de nous surprendre dans l’avenir, tant sa marge de progression semble encore énorme.

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