Spite Extreme Wing - Vltra
Chronique
Spite Extreme Wing Vltra
Quand je vous répète que le roster d'Avantgarde Music est aussi ultime que son service clients et ses délais d'expédition sont misérables, n'y voyez ni de la lèche, ni des paroles en l'air : Ce n'est que la vérité. Et si vous ne connaissiez pas Spite Extreme Wing avant cette chronique, attirés par les couleurs vives de cette pochette exceptionnelle, vous avez raté quelque chose. Mais rien n'est irrattrapable, bien au contraire. Entrons dans l'univers des transalpins par leur album-épitaphe, "Vltra", qui est à la fois le point culminant et le disque le plus original de leur discographie.
Car avant d'enregistrer cet album, couplant des teintes rock'n'roll irrésistibles à des embardées guitaristiques aussi solaires que somptueuses, Spite Extreme Wing officiait dans un Black Metal relativement basique, tantôt véloce ("Kosmokrator", album de vieux titres datant de 1995 à 2000), tantôt plus porté sur les ambiances martiales ("Non Dvcor, Dvco"). Mais toujours soucieux de conserver une qualité, conjuguée avec des thématiques très... borderlines. Pot-pourri de fascisme italien, de références occultes et ésotériques, le patchwork, s'il était (et est toujours) maladroit, ne gâchait en rien l'attrait des débuts du trio. Exit le douteux trop évident ("Non Dvcor, Dvco" étant uniquement basé sur la biblio d'Evola), Spite Extreme Wing veut prendre des risques et proposer quelque chose de frais. "Faire du neuf avec du vieux". Et pas à moitié !
Incarnation parfaite de ce dicton, les cinquante-quatre minutes de cet "Vltra" ont été intégralement enregistrées avec des instruments vintage, pédales comprises, manufacturés autour de 1970. La production rend justice à leur grain très particulier, organique, aussi bien au niveau des guitares et leurs aigus (le fantastique "V") qu'à celui de la batterie, sur laquelle Francesco La Rosa montre toute l'étendue de son talent : alternant les blast-beats (jamais dans la surenchère) et les passages tout en finesse, parsemant les compositions de ghost-notes, de contretemps et de roulements, ce dernier évacue l'endurance et le pédalage forcené au profit d'une gamme de jeu impressionnante de variété. Les cordes jonglent admirablement entre le pompier de certains riffs, les plans plus dansants (l'ouverture de "II") et les parties typiquement "Black Metal". Chaque univers nourrit l'autre.
Remontant aux sources les plus lointaines du Black Metal, les trois italiens donnent à l'auditeur ce qui devrait être la véritable définition du Black'n'Roll : mélanger la puissance de feu de l'école Norvégienne à l'amour de la vitesse propre à la scène Italienne (Le futurisme ne vient pas de La Grande Botte pour rien !), en ne négligeant jamais le sens du riff simple, mais efficace, qui fait la marque de fabrique des plus grands du Rock'n'Roll. Sans aucune forme de pression, et finalement assez logiquement, Spite Extreme Wing se paie le luxe de reprendre du Misfits dans ce qu'il a de plus enragé ("II" est une reprise de "Devilock"), assisté pour l'occasion du chanteur de Frangar, et le notoire "Helter Skelter" des Beatles en guise de fermeture. Raccord avec la quantité d'influences qui sont brassées tout au long des dix titres de "Vltra". N'y cherchez rien de sinistre, rien de typiquement Black Metal, vous resterez sur votre faim. Spite Extreme Wing, plutôt que de se séparer sur une note noire, explose (littéralement) de joie, et en musique. L'album entier est lumineux, presque joyeux, sans jamais rompre avec une certaine nostalgie - cohérente avec le sous-texte, toujours aussi limite (et limité). On tape du pied, on hoche la tête, on lève les yeux vers le ciel, les couleurs de la pochette explosent la rétine, tout comme le premier titre embrase les tympans de l'auditeur en à peine plus d'une minute. Et même si certains relents pop surprennent ("VIII"), ils fonctionnent très bien, en tant que plaisirs coupables.
"Vltra" rompt aussi bien avec les canons de la scène qu'avec ses clichés. Plus qu'une musique de mort, il est un hymne à la vie, à la fête, sans jamais cependant renier ce qui l'a fait, l'a construit. Plutôt que de coller ensemble différents styles de façon grossière, plutôt que de cabotiner en servant la même mixture que sur ses précédents disques, Spite Extreme Wing choisit de se mettre en danger, et le fait à fond : en résulte un coup de maître. A (re)découvrir sans plus tarder.
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