The County Medical Examiners - Olidous Operettas
Chronique
The County Medical Examiners Olidous Operettas
Je fais partie de ces personnes qui regrettent l'évolution de Carcass. Le Death mélodique m'ennuyant prodigieusement, je peine à trouver de l'intérêt dans les disques ayant suivi "Necroticism - Descanting the Insalubrious", préférant de très loin "Reek of Putrefaction" (1988) et le sublime "Symphonies of Sickness" (1989), instigateurs de toute la mouvance Goregrind que l'on connaît aujourd'hui. Si la plupart des groupes valables dans le genre ont su se trouver une niche, de l'ultra-brutal (LDOH) au D-Beat tirant furieusement sur le Punk (Regurgitate) en passant par le groove délibérément stupide (Cock and Ball Torture), une formation Américaine a basé tout son concept sur de la repompe pure et simple des légendes de Liverpool - mais loin de s'en cacher, The County Medical Examiners embrasse complètement son statut, de bel hommage pour les uns, et d'ersatz pour les autres. "Olidous Operettas", qui souffle cette année sa dixième bougie, annonce directement la couleur avec cet aphorisme : "This album is dedicated to Carcass. We are but flies buzzing around your perfect, putrefying corpse.".
Et quand le principal argument publicitaire mis en avant par Relapse est une phrase prêtée à Jeff Walker, annonçant qu'il allait en toucher deux mots à ses avocats, on se doute que le trio de Californie n'a pas fait les choses à moitié.
Objet superbe, livret en forme de collage morbide rappelant les artworks censurés des deux premiers opus de Carcass, disque qui dégageait une odeur douceâtre de putréfaction lorsqu'on le grattait (véridique !), le tout étant accompagné d'un appendice imprimé sur papier épais, présentant sous forme d'opéra les paroles et le concept même de The County Medical Examiners. Ce dernier ayant été, de l'avis général, monté de toute pièce par le "Dr. Morton Fairbanks" (en fait Matt Widener, bassiste chez Cretin) : la formation se présentait comme un trio composé uniquement de musiciens issus du milieu hospitalier, guitariste et batteur étant engagés dans des études de médecine ou infirmiers, et bassiste (60 ans au compteur l'année de la sortie) gagnant son pain quotidien au milieu des tiroirs d'une morgue - et n'étant absolument pas intéressé par le Metal, ayant participé au groupe simplement pour s'amuser. Vraisemblablement deux prête-noms tant l'histoire semble trop belle pour être vraie, mais l'ensemble fait sourire et renforce immanquablement l'aspect jusqu'au-boutiste de ce second full-length, véritable miroir de "Symphonies of Sickness" (quand le premier album de TCME, "Forensic Fugues and Medicolegal Medleys", plus brouillon, rappelait immanquablement le déluge cru qu'était "Reek of Putrefaction").
L'album est ce que Carcass aurait pu enregistrer en lieu et place de "Surgical Steel", pour peu qu'ils n'aient pas choisi d'abandonner les cathéters et autres précis d'anatomie pour se concentrer sur le solfège et les productions aseptisées. On y retrouve la même urgence que dans le jeu de batterie pressé de Ken Owen, le même sens du riff assassin faisant la part entre tourbe brouillonne et rock'n'roll pur et simple (le final de "Blunt Force Flight" et son superbe solo), et surtout, les mêmes sensations qu'en 1989 : celles de chausser les Pataugas avant d'aller joyeusement barboter dans la fosse commune. Au-delà de son statut de Madeleine de Proust pour ceux ayant connu les débuts du Grindcore et de son pendant putride, "Olidous Operettas" réserve également de beaux morceaux de bravoure pour les novices comme pour les amateurs avertis de blast-beats et de tabliers de chirurgie.
Pour les puristes et autres pisse-froid, "Olidous Operettas" s'apparenterait plus à une grande chasse aux sorcières qu'à un disque-hommage. Production sonore très similaire, de ces frappes précises jusqu'au riffing bouillonnant, en passant par ce duo de voix de gargouilles reconnaissables entre dix autres, tout respire et pue la formation de Liverpool. On ne peut pas donner intégralement tort aux s(c)eptiques, la demie-heure que dure l'album étant pour moitié composée de repompes quasi-intégrales de breaks, de tournures rythmiques, de temps forts de "Symphonies of Sickness", parsemés sur chacun des huit titres : "Expeditious Evisceratory Mishap", dont le break double-pédale/guitare à 0:57 est une transposition plus rapide de la partie centrale de "Excoriating Abdominal Emanations"; la première minute de "Necrotic Apologues" se présentant comme un copier/coller à peine plus riche en cymbales de la célèbre entrée en matière de "Reek of Putrefaction"; "The Virchow Postmortem Procedure" qui, à 01:49, reprend la même batterie traînante et les voix vomissantes de "Ruptured in Purulence"... Pour autant, résumer "Olidous Operettas" à un plagiat pur et simple serait injustement réducteur. D'une part, car TCME n'a jamais caché son intention première, celle de n'être qu'un groupe hommage. De l'autre, car ce qui est présent sur la galette, et qui n'aurait pas été emprunté chez Carcass, est d'excellente facture.
Pour ma part, les choses sont bien tranchées. "Olidous Operettas" est à considérer comme un disque fan-service, dans ce que ce terme peut supposer de meilleur : mis en boîte par des fans respectueux du matériau d'origine, pour des fans nostalgiques ou désireux de revivre le frisson des prémices du Goregrind. Je préfère cent fois écouter The County Medical Examiners, qui assume pleinement sa raison d'être, que de me frapper un énième clone sans talent, qui se contenterait d'empiler les poncifs en les masquant derrière des pochettes toujours plus racoleuses et immondes. Vous prendrez ce second et ultime full-length du trio comme vous le voudrez, curiosité ou plagiat. Il est avant tout une déclaration d'amour fou à son premier amour - et c'est bien pour cette raison qu'il en serait presque touchant.
| Sagamore 20 Juillet 2017 - 1023 lectures |
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